L’ESPE (école supérieure du professorat et de l’éducation) de l’Académie de Créteil organise les 18 et 19 mai un bien étrange colloque. Sous couleur de recherches en sciences humaines, il s’agit, une fois de plus, d’instrumentaliser la sociologie contre la laïcité.
Pour faire court, la laïcité serait une arme de guerre de la domination blanche postcoloniale contre les femmes des groupes minoritaires anciennement colonisés. Ainsi, la loi du 15 mars 2004 réglementant le port des signes religieux par les élèves de l’école publique viserait en réalité à discriminer les jeunes filles musulmanes. L’école de la République serait ainsi structurellement raciste… Mieux, le dominateur est explicitement caractérisé comme mâle et surtout blanc : véritable « racisme à l’envers », selon les mots de Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Il n’est plus ici question de « recherche en sciences sociales » -ce qui justifierait l’intérêt d’un ESPE- mais bien de propagation d’une idéologie néo-raciste, antirépublicaine et anti-laïque. Quelques sociologues (Christine Delphy, Raphaël Liogier…) servent d’alibis aux militant.e.s dénonciateur.trice.s de « la république blanche postcoloniale », de « l’islamophobie », ou aux propagandistes du « féminisme identitaire », défendant « le voile, c’est mon choix » contre les « féministes blanches postcoloniales » de la « population majoritaire ».
Caricatures ? Hélas, non, comme le prouve l’affiche du colloque de l’Académie de Créteil publiée sur le site du « réseau national des ESPE », à l’appui de « l’appel à communications » (donc, comme cadrage idéologique). Elle mérite quelques commentaires.
Pour ceux que le jargon rebute, précisons que « l’intersectionnalité » est, en sociologie, l’étude de la combinaison des diverses discriminations dont un individu est victime : comment elles se renforcent, ou au contraire neutralisent leurs caractérisations respectives…
Ainsi, la discrimination principale visée par le dessin est celle qui frappe les femmes. La réponse, le féminisme, est symbolisée par le poing fermé et le biceps saillant. Mais l’intersectionnalité vient des deux autres discriminations évoquées : celle de la race, signifiée par la couleur des peaux, et celle de la religion et/ou la culture, manifestée par le voile de la femme de droite.
Le traitement graphique de ces « discriminations secondes » est significatif. Le « racisme à l’envers », ici à l’œuvre, consiste à essentialiser la couleur de peau pour y assigner les individus –définition même du racisme ! Ainsi, la blancheur de la femme de gauche a été manifestement accentuée pour en faire un stéréotype de la « blanchitude » : par opposition, celle de droite, portant foulard, que le racisme traditionnel considèrerait pourtant comme « de race blanche », est artificiellement représentée « moins claire » (« bronzée »), de façon à la distinguer à tout prix de la « blanche ». C’est que la discrimination a priori que postule cette idéologie oppose exclusivement « les blancs » à tous les autres ! A la limite, la « race blanche » serait la seule oppressive par essence…
Quant à la discrimination par la religion, ou la « culture », elle ne paraît concerner qu’une seule femme de l’image, celle qui porte le voile : les deux autres ne manifestent pas leur appartenance. Et pourtant… Ainsi, le fichu couvrant les cheveux de la « blanche », accessoire stéréotypique de la « ménagère » repris ironiquement par le féminisme traditionnel (« blanc »…), se trouve recyclé de curieuse façon, comme coiffure ordinaire. Car la « noire » porte de son côté un bandana, étonnamment du même tissu que le voile musulman de la troisième femme. Il s’agit bien de suggérer que le port d’un tissu sur les cheveux est un « universel » féminin, afin de banaliser la signification du voile –qui est pourtant, tout non-sociologue le sait, un signe ostensible d’appartenance religieuse dont personne ne peut prétendre qu’il n’ait rien à voir avec la « domination masculine »…
Sont annoncées à ce (très long) colloque quelques communications édifiantes. Par exemple : « L’institution scolaire au risque de l’islamophobie : pistes de réflexion à partir de la question du devoir de neutralité ». L’intervenant, Marwan Mohammed, est un sociologue militant, pourfendeur de « l’islamophobie1 », qui sert ici à remettre en question la laïcité scolaire. Autrement dit, un principe constitutionnel, excusez du peu ! Par ailleurs, un « panel » proposera trois interventions sur le thème : « Comment l’institution scolaire fabrique le « problème musulman », la discussion étant animée par Hanane Karimi, qui milite pour l’abrogation de la loi du 15 mars 2004 ! Plus direct encore, dans le « panel » «Discipliner les minoré·e·s » (ah, l’école post-coloniale !) est prévue la communication : « Surveiller et sanctionner au nom de la loi du 15 mars 2004 ». On ne peut être plus clair : prôner la contestation des lois de la République dans un ESPE, voilà une propagande qui n’a plus rien à voir avec « la recherche en sciences humaines », et tout avec la lutte sournoise contre la laïcité et la République elle-même. L’islamo-gauchisme serait-il devenu la doctrine officielle de l’éducation nationale ? On attend avec intérêt la réponse de Mme la rectrice de l’Académie de Créteil.
