Après les divers attentats de par le monde et sur le sol français, en particulier, on ne peut sacrifier la laïcité des institutions pour la légitime émotion sur l’autel du terrorisme. On ne peut abandonner nos principes constitutionnels pour un retour à une logique concordataire. L’État ne saurait imposer à tous les citoyens un œcuménisme réducteur et trompeur autour de la « Conférence des responsables de cultes en France ». La vie politique et civile de tous les citoyens ne peut se réduire à la seule appartenance présupposée à six religions. Sur 66 millions d’habitants, on compte moins de 4 millions de pratiquants réguliers toutes religions confondues. Près de la moitié de la population se déclare sans religion. On ne saurait, sauf à exclure ou communautariser, enfermer la diversité des citoyens dans ce seul domaine religieux.
Dans cette dérive politique construite à partir des religions, l’émergence de la question de l’Islam conduit à la tentation de consentir des assouplissements sous formes « d’accommodements raisonnables » à nos principes pour remettre en cause non seulement la lettre mais aussi l’esprit de la loi du 9 décembre 1905. Les religions plus anciennement établies en France, en perte de vitesse, n’attendent que ces concessions faites à l’Islam pour entériner ou réformer leur rapport à l’Etat laïque dans une reconnaissance institutionnelle qui préfigure un remariage concordataire. C’est l’occasion inespérée de revenir à la situation antérieure à la loi de séparation des Églises et de l’État en conviant l’Islam à ces épousailles entre politique et religion ? Une telle idée conduirait à rétablir un ordre social
ancien élaboré autour de quelques « cultes reconnus » où le citoyen serait assigné à résidence dans « son » origine, « sa » culture et affecté implicitement à une religion pour mieux lui être soumis. Un retour à l’ordre moral tel que l’entendait Adolphe Thiers, pour lequel « un curé valait cinquante gendarmes ».
Seule l’union de tous les français, indépendamment de leurs convictions ou croyances permettra d’assurer la cohésion nationale. L’obligation de respecter le principe constitutionnel de laïcité de chaque citoyen et non de quelques groupes ou religions arbitrairement choisies est la meilleure assurance que l’émancipation, la liberté, les droits et la sécurité de chacun d’eux soient garantis de manière effective. La laïcité c’est refuser tout privilège à l’athéisme comme aux religions.
Le rôle de l’État est d’assurer la sécurité et la liberté de culte et non de l’organiser. L’Islam en France doit rester l’affaire des musulmans. Ce n’est pas exclusivement la « liberté religieuse » que la laïcité garantit mais d’abord la liberté de conscience, laquelle permet le droit de choisir sa religion, n’en pas avoir ou d’en changer. Voire de militer contre toute religion.
Les institutions publiques doivent demeurer incompétentes en matière de religion, ne reconnaitre institutionnellement aucun culte, aucune croyance. Cette séparation et cette stricte neutralité garantissent l’égalité des citoyens au regard de toutes les convictions.
La laïcité, pour l’État et les institutions publiques, n’est ni l’inclusion, ni l’exclusion des convictions ou des religions. LA LAÏCITE, PRINCIPE CONSTITUTIONNEL, N’EST NI CONTRE LES RELIGIONS, NI AVEC MAIS SANS ELLES.
La laïcité c’est la neutralité, la séparation. Seule la neutralité effective de l’État et celle des institutions concrétise le primat de la liberté de conscience et garantit la liberté de culte pour ne placer aucune opinion au-dessus des autres. Ainsi l’État est le gardien de l’égalité républicaine.
* Titre emprunté à Catherine Kintzler : cf. article dans Philosophie magazine du 03/12/2015.