Dans la perspective d’ouvrir la PMA à toutes les femmes, un nouveau type de filiation est en discussion : réservé à ces seuls enfants, il garderait trace du recours à un don de gamètes dans l’acte d’état civil. Une stigmatisation alors qu’existe une solution bien plus simple : étendre le droit existant.
L’UFAL est signataire de cette tribune collective, à l’initiative du GIAPS – Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles, qui a été publiée le 2 mai par Libération.
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Dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, différents rapports et avis sont intervenus pour proposer des évolutions dans les modes d’établissement de la filiation. Ils anticipent les conséquences de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. La proposition du rapport Théry-Leroyer de 2014 sur cette question est largement reprise par ces différents textes : elle consiste à créer un nouveau mode d’établissement de la filiation exclusivement réservé aux enfants nés d’un don de gamètes, que le projet parental ait été porté par un couple hétérosexuel, un couple de femmes ou une femme seule. Ces parents devront tous faire une déclaration commune avant la conception de l’enfant par don, qui établirait la filiation à l’égard de la mère ou des deux parents. Mais cette déclaration serait également reportée sur l’acte de naissance de l’enfant ; ce qui conduirait à inscrire sur son état civil le fait qu’il ait été conçu grâce à un don de gamètes. L’un des objectifs de cette proposition est de forcer les personnes ayant recours à un don à révéler à l’enfant son mode de conception : avec cette réforme, un enfant qui ne saurait qu’il est né d’un don pourrait le découvrir par hasard en consultant la copie intégrale de son acte de naissance.
Une telle inscription est problématique à plusieurs égards. Mentionner le recours à un don sur un document public, c’est tout simplement contraindre les personnes à révéler, à différentes occasions de la vie, des informations médicales confidentielles : veut-on vraiment révéler à notre conjoint, à notre notaire, à un officier d’état civil, qu’on est né d’un don ? Que nos parents rencontraient des problèmes de fertilité ? Que notre mère célibataire a conçu dans un cabinet médical ? Quand bien même l’acte de naissance intégral est très peu accessible, ces informations médicales et personnelles sont hors de propos dans le système de filiation. De manière générale, cette proposition rapproche indûment la filiation et l’accès aux origines biologiques alors qu’il s’agit de deux questions radicalement distinctes. Les actes d’état civil sont conçus pour garder trace de la filiation au sens juridique, c’est-à-dire du lien entre un enfant et son parent, indépendamment de l’existence d’un lien biologique entre eux. La question de l’accès aux origines, voire de la levée de l’anonymat des donneurs et donneuses, devrait être traitée indépendamment de celle de la filiation, afin de ne pas mettre en place un système stigmatisant pour les parents ayant eu recours à un don de gamètes et pour leurs enfants.
Créer un mode de filiation spécifique pour les enfants issus d’un don constitue une double stigmatisation par le droit. D’une part, les parents ayant eu recours à cette méthode de conception sont traités différemment des autres parents du fait de leur infertilité, de leur orientation sexuelle ou de leur absence de lien conjugal. Pour les couples hétérosexuels, il s’agit même d’un recul radical de leurs droits : aujourd’hui leur filiation est établie par le droit commun, demain ils feront l’objet d’un droit dérogatoire. D’autre part, ce système stigmatise les enfants en sous-entendant qu’ils ne sont pas des enfants comme les autres.
Par ailleurs, pointer publiquement qu’une tierce personne est intervenue dans leur conception laisse entendre que tous les autres enfants ont été conçus par leurs parents. Or, le droit de la filiation actuel ménage une place à la volonté de s’engager vis-à-vis d’un enfant sans en être le géniteur : la reconnaissance, la présomption de paternité et la possession d’état permettent d’établir la paternité sans besoin d’apporter la preuve d’un lien biologique. En entérinant une forte immixtion de l’Etat au cœur de l’intimité des familles, cette proposition fait, en outre, courir le risque d’une différenciation entre les familles dont les parents sont hétéro- ou homosexuels. Les couples hétérosexuels, s’ils contournent le système de déclaration anticipée – par exemple en ayant recours à un don à l’étranger – pourront, eux, faire établir la filiation de leur enfant par les méthodes de droit commun ; alors que les couples de femmes, si elles veulent faire établir un double lien de filiation dès la naissance, seront obligés de faire mention du don. Situation paradoxale dans la mesure où ce sont elles qui sont les moins susceptibles de ne pas révéler à leurs enfants le recours à un tiers donneur. Un prix bien lourd à payer par les lesbiennes, pour pouvoir bénéficier de la PMA !
Pourtant, un système plus simple est possible et il fait ses preuves depuis 1994 : il serait tout simplement envisageable d’étendre le droit existant à tous les couples. Actuellement, un couple hétérosexuel ayant recours à un don de gamètes donne son consentement préalablement à la conception de l’enfant devant un notaire. Au moment de la naissance, la filiation de l’enfant est établie, à l’égard de la mère par la mention de son nom dans l’acte de naissance, et pour le père par la présomption de paternité si les parents sont mariés (aucune démarche n’est alors nécessaire de la part du mari de la mère) ou par reconnaissance s’ils ne le sont pas (le père devra déclarer sa paternité devant un officier de l’état civil). La seule différence avec le droit commun est que si le père ne reconnaît pas l’enfant, sa filiation pourra être ultérieurement établie en justice et qu’il est impossible pour les parents ou pour l’enfant de contester cette filiation.
Par ailleurs, il est impossible d’établir un lien de filiation entre l’enfant et le donneur ou la donneuse. Ces adaptations visent à sécuriser la filiation de l’enfant en consacrant le projet parental qui l’a fait naître. Ce système pourrait tout à fait être ouvert aux couples de femmes en prévoyant, après le consentement donné à une PMA, une présomption de co-maternité en cas de mariage ou la possibilité d’une reconnaissance par la mère qui n’a pas porté l’enfant en dehors du mariage. Ces modifications a minima du droit existant permettraient de répondre à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. En attendant une réflexion plus globale sur le système de filiation qui permettrait, notamment, de prendre en compte la coparentalité.
À l’initiative du GIAPS – Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles.