SOMMAIRE
05. Édito. La langue française m’avait sauvé la vie. Anna, civile ukrainienne dans Azovstal, l’histoire secrète, émission « Ligne rouge », BFMTV juillet 2022
Par Nicolas Pomiès, rédacteur en chef (texte in extenso plus bas)
DOSSIER : PARLONS FRANÇAIS !
06. UNIVERSALISME – Que reste-t-il de la langue française ? Par Nicolas Pomiès
Qu’est-ce qu’une langue ? Réponse : un système de signes permettant l’intercompréhension à
l’intérieur d’un groupe humain. Or, il n’existe aucune limite claire, sur le plan linguistique, entre
une langue, un dialecte, un parler, ou un patois : on parle au contraire d’un continuum linguistique
11. UNIVERSALISME/RÉSISTANCES – Manifeste progressiste pour la défense de la langue française
Georges Hage, décédé, ancien député honoraire du Nord, doyen de l’Assemblée nationale, et Georges Gastaud, philosophe, auteur de la Lettre ouverte aux « bons Français » qui assassinent la France et d’un traité de philosophie en quatre volumes Lumières communes, ainsi que mille militants politiques et syndicaux, anciens résistants, écrivains, éditeurs, artistes, ouvriers et employés, artisans, étudiants, enseignants, ingénieurs, chercheurs appellent les travailleurs manuels et intellectuels, les étudiants et les démocrates à la résistance sociale, politique et… linguistique !
14. ÉDUCATION NATIONALE – Une priorité et trois défis Par Rémy-Charles Sirvent, Secrétaire
National SE-Unsa, Laïcité, école et société
Pour répondre aux attentes des enseignants, aux aspirations des élèves comme à la crise des vocations, des actions fermes doivent être prises. L’apprentissage de la langue française est aussi l’arbre qui cache la forêt. Paroles de syndicaliste.
16. PROGRAMMES – Langue française : l’État reconnaît son importance
Les réformes pédagogiques engagées dans le cadre de la refondation de l’École de la République visent précisément à permettre, dans ce domaine, des apprentissages plus solides et plus durables. La grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République a réaffirmé l’enjeu majeur que constitue la maîtrise de la langue et l’effort constant qui doit être fait pour renforcer son acquisition par tous. C’est aussi le sens de l’action partenariale conduite par le ministère en charge de l’Éducation nationale en
matière de prévention et de lutte contre l’illettrisme.
18. BONNES PRATIQUES – L’Ufal en route vers l’agrément Éducation nationale Par Yves-Henri
Saulnier. Président de l’Ufal départementale de la Vienne et membre du Conseil d’administration de l’Ufal, Yves- Henri Saulnier est un ancien professeur de lycée professionnel. Il est membre du Conseil d’administration de l’UDAF 86 et également militant syndicaliste (SNETAA).
De nombreuses unions locales ou départementales de l’Ufal interviennent gratuitement
dans les établissements scolaires pour présenter des formations sur la citoyenneté, la
République, et la laïcité. Compte tenu du nombre grandissant d’interventions, le Conseil
d’administration de l’Ufal a décidé de demander l’agrément Éducation nationale.
20. FRANCOPHONIE – Une langue d’influence Par Jean Levain
Encore esclave, Esope démontra à son maître philosophe que la langue était, disait-il, à la fois la
pire et la meilleure des choses. Avec l’usage irraisonné et souvent irresponsable de la parole, le
temps que nous vivons suffit à démontrer la vérité de la première proposition : petites phrases
improvisées, vocabulaire appauvri ou inapproprié, mots-valises changeant au gré du voyageur,
veulerie ou inconscience devant l’envahissement par l’anglais de notre univers de vie ou éducatif.
26. TÉMOIGNAGE – Comment je suis devenu Français Par Charles Arambourou
J’assume être un « vieux mâle blanc bourgeois », mais universaliste, donc antiraciste et anticolonialiste, et qui revendique sa qualité de Français. Bien que répugnant à étaler ma vie, je voudrais livrer ici un témoignage : 185 ans d’histoire d’une famille DEVENUE française. Témoignage partiel, car fondé uniquement sur l’histoire du « nom du père » : cet aspect certain de la domination mâle reste, à l’échelle de trois siècles successifs, un critère pertinent d’analyse.
30. VALEURS – Le peuple du Panthéon contre la déconstruction ! Par Nicolas Pomiès
L’heure est à la déconstruction. Cette méthode de la révolution conservatrice allemande importée par Martin Heidegger dans la philosophie, puis couvée par ses disciples Derrida et Bourdieu, vise depuis toujours à détruire la construction intellectuelle des Lumières et même plus avant de toute la philosophie humaniste de la modernité.
35. LEXIQUE – Avenir de la démocratie et la résistance par les mots Par Charles Coutel
L’avenir de notre démocratie semble incertain et inquiétant parce que nous ne parvenons pas à dire précisément ce qui nous arrive : nous avons les maux sans les mots. Le « vivre ensemble » se dégrade en « désespérer ensemble » ! Or, ce fatalisme peut être combattu, notamment en questionnant les mots que nous disons et répétons, mais aussi que nous laissons dire. Pour reprendre une formule de Michel Lacroix en 2010 : « une parole résistante » peut s’organiser, ce serait même l’une des responsabilités des associations républicaines et laïques comme l’Ufal.