En attendant, l’UFAL appelle les laïques à la plus extrême vigilance contre toutes les formes d’infiltration de ces idéologies nauséabondes, sous couleur de colloques, formations, cours, etc. Il serait temps de décoloniser les sciences humaines : la sociologie ne saurait servir de cheval de Troie aux complices de l’islamisme politique et de l’apartheid identitaire.
- Islamophobie : anathème dépourvu de rigueur (critique une religion n’est pas un délit !), qui sert à imposer silence aux laïques, comme l’ont montré Caroline Fourest, et plus récemment Elisabeth Badinter. [↩]
11 commentaires
Mr Macron prône dans son programme l’autonomie des écoles ,ainsi, les directeurs pourraient recruter leur équipe éducative en fonction du projet de l’école. Comment l’UFAL voit-elle la mise en place de cette réforme?
Je la juge très dangereuse non pas parce qu’il y aura compétition entre écoles mais parce qu’elle risque de faciliter la mise en place de mesures contre la laïcité (il suffira que l’équipe éducative y soit favorable) et enfin que le statut des enseignants fonctionnaires soit « écorché ».
L’UFAL s’est toujours prononcée contre le mouvement d’autonomie des établissements scolaires. L’éducation doit rester nationale.
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‘Decoloniser les SH, Apartheid identitaire, racisme inverse’, ces mots trahissent le manque de profondeur de vos arguments. Votre texte n’a pas de sens. Il montre surtout un malaise ds votre identite de blanc…faut travailler la-dessus.
MERCI ! Vous faites la démonstration du « racisme inversé » que nous dénonçons, avec votre anathème sur notre « IDENTITE DE BLANC » : un tel propos tombe sous le coup de la loi, faut-il vous le rappeler ? Faut travailler sur les lois de la République, à défaut de vous instruire sur l’histoire, la philosophie, la génétique… et le bon sens, tout simplement.
Dans ma vision identite blanche ou noir n’ont pas de valeur positive ou negative. Meme si historiquement il y a une domination des blancs sur les noirs.
Ce qui transpire ds votre texte c’est un malaise face aux populations non blanches en France. Il faudra vous y faire, ces populations ne vont aller nulle part.
Si vs considerez que le faites de vs dire que vs etes blanc est une insulte je n’peux rien faire pr vous.
Je ne sais quelle paranoïa peut vous faire voir dans mes propos un « malaise face aux populations non blanches » : j’ai en revanche un vrai malaise face aux racistes, qu’ils soient blancs ou « non-blancs », puisque tel est apparemment le nouveau paradigme ! Vous ne savez rien de ma couleur de peau : pourtant, sachez que mon patronyme me fait souvent identifier comme d’origine africaine -ce que je me suis toujours gardé de démentir. Le racisme, c’est d’abord de la bêtise….
Je trouve au contraire que le texte de M. Arambourou a beaucoup de sens et de profondeur et que votre commentaire serait presque désopilant s’il n’était pas grotesque. « L’identité de blanc » que vous assignez à l’auteur n’existe pas, pas plus qu’une quelconque autre liée à une couleur, sauf pour un raciste.
Au fond valez vous mieux que ceux du FN ?
Generalement il faut eviter de parler de personnes en termes de raciste ou pas.
Le FN n’est pas le seul representant du racisme en France. De l’extreme gauche a l’extreme droite on retrouve des pratiques racistes.
En France il y a un probleme de racisme, on peux plus le cacher il est trop voyant. Il va falloir parler des questions de race. Les choses n’iront pas mieux en se cachant derriere les valeurs universalistes fantasmees de la republique.
Dans le texte de Mr Arambourou, on ressent le malaise de la personne qui ne veux pas parler de race explicitement mais qui contourne la question en parlant de laicite.
Bref puisqu’il n’est plus pols correct de parler des arabes parlons de l’islam et de laicite.
Je ne peux que maintenir mon soutien à C Arambourou et encore plus face à la confusion des propos de vos réponses…
Encore un « malaise » : merci de ne pas vous préoccuper de ma santé à ma place (elle va bien). Mais « parler de race », c’est TOTALEMENT raciste, ne vous l’a-t’on pas appris à l’école ? Et si les valeurs sont universalistes, on ne saurait se « cacher » derrière elle, puisqu’elles s’appliquent à tout être doué de raison (Kant). Considérer l’universalisme comme un fantasme, et donc le refuser, c’est la base même de toutes les idéologies d’exclusion de discrimination, et du racisme. La laïcité règle les rapports entre les collectivités publiques et les cultes, elle n’a strictement rien à voir avec la « race » supposée : décidément, l’ignorance est la mère de tous les vices ! La vôtre me cause un « malaise » réel. Etudiez et réfléchissez avant de venir donner des leçons anti-humanistes !