Chers crématistes, chers amis,
Nous vous remercions de nous donner la possibilité de pouvoir tout de même, par cet écrit, saluer vos travaux et vous faire part de nos profonds sentiments fraternels alors que les règles de prudence sanitaires nous empêchent d’être physiquement à vos côtés.
L’Union des Familles Laïques (UFAL) milite pour une société de liberté absolue de conscience. La méthode et les outils d’organisation des obsèques doivent donc être affranchis des dogmes.
La laïcité constitue une « conviction paradoxale » : elle n’en professe aucune pour les permettre toutes.
C’est bien pour cela que les militants de l’UFAL savent que la fin de vie et le droit de mourir dans la dignité sont un combat laïque et humaniste comme le sont les modalités d’organisation de ses obsèques.
Pouvoir être crématisé dans un crématorium fonctionnel, esthétique et paisible avec un cérémoniant compétent près de chez soi et de sa famille est une poursuite de la dignité laïque qui sacralise la liberté et l’autonomie de la personne humaine pour laquelle nous combattons ensemble.
Il faut expliquer clairement ce que l’on entend par « dignité laïque ».
Pour l’Église Catholique, par exemple, la dignité subordonne la liberté et l’égalité à son catéchisme.
Avec cette conception, il ne reste plus qu’à un groupe de pression dogmatique à imposer un contenu à cette dignité pour prétendre défendre l’intérêt des individus au nom de valeurs censées s’imposer à tous.
Toutes sortes de dérives peuvent dès lors s’imaginer.
Tel groupe fera pression pour restreindre la liberté de certains au nom de la dignité de la communauté religieuse.
Tel autre groupe justifiera l’enfermement des femmes de sa communauté pour que leur dignité soit respectée, c’est-à-dire les soustraire aux regards des hommes.
Dans les moments de tensions comme ceux que nous venons de traverser et que nous traversons encore, la tentation du retour au cléricalisme pour obtenir la paix est grande. Ainsi Dans un communiqué du 23 mars 2020, le conseil scientifique COVID-19 instauré par le Président de la République pour « éclairer la décision publique » a considéré « le soin pastoral » comme « essentiel dans toute réponse à une crise épidémique ».
Il a recommandé la « création d’une permanence téléphonique nationale d’accompagnement spirituel inter-cultes ». Dans la même veine M. Macron s’est adressé par visioconférence le même 23 mars à six responsables religieux reconnus par lui comme autorités morales représentatives : catholique, protestant, orthodoxe, israélite, musulman, bouddhiste. Tant pis pour les autres (hindouistes, pastafaristes, taoïstes, chevaliers Jedi…) Au moins le Président avait-il convoqué (fausse symétrie sans doute) quelques associations non confessionnelles : Obédiences maçonniques, Fédération nationale de la Libre-Pensée (qui a décliné) et le Comité Laïcité République.
Il est donc nécessaire de donner corps à la dignité laïque, et d’affirmer que nul ne doit pouvoir définir et imposer sa conception de la dignité de l’être humain aux autres en dehors d’un cadre démocratique à visée universelle. Nulle autorité morale religieuse ou non ne doit avoir le pouvoir d’orienter les décisions de l’État.
Les trop nombreux décès de la pandémie de coronavirus sont venus rappeler que la mort était un sujet que la société devait prendre en compte. Aux pires moments des pics d’infections, l’urgence et malheureusement la précipitation sont venus altérer à la fois les derniers moments de vie de certains malades mais aussi l’organisation de leurs obsèques. Trop de deuils ont alors été rendus difficiles. Et la violence de ces obsèques ratées marqueront pendant longtemps de nombreux citoyens et familles.
La pandémie de Covid-19 est notre apocalypse qui a révélé au grand jour les faiblesses de notre pax europea. La gestion de la crise et ses conséquences ont montré à quel niveau de dépérissement se situait l’État d’aujourd’hui. Nous avons assisté à une véritable gabegie illustrant la vacuité du gouvernement et de sa haute administration.
C’est pourquoi militants crématistes et militants familiaux laïques doivent s’entendre et s’unir pour renforcer le camp humaniste qui est celui qui ne laisse jamais tomber la dignité des personnes.
La sollicitude est notre mouvement éthique et laïque qui nous pousse à nous diriger vers autrui jusqu’à sa mort.
Tournée vers le futur, la sollicitude suppose la solidarité et la fraternité dans toutes les étapes de nos vies et pour organiser leurs fins.
L’UFAL et la FFC sont certainement ensemble dans la construction de cette fraternité.
Bons travaux.
Nicolas Pomiès
Membre du Bureau National de l’UFAL