Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Une proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale à partir du 12 mars 2015, sous le numéro 61. Elle a été examinée et amendée par la commission des lois au rapport de M. Alain TOURRET (n° 2614).
Or, en contradiction totale avec l’intitulé de ce texte, qui invoque « l’obligation de neutralité » et le « principe de laïcité », les articles 1er et 1er bis (amendés par la commission des lois) prévoient :
« Les deux premiers alinéas du présent II [concernant l’obligation de neutralité religieuse]ne sont pas applicables aux personnes morales de droit privé se prévalant d’un caractère propre porté à la connaissance du public intéressé. Toutefois, lorsqu’elles bénéficient de financements publics destinés à soutenir les activités d’accueil des enfants de moins de six ans, ces personnes morales accueillent tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances de leurs représentants légaux. Leurs activités assurent le respect de la liberté de conscience des enfants. » (souligné par l’UFAL).
Si cette disposition étaient adoptée, elle introduirait une double novation juridique qui aboutirait, au contraire des intentions proclamées, à faire reculer la laïcité. En effet :
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Elle introduit dans le champ des modes de garde de la petite enfance la notion de « caractère propre » d’un établissement confessionnel, qui est réservée au domaine de l’enseignement scolaire (y compris préélémentaire) et ne s’applique qu’aux « établissements liés à l’Etat par contrat ». Les associations laïques se souviennent que cette notion a servi, depuis une décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977 relative à la loi Guermeur, à consolider le financement public de l’enseignement confessionnel, qu’elles dénoncent depuis près d’un demi-siècle comme contraire à l’article 2 de la loi de 1905, selon lequel « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ».
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Elle procède à une violation supplémentaire de ce principe de séparation, en autorisant explicitement le financement public des crèches confessionnelles. L’obligation « d’accueillir tous les enfants dans distinction d’origine d’opinion ou de croyance » et de respecter « la liberté de conscience des enfants » assignée en contrepartie apparente n’est qu’un vœu pieux, compte tenu du caractère particulièrement ségrégatif voire sectaire desdites « crèches confessionnelles ». Il est permis de penser que le « respect du caractère propre » d’une crèche confessionnelle serait difficilement compatible avec une interdiction du port de signes religieux par le personnel en contact avec les enfants : or cette restriction de la liberté d’expression religieuse a été admise par la Cour de cassation (décision Baby-Loup du 24 juin 2014) comme conforme aux dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant protégeant précisément leur liberté de conscience.
L’UFAL affirme qu’une crèche est certes libre de se proclamer confessionnelle (à condition de respecter les prescriptions législatives et réglementaires), mais qu’elle ne peut dans ce cas prétendre au versement de subventions publiques.
L’UFAL appelle tous les Parlementaires attachés à la laïcité, et refusant qu’elle soit à nouveau réduite dans le domaine de l’éducation d’enfants particulièrement vulnérables en raison de leur jeune âge, à rejeter au minimum la disposition citée plus haut.
Nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs les Parlementaires, l’expression de notre profond respect et de notre attachement à la laïcité républicaine, dont les tragiques évènements de janvier 2015 nous rappellent l’absolue nécessité.
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