Le gouvernement Philippe vient d’annoncer le contenu de sa très importante réforme de l’assurance chômage. Sans surprise, l’option gouvernementale s’appuie sur le logiciel néo-libéral le plus décomplexé promu par l’Union européenne qui estime que le chômage est avant tout la conséquence de la paresse des chômeurs et du niveau trop élevé des allocations chômage, qui dissuaderait de rechercher un emploi.
Pour répondre au défi du chômage, le gouvernement entend par conséquent réduire le droit à indemnisation des chômeurs, afin de les inciter à « traverser la rue ». Les principales mesures contenues dans la réforme reposent en effet sur une accentuation des règles de dégressivité des allocations et surtout un durcissement inédit des conditions d’ouverture des droits (6 mois d’assurance requis sur les 24 mois précédents contre 4 mois sur les 28 mois précédents actuellement).
Pour faire passer la pilule, le gouvernement annonce deux mesures d’accompagnement d’apparence populaire :
- l’instauration d’un plancher d’indemnisation pour les hauts revenus à l’issue de la période de dégressivité
- la mise en œuvre d’un bonus-malus pour les entreprises qui abusent des contrats courts.
Ce bonus-malus est pour le moins paradoxal, pour ne pas dire démagogique, alors que plus de 80 % des embauches se font d’ores et déjà en CDD, et que la récente réforme du Code du travail a eu pour effet de créer de nouvelles catégories de contrats limités dans le temps, dont le fameux CDD de chantier. On peut donc s’interroger sur ce que signifie le mot « abus » de contrats courts pour le Gouvernement, d’autant qu’il exclut plusieurs secteurs clés fortement utilisateurs de CDD du dispositif de bonus-malus comme le bâtiment et la santé.
Contrairement aux dénégations gouvernementales, l’objectif de cette réforme est en réalité uniquement comptable. Il s’agit de réaliser entre 1 et 4 Milliards d’euros d’économies sur l’indemnisation chômage. Cette réforme touchera les plus précaires de manière certaine et devrait accroître mécaniquement le taux de pauvreté. Quant à la dégressivité des allocations pour les « hauts revenus » supérieurs à 3000 euros (seuil qui fait commencer la richesse un peu bas !), elle est purement démagogique, sachant que 95 % des indemnisés touchent moins de 1810 euros par mois, et que l’allocation maximale de 6615 € nets mensuels ne bénéficie qu’à… 0,05 % d’entre eux ! Elle est en outre relativement injuste, frappant les salariés qui cotisent par ailleurs le plus à l’assurance chômage (désormais par le biais de la CSG, qui remplace les cotisations salariales).
En réalité, tout est fait pour sortir littéralement l’assurance chômage du champ du salaire socialisé et la transformer en un dispositif d’incitation par tous les moyens au retour à l’emploi même le plus précaire via notamment le statut de micro-entrepreneur ou, à défaut, vers les minima sociaux (et ainsi sortir des statistiques du chômage). Depuis le transfert du financement de l’assurance chômage sur la CSG en contrepartie de la suppression des cotisations salariales, le gouvernement avait créé les conditions pour que l’UNEDIC cesse d’être une assurance sociale contre le risque de privation d’emploi placée entre les mains des partenaires sociaux. Elle devient un dispositif étatique et coercitif néo-libéral de sortie des chômeurs du champ du droit social. C’est d’ailleurs pourquoi le gouvernement entend sortir l’UNEDIC de sa gestion paritaire actuelle pour lui substituer un système placé sous contrôle direct de l’État. Histoire de faire taire définitivement les syndicats pourtant fort peu virulents. Et ce, avec l’assentiment du MEDEF qui est désormais rassuré par le fait que le gouvernement a totalement intériorisé son corpus idéologique et qui peut désormais se retirer du paritarisme en toute quiétude.
Le plus grave dans tout cela, c’est que ce logiciel néo-libéral, tel qu’il est présenté, suscite l’approbation d’une grande partie des Français : 74 % des personnes interrogées seraient favorables à la dégressivité des allocations, y compris chez les cadres qui en seront les futures victimes. Comme nous le voyons, le néo-libéralisme n’est pas simplement une évolution financière du capitalisme. Il s’agit d’une idéologie visant à faire admettre aux travailleurs soumis à la domination du capital qu’ils sont individuellement les acteurs de leur propre réussite sociale et que les injustices sociales sont a contrario liées au manque d’effort individuel.
Cette réforme est un nouvel acte politique fort qui poursuit un objectif d’atomisation complète du salariat initié avec la réforme du Code du travail et dont la prochaine étape sera la réforme de notre système de retraite.
Plus que jamais, l’UFAL se place du côté des travailleurs de notre pays. La France compte 6 millions de chômeurs, 9 millions de pauvres et des millions de travailleurs qui ne peuvent vivre dignement de leur travail même salarié à temps plein. Notre mouvement en appelle à une mobilisation politique et sociale contre le programme anti-social macroniste, mais par-dessus tout à une mobilisation des esprits contre le projet de destruction de tout notre édifice social républicain que mène actuellement le gouvernement.