De par son histoire, ses valeurs et ses principes, la République française est une référence en matière de droits humains. Pourtant, elle a souvent été à la remorque de l’histoire comme pour le droit de vote des femmes, l’abolition de la peine de mort ou l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Aujourd’hui, alors qu’une écrasante majorité de la population est favorable à l’euthanasie, alors que de nombreux pays l’ont dépénalisée ou légalisée depuis plusieurs années, les majorités successives multiplient les consultations, les débats, les demandes d’avis, de rapports… — tandis que l’actualité est régulièrement ponctuée de drames humains et professionnels, et que les départs à l’étranger pour un dernier voyage se multiplient.
À la question « Selon vous, la loi française devrait-elle autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie de ces personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent ? », 96 % des sondés répondent par l’affirmative.
À la question : « Souhaitez-vous que le président de la République tienne sa promesse de campagne en autorisant, dans le cadre d’une loi votée par le Parlement, le recours à l’euthanasie active pour les personnes en fin de vie qui en feraient la demande ? » 93 % répondent là encore positivement.
À ce niveau, ce n’est plus du courage qui est nécessaire au Président de la République, son gouvernement ou la majorité parlementaire, mais du respect. Du respect pour leur fonction, qui veut qu’ils œuvrent dans le sens de la volonté générale. Du respect pour leurs électeurs, qui demandent simplement qu’un engagement soit tenu. Du respect pour les droits humains, dont l’un d’entre eux reste aujourd’hui à acquérir.
Notre devise républicaine est triplement bafouée :
- la Liberté de finir sa vie est refusée au nom d’arguments qui confinent de plus en plus à des arguties ;
- l’Égalité est rompue, car l’interdit masque en réalité une pratique de l’euthanasie clandestine, hypocrite et inégalitaire ;
- la Fraternité elle aussi est trahie par l’abandon à leurs souffrances de ceux qui souffrent et ne peuvent être soulagés.
À ces trois piliers de notre République, nous considérons indispensable d’associer le principe de laïcité, qui émancipe l’élaboration de la loi de tous les dogmes. Or c’est bien la laïcité qui est en cause, tant l’action politique est paralysée par l’intrusion omniprésente des autorités religieuses et de leurs relais médicaux ou associatifs, aussi agissants qu’ils sont numériquement faibles.
Si les médecins sont tellement attachés au Serment d’Hippocrate qui prescrit « je ne provoquerai jamais la mort délibérément », respectons cet attachement et libérons-les d’une problématique qui ne les concerne plus. Rappelons cependant qu’à son origine, le Serment interdisait l’avortement (« je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif »). Et ne faisons pas injure à tous les médecins qui sont plus attachés aux droits humains et à la dignité qu’à la génuflexion devant des dogmes inadaptés aussi bien aux consciences qu’à la médecine moderne. Les médecins sont formés et rétribués pour préserver la santé et soigner, pas pour donner la mort, dont acte. Mais le fait que la mort survienne aujourd’hui majoritairement dans un environnement médicalisé ne doit pas leur donner plus d’influence dans le débat public sur une question qui concerne 100 % de la population.
Les citoyens et les familles n’attendent pas de leurs élus qu’ils trouvent le courage qui leur fait cruellement défaut, mais simplement qu’ils respectent la mort choisie comme ils doivent respecter la vie.
Force est de constater que la proposition de loi de MM. Alain CLAEYS et Jean LEONETTI créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie passe à côté de l’enjeu et ne répond pas aux attentes. Après un passage en Commission des affaires sociales qui a fait barrage à toute évolution du texte vers un droit à mourir dans la dignité, elle sera examinée en séance publique à partir du 10 mars.
L’UFAL demande aux députés de donner réellement la priorité à l’intérêt général en s’émancipant du poids des dogmes qui empêchent depuis trop longtemps de conquérir l’ultime liberté de l’être humain.