I tréma est une émission littéraire de Laïcidade , la chaine de baladodiffusion (podcast) de l’UFAL, animée par Philippe Foussier de l’UFAL Paris qui présente des livres pour faire la République laïque et sociale. Emmanuelle Billier-Gauthier est la présentatrice et maitresse d’œuvre de l’émission.
Dans I tréma #7, c’est le livre de Marc Trévidic « Le roman du terrorisme» qui fait l’objet de la recension à écouter sur toutes les plateformes.
Le roman du terrorisme de Marc Trévidic
Autobiographie de la terreur
Magistrat a la longue expérience dans ce domaine, Marc Trévidic propose une réflexion aussi insolite que documentée sur le terrorisme, ses sources, ses ressorts et ses ambitions.
C’est peu dire que Marc Trévidic est habité par le terrorisme. Il va même jusqu’à se fondre en lui pour proposer un roman à la première personne dont le héros est l’objet de ses recherches. La réflexion qu’il propose balaie une grande variété de domaines, de la philosophie à la géostratégie, de la théologie à l’histoire. Ce discours de la méthode terroriste n’emprunte pas pour rien ses références à René Descartes. Après la période éventuelle de doute et le chemin qui mène à la vérité, « tout retour en arrière est devenu impossible », résume schématiquement l’auteur.
A la lecture de cet étrange roman, on pourra être agacé par l’énumération envahissante des renvois aux textes qui, depuis le XIe siècle en Perse, ont fondé la « pensée » du terrorisme. Marc Trévidic est un bon élève, il a poussé ses recherches, son labeur est indéniable. Et il s’agit sans conteste d’une réflexion dont la profondeur invite le lecteur à prolonger la sienne. Mais, au-delà de cette dimension philosophique, ostentatoire, le magistrat distille des réflexions plus prosaïques sur la réalité tangible du phénomène.
Marc Trévidic n’est ainsi pas dupe des acrobaties géopolitiques qui ont émaillé l’histoire du terrorisme de ces dernières décennies. Les Etats-Unis d’Amérique sont à juste titre épinglés pour leur politique de gribouille qui prêterait à sourire si elle n’avait pas eue d’aussi tragiques conséquences. Après avoir contribué à installer le régime des Talibans en Afghanistan, après avoir -comme l’Occident de manière générale d’ailleurs- soutenu les djihadistes bosniaques, l’Oncle Sam a « rendu vrai ce qui était initialement faux, à savoir le lien entre le régime baasiste et al-Qaida ».
Esprits paradoxaux
Il se désole aussi de la manière dont le terrorisme impose ses normes. « Que ce soit au Danemark ou en France, les actions terroristes menées contre ceux qui avaient voulu, au risque de leur vie, garantir la liberté d’expression avaient pour objectif de vous imposer un comportement contraire à vos valeurs », observe l’auteur. « Le plus surprenant fut que certains esprits paradoxaux, au cœur de vos démocraties, avancèrent l’idée que la liberté d’expression devait avoir ses limites et qu’il fallait, notamment, ne pas blasphémer (…). Si les Britanniques avaient raisonné ainsi dans les années 1980, Salman Rushdie ne serait plus de ce monde », assène-t-il en concluant ce chapitre.
Le voyage au cœur du terrorisme que propose Marc Trévidic ne concerne pas que sa version islamiste, loin s’en faut, et ses réflexions sur les cas basque, corse et surtout irlandais ne manquent pas d’intérêt. Quant à l’avenir, l’auteur ne le voit en rien débarrassé du fléau : « Le terrorisme du futur sera écologique (…). Les bouchers seront égorgés, les pêcheurs ébouillantés », les tueurs « feront sauter des centrales nucléaires dans le but de prouver qu’elles ne sont pas sécurisées et estourbiront les éleveurs de cochons avant de les donner à manger à leurs propres bêtes ». Après le fanatisme de l’ordre divin nous menacerait donc celui de l’ordre naturel.
Philippe Foussier
Marc Trévidic, Le roman du terrorisme, Flammarion, 256 p., 21 €