L’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 proclame que les « droits naturels et imprescriptibles de l’Homme […] sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ».
Aujourd’hui, la liberté ne se décline plus qu’en termes de libéralisme économique : la concurrence libre et non faussée, la libre circulation des marchandises, la liberté d’entreprendre, etc.
La propriété n’est plus que l’instrument de la reproduction de la division du monde entre riches et pauvres au travers de mécanismes de concentration et de confiscation.
La sûreté a disparu des écrans au profit d’un prétendu droit à la sécurité.
Dans le discours politique actuel, le terme de sécurité est omniprésent. La droite, qui clame depuis longtemps que « c’est la première des libertés », est désormais rejointe par une grande partie de la gauche. Or ce qui est consacré dans la Déclaration des Droits de l’Homme, c’est la sûreté, c’est-à-dire l’assurance pour le citoyen que le pouvoir de l’État ne s’exercera pas sur lui de façon arbitraire et excessive. Le droit à la sûreté est la garantie des libertés individuelles du citoyen.
Un droit à la sécurité est aujourd’hui défini par la loi sous son seul aspect civil. Il est présenté comme un droit créance, un « droit à », et donc comme un objectif à atteindre et non plus comme un devoir de la puissance publique. Il en découle une inflation de lois sécuritaires qui restreignent les libertés plus qu’elles n’éloignent le danger.
L’insécurité sociale et l’insécurité culturelle constituent deux fléaux totalement évacués du débat public, alors qu’ils ne sont pas moins importants que l’insécurité civile tant ils gangrènent le corps social.
L’article 22 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme proclame pourtant que « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale ».
Pour combattre l’insécurité sociale, les luttes sociales ont permis l’avènement de la Sécurité sociale, de l’indemnisation du chômage ou du droit du travail. Toutes ces protections et ces dispositifs de solidarité sont en régression sous les coups de boutoir du néolibéralisme. L’insécurité sociale grandit, la confiance en l’idéal républicain s’amenuise, et avec elle la conscience du commun, de la solidarité et des combats collectifs.
Les principes républicains unissent, libèrent et s’opposent aux injustices et aux inégalités, voilà pourquoi ils sont attaqués, voilà pourquoi nous les défendons.
Les tenants du néolibéralisme ont tout intérêt à ce que les oppositions identitaires et culturelles soient mises en avant au détriment des luttes sociales. Tout est alors organisé pour laisser libre champ aux dérives identitaires avec leur deux pendants : les culturalistes communautaristes d’une part et les identitaires d’autre part. L’idée sous-jacente est de réduire tout débat politique à leur affrontement et ainsi conduire à l’impossibilité de penser la solidarité et la lutte en dehors des appartenances réelles ou supposées.
Entre l’économisme – qui consiste à ne comprendre la société qu’en fonction des rapports de force dans le monde productif – et le culturalisme – qui consiste à ne voir et comprendre les relations humaines et sociales qu’à travers le prisme de « l’identité culturelle » – nous avons choisi le républicanisme, c’est-à-dire le combat pour un modèle politique qui permet la différenciation et la séparation entre la sphère publique – celle du commun, sans référence aux identités particulières – et l’espace civil – celui de la libre expression possible des identités de toutes sortes – et protège ainsi chacun de toute possibilité de soumission à telle communauté constituée. La protection sociale solidaire, l’école et la laïcité sont les outils par excellence de cette émancipation garantie à tous, c’est pourquoi elles sont en première ligne.
Nous découvrons que désormais la réélection du Président de la République, qui traditionnellement permettait une trêve dans les offensives néolibérales, n’est même plus l’objectif essentiel. Que reste-t-il alors des quatre droits naturels et imprescriptibles de la Déclaration de 1789 ? La résistance à l’oppression !