On ne présente plus Gérard DELFAU aux lecteurs d’Ufal Flash, qui le connaissent surtout comme militant de la laïcité, et ancien président de l’association amie ÉGALE. Il dirige la collection Débats Laïques (chez l’Harmattan), dont nous chroniquons régulièrement les productions : par exemple La Laïcité, défi du XXIème siècle. Il anime le site Débats laïques qui reprend certains de nos articles. On est entre amis.
Avec Je crois à la politique, écrit en collaboration avec Martine Charrier, journaliste, on découvre un autre aspect des croyances de cet incroyant : sa vie politique de maire, puis de sénateur –sa vie d’homme, tout court. C’est la « foi du charbonneur », car il n’a jamais cessé de « charbonner », de se battre sur le terrain pour toutes les causes politiques sociales et économiques qui lui semblaient justes. Disons le tout de suite : il a de quoi être fier, rien à jeter là-dedans !
Certes, c’est aussi la « foi du charbonnier », et certains sceptiques trouveront ce « je crois » un brin naïf : mais l’ouvrage ne cherche pas à cacher faiblesses et contradictions de l’engagement politique. D’autres apprécieront diversement la photo de Mitterrand sur la couverture, ou la préface de Bernard Cazeneuve, voire ricaneront des turpitudes internes du PS de l’Hérault. Mais quelle lucidité de la part de l’auteur sur les abandons successifs de ses camarades. La foi des années de militantisme et l’enthousiasme de l’alternance de 1981 sont douchés dès 1983 par « la mort du PS d’Epinay » – Jospin en particulier se fait tailler un costume sur mesure, jusqu’à la « déception » de 2002. Mais ceci est une histoire interne… à un parti que l’auteur finit par quitter, pour le PRG.
Qu’il soit dit une fois pour toutes que Gérard Delfau reste jusqu’au bout un « homme de gauche », démocrate, social, humaniste. Elu local, il peut affirmer « avoir été peut-être utile » (Aragon). Il sait tout ce qu’on peut encore changer dans la vie des gens, au plus près des « pays » ou des « bassins d’emploi ». Comme sénateur, il a porté son expérience au niveau national.
Serait-il ringard de « croire à la politique » ? En réalité, si Gérard Delfau conçoit la politique « à l’ancienne », c’est comme un bon ébéniste travaille « à l’ancienne » : en artisan exigeant et minutieux, attaché aux valeurs du métier. Eh non, ce n’est pas « le nouveau monde » de certains, et on nous permettra de nous en réjouir. D’autant plus que cet infatigable combattant est tout sauf passéiste : européen convaincu, mais sans complaisance vis-à-vis du « marché libre et non faussé », républicain et laïque intransigeant (ce qui ne l’empêche pas de chanter avec le curé de son village), il incarne les valeurs et les principes auxquels l’UFAL est attachée. On appréciera ses analyses rigoureuses sur des sujets d’actualité : « droit au travail ou revenu universel d’existence ? », « foulard islamique : fallait-il légiférer » (oui, dit-il), etc.
Voilà un élu du peuple, un vrai, qui a fait son travail républicain, et un militant de toujours. Son ouvrage, au-delà des péripéties politiques, est revigorant : d’un intérêt historique indéniable (son auteur a pratiqué d’ailleurs l’histoire avec un grand H), il redonne confiance en une République « laïque, démocratique et sociale ». Témoignage concret indispensable, à l’heure où Marianne est taxée par certains de « racisme systémique », et boudée par la moitié des citoyens…