37. ENJEUX ÉTHIQUES – Jean-Louis Haurie, de l’Ufal au CCNE : la laïcité en avant ! Par Vincent Morel président de l’Ufal de Moselle et de l’Udaf 57
Nommé le 22 avril dernier, membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Jean-Louis Haurie est un militant de l’Ufal au long parcours, toujours au service des familles. Le CCNE est composé de personnalités d’horizons multiples venant des mondes
philosophique, religieux, et de la recherche scientifique.
39. DÉCARBONATION – Apocalypse écologique : un monde durable est-il possible ? Par Vincent Lemaître, membre du Bureau national de l’Ufal
L’être humain est un vivant en interaction permanente avec l’écosystème planétaire. Au cours de son
histoire, il s’est adapté à son environnement. Or, depuis l’ère industrielle, et surtout ces cinquante
dernières années, donc en un temps très court, il l’a grandement modifié.
ENCART CENTRAL DÉTACHABLE : Fête de la laïcité, Université Populaire Laïque 2022 à Limoges, Vie des Unions locales
Ufal INFO n°89 – Dossier : Parlons français ! 52 pages, 9 contributeurs, que vous pouvez vous procurer dans la boutique en ligne de l’UFAL en version papier ou numérique (2 euros en téléchargement).
Le N°88 avec un dossier spécial « Démocratie : il reste la démocratie sanitaire » est téléchargeable ici
Tous les anciens numéros sont également consultables gratuitement : archives du journal
Édito de Nicolas Pomiès, rédacteur en chef
(Re)parlons français !
La langue française m’avait sauvé la vie. Anna, civile ukrainienne dans Azovstal, l’histoire secrète, émission « Ligne rouge », BFMTV juillet 2022.
« Je viens appeler aujourd’hui votre attention sur la plus belle langue de l’Europe, celle qui, la première, a consacré franchement les droits de l’homme et du citoyen, celle qui est chargée de transmettre au monde les plus sublimes pensées de la liberté », lançait en 1794 Bertrand Barère. Depuis, en France et dans de grandes parties du monde, on parle français. L’Organisation Internationale de la Francophonie, qui réunit plus de 88 états soit plus de 300 millions de locuteurs s’est choisie comme missions de promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique, la paix, la démocratie et les droits de l’homme et d’appuyer l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche tout en développant la coopération économique au service du développement durable.
Quel contraste avec les traits communs du monde anglo-saxon qui se caractérisent par l’attachement au libre-échangisme économique théorisé par l’École de Chicago, à la common law et au respect des dogmes du protestantisme[1].
La langue française serait donc porteuse de valeurs singulières et disons le, positives. C’est ce que confirme le linguiste Claude Hagège en écrivant : « Il faut bien comprendre que la langue structure la pensée d’un individu. Certains croient qu’on peut promouvoir une pensée française en anglais : ils ont tort. Imposer sa langue, c’est aussi imposer sa manière de penser. Comme l’explique le grand mathématicien Laurent Lafforgue : ce n’est pas parce que l’école de mathématiques française est influente qu’elle peut encore publier en français ; c’est parce qu’elle publie en français qu’elle est puissante, car cela la conduit à emprunter des chemins de réflexion différents. » Or ces chemins semblent aujourd’hui constamment remis en cause dans le pays d’où émergea le français.
L’élite économique rompue aux techniques de « management » a imposé le business-speaking dans les conseils d’administration et comités de direction des entreprises multinationales tandis que les jeunes winner parlent un globish ridicule qu’ils pensent marqueur de leur positionnement social. La masse des fins de cordées continuent, quant à elle, de parler français même si peu à peu l’École de la République, affaiblie par des années de contre-réformes, ne lui permet plus de sortir du niveau familial de maîtrise de la langue. Cependant, comme Jaurès, nous voulons que « tout le peuple de France soit familiarisé dès les premiers jours avec la langue française […]. Il faut travailler, lire, étudier, jusqu’à ce que la pratique du français le plus exact et le plus pur soit devenue la plus familière. […] C’est alors seulement que pourra naître une culture vraiment nationale. »[2]
Les déconstructionnistes trouvent « en ce moment, qu’un système intéressant à déconstruire serait l’idée de « l’identité française » en commençant par « la déconstruction de la langue, c’est-à-dire la déconstruction des idées »[3]. La culture nationale française cimentée par la langue fait donc l’objet d’un rejet de la part du déconstructionnisme qui veut tout remettre en cause pour préparer du neuf. Tout ce qui est français est donc voué aux gémonies, adieu veaux, vaches, cochons, Marianne et Gavroche, Marie Curie, bleu-blanc-rouge et Sécurité sociale… Peut-être pourrions-nous admettre que la post-modernité dans laquelle tentent de nous aspirer les déconstructionnistes serait enfin les lendemains qui chantent d’une nouvelle société convivialiste ? Alain Caillé dirigeant de la revue du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste en science sociale) et du Convