I tréma est une émission littéraire de Laïcidade , la chaine de baladodiffusion (podcast) de l’UFAL, animée par Philippe Foussier de l’UFAL Paris qui présente des livres pour faire la République laïque et sociale. Emmanuelle Billier-Gauthier est la présentatrice et maitresse d’œuvre de l’émission.
Dans I tréma #6, c’est le livre collectif « 100 ans de Parti Communiste Français » qui fait l’objet de la recension à écouter sur toutes les plateformes.
Juge et Parti
Le PCF célèbre en ce mois de décembre 2020 son centenaire. A cette occasion, il publie un livre illustré qui aborde cette histoire avec une distance variable.
Toute institution a souvent du mal à juger de sa propre histoire. Le Parti communiste français ne déroge pas à la règle. Même si, avec cette entreprise éditoriale, le résultat s’avère… globalement positif. Conduite par l’historien -et directeur de la Maison Triolet-Aragon- Guillaume Roubaud-Quashie, elle propose une rétrospective en découpant par année l’aventure du communisme français replacée dans ses différents contextes.
Ce livre a été composé par une trentaine de jeunes doctorants ou frais docteurs, préfacé par le n°1 du Parti, Fabien Roussel, avec une postface signée par Claude Mazauric, grand historien de la Révolution française. Il manque peu de sujets dans cet ouvrage foisonnant, y compris ceux qui dérangent l’histoire « officielle » du PCF, sauf la laïcité.
Parmi les thèmes qui ont mis le Parti communiste dans l’embarras, la plupart sont examinés avec rigueur et une part d’autocritique indéniable. C’est vrai du féminisme, de l’écologie ou de l’homosexualité. C’est également le cas vis-à-vis des dissensions internes. Il est par exemple souligné qu’il faudra attendre longtemps pour que le PCF assume ses carences quant à une « impossible déstalinisation ». La direction avoue ainsi en 1977 qu’elle n’a pas dit toute la vérité sur le rapport Krouchtchev, qui date de… 1956. S‘agissant du culte pour Staline, il est néanmoins rappelé que tous les drapeaux des bâtiments officiels avaient été mis en berne en France à l’annonce de sa mort.
Le gauchisme réhabilité
Intéressantes également les controverses culturelles entre les tenants de l’orthodoxie réaliste menés par le peintre André Fougeron et les défenseurs de l’art abstrait, conduits par Picasso et Aragon. Les tensions parfois vives entre le communisme municipal et ses impératifs de gestion confronté à la doctrine officielle font aussi l’objet d’éclairages instructifs, comme le rapport entretenu par le Parti avec le monde rural.
L’accent est mis sur les combats pacifistes du PCF, et c’est même la raison majeure mise en avant pour justifier la création du Parti en 1920 tandis que la SFIO aurait cédé, elle, aux sirènes de l’union sacrée durant la Grande Guerre. Plusieurs chapitres sont consacrés aux engagements anticolonialistes des communistes, de la guerre du Rif jusqu’au Mali aujourd’hui, classé dans cette catégorie…
On pourra trouver amusant le récit des affrontements entre communistes et « gauchistes » au fil de l’histoire et comment, à la faveur d’une coalition dans le cadre du Front de gauche, le PCF se retrouve en ce début de siècle acoquiné avec ces courants jadis tant honnis, en en reprenant même parfois les postures et le vocabulaire. A dire vrai, la capacité des historiens maison à observer une distance avec leur sujet s’estompe à mesure qu’on quitte l’histoire pour entrer dans l’actualité. Le traitement réservé à l’histoire du PCF depuis les années 1990 relève la plupart du temps de l’hagiographie, culminant avec le portrait de Marie-George Buffet, canonisée de son vivant comme « l’un des plus grands ministres de la Jeunesse et des Sports de la Ve République ».
Philippe Foussier
Guillaume Roubaud-Quashie (dir), 100 ans de parti communiste français, Cherche midi, 232 p., 25 €