L’Institut des Cultures d’Islam (ICI)((56 Rue Stephenson, 75018 Paris)) est officiellement « un centre d’art contemporain “en lien avec le monde musulman”, un lieu culturel pluridisciplinaire, un centre de formation » comportant « un hammam, des ateliers culinaires, un café, des ruches ». En réalité, cet habillage sert d’alibi « culturel » à la construction d’une mosquée de 320 m2 par la ville de Paris, sur ses fonds, et intégrée à son patrimoine ! Soit une double violation de la loi de 1905, qui interdit toute subvention aux cultes, comme toute construction publique d’un nouveau lieu de culte !
L’ICI est une violation directe et permanente de la loi de 1905
Cette entourloupe était bel et bien intentionnelle. Ainsi, il y a quelques années, un membre du cabinet du Maire de Paris avait expliqué à l’UFAL, qui s’inquiétait des prières de rue dans le 18ème arrondissement, que les mesures administratives mettant fin à ces débordements étaient conditionnées à la mise en service préalable de l’ICI ! Les accommodements (dé)raisonnables coûtent cher !
On connaissait déjà le « truc » anti-laïque des « budgets mixtes », qui consiste à faire subventionner partiellement par la collectivité un lieu de culte construit par une association religieuse — l’alibi du financement public étant culturel (salon de thé ou musée d’art sacré), mais toujours annexe.
Mais cette fois, l’ICI est entièrement propriété de la Ville de Paris, qui en a été le seul maître d’ouvrage. Et là, malgré les encouragements au vice du Conseil d’État1, la légalité de cette construction est carrément compromise. Comment faire ?
Le bail emphytéotique administratif pour contourner la loi de 1905 ?
D’où l’idée de tenter de profiter d’une disposition parfaitement légale, quoique contraire à la loi de 1905 : la possibilité pour une collectivité publique de conclure un bail emphytéotique administratif (BEA) pour la construction d’un lieu de culte.
Cette disposition2 (art. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales) permet aux collectivités de céder un terrain public pour une somme « modique » (1 € pour l’ICI), à une association cultuelle (= dont l’objet exclusif est l’exercice d’un culte), pour une durée allant jusqu’à 99 ans (c’est le cas). L’objet est de permettre à celle-ci d’y construire et entretenir un lieu de culte qui sera en fin de bail… intégré dans le patrimoine de la collectivité ! Le Conseil d’État a généreusement confirmé le 19 juillet 2011 la légalité de cette « dérogation » à la loi de 1905…
La Mairie de Paris a donc trouvé astucieux de conclure un BEA avec une association nommée « Société des Habous et lieux saints de l’islam » portant sur une partie du bâtiment de l’ICI, justement les 320 m2 réservés à la mosquée. Eh bien, cela ne suffisait pas à emballer la grossière illégalité de cette « mosquée communale » parisienne !
Des recours gagnants…
Un contribuable parisien particulièrement persévérant, M. Guy Hamon, a contesté la décision municipale de conclusion d’un BEA devant la justice administrative, comme contraire à la loi de 1905. Débouté par le Tribunal administratif le 20 mai 2014, il a obtenu gain de cause devant la Cour administrative d’appel le 26 octobre 2015. Celle-ci a annulé la décision du maire de Paris.
La Cour a considéré que le titulaire du bail, la Société des Habous et lieux saints de l’Islam, association de la loi de 1901, n’était pas une association cultuelle de la loi de 1905 comme l’exige la loi. Elle a par ailleurs admis que l’association ne pouvait bénéficier d’un BEA, puisqu’elle ne construisant pas elle-même le lieu de culte (ce qui est pourtant l’objet prévu par la loi).
Que croyez-vous que fit la Mairie de Paris ? Elle se pourvut en cassation devant le Conseil d’État…
Les conseils du Conseil pour tourner la loi de 1905
Et que croyez-vous que fit ledit Conseil ? Il ne pouvait que confirmer la décision du juge d’appel. Oui, mais… N’oublions pas que le Conseil d’État n’a de cesse depuis des décennies de participer au détricotage de la loi de 1905. Il fallait donc trouver une issue donnant une chance à la mosquée municipale de devenir (pour 99 ans) mosquée privée. Voici donc l’astuce imaginée.
Certes, l’association « Société des Habous etc. » n’étant pas cultuelle, elle ne peut bénéficier d’un BEA. Mais, ajoute benoîtement le CE, « sans préjudice de la possibilité pour les parties de régulariser le bail en y insérant une clause résolutoire garantissant l’affectation du lieu à une association cultuelle satisfaisant aux prescriptions [légales] ». Admirons la formule « sans préjudice de » qui veut dire : je vous suggère de…
On pourrait juste s’en amuser si, au passage, le Conseil d’État n’avait purement et simplement écarté le motif, à notre avis tout aussi déterminant, que l’association n’avait pas elle-même construit l’ouvrage, ce qui ne lui permettait pas de satisfaire aux conditions prévues par l’art. L 1321-2 du CGCT ! Comment ? Simplement en déclarant qu’il ressortait de la rédaction de l’arrêt de la CAA qu’il s’agissait d’un « motif surabondant », ce qui permet au CE d’écarter le moyen, comme « inopérant » !
L’entourloupe de la Mairie de Paris aura ainsi à peu près réussi : il n’est pas difficile de recommencer l’opération en concluant un nouveau BEA dans les termes suggérés par le Conseil d’État —voire de créer de toutes pièces une « association cultuelle » ad hoc ! Au fait, toute nouvelle délibération et tout nouveau BEA est susceptible d’être attaqué devant la justice administrative…
Mais l’enfumage le plus grossier n’aura jamais été déjoué, grâce à l’aveuglement volontaire du juge de cassation. Un BEA est destiné à permettre une construction par un tiers et à ses frais sur un terrain communal. Or en l’espèce, c’est la Ville de Paris qui aura construit à ses frais un lieu de culte qu’elle entend remettre à un tiers qui en jouira pendant 99 ans sans avoir déboursé autre chose que 1 € symbolique !
En attendant, la salle de prière est toujours en service, privatisée au sein d’un bâtiment communal (comme l’a montré une émission de TV du 2 octobre 20163 ). Les contribuables parisiens seraient parfaitement en droit de demander à y accéder, voire à l’utiliser —par exemple pour une conférence publique sur la laïcité…