L’anniversaire du vote de la loi Veil vient de rappeler opportunément qu’il y a 40 ans les catholiques français s’étaient prudemment abstenus de s’opposer à la légalisation de l’avortement tant la pression sociale était forte. Malgré toutes ces années d’évolution des mentalités, la position du Vatican reste réactionnaire (cf. le récent synode sur la famille ou les propos du pape François n’hésitant pas à évoquer les « enfants tués avant de naître » devant le Parlement européen !)
Voilà de quoi ragaillardir les pro-vie : deux jours après le discours papal, les Associations Familiales Catholiques (AFC) critiquent dans un communiqué la représentation nationale à l’occasion du vote d’une résolution réaffirmant « l’importance du droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse ». Ce faisant les AFC se livrent à des arguties sémantiques pour nier l’existence d’un « droit à l’avortement » dans les textes, droit des femmes insupportables à leurs yeux.
Ne jouons pas sur les mots : la convention des Nations Unies pour l’élimination des discriminations à l’encontre des femmes (1979, ratifiée en 1983 par la France) engage bien à assurer aux femmes « sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les moyens d’accéder aux services médicaux, y compris ceux qui concernent la planification de la famille » ; et le Conseil de l’Europe (2008) invite bien les Etats à « garantir l’exercice effectif du droit des femmes à l’accès à un avortement sans risque et légal ».
Pour la France, la messe est dite… depuis 1974 : la femme qui « dispose de son corps » en avortant dans le délai prévu par la loi n’est pas une criminelle, c’est pourtant simple ! On se permettra quand même de remarquer que nombre de croyants s’abstiennent « en conscience » d’obéir à la hiérarchie catholique en pointant l’exemple de l’ONG américaine Catholics for choice (en)1 qui refuse l’hypocrisie de ne pas mettre en accord les actes et les principes.
Nous rappelons que les AFC ont contribué au financement des manifestations hostiles à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Il s’agissait d’une offensive de nature cléricale dans la mesure où ce mouvement s’opposait à une avancée législative égalitaire non pas sur des motifs d’intérêt général mais pour répondre aux dogmes de l’église catholique. Pas de défense de l’intérêt des familles donc, mais une immixtion sur des fondements religieux dans l’élaboration de la loi commune.
Les AFC ont de même participé à l’initiative citoyenne européenne « Un de nous » afin de faire reculer les droits et la santé en matière de sexualité et de reproduction à l’échelle européenne, sous couvert de « protéger l’embryon ». Elles ont aussi mené campagne contre le rapport « sur la santé et les droits sexuels et génésiques » au Parlement européen présenté par la députée européenne Edite Estrela.
Les ressources des AFC proviennent notamment du Fonds spécial versé par l’UNAF qui provient d’une contribution prélevée sur la CNAF et la MSA, il s’agit donc de fonds publics destinés à servir l’intérêt général qui sont de fait détournés pour rétablir un certain ordre moral.
En réalité, l’affaire reste politique aujourd’hui comme hier : en déniant aux femmes la libre-disposition de leur corps, l’intégrisme catholique – comme il le démontre dans les pays où il conserve des appuis, ainsi que dans son lobbying européen et dans son alliance avec son homologue islamiste – ne vise qu’à préserver les bases familiales de la domination masculine au profit de son projet ultra-conservateur.
Ne nous endormons pas sur les acquis d’hier, car le bon sens n’y suffit pas. Seule l’alliance des forces féministes et laïques progressistes permettra de faire barrage à ces tentatives rétrogrades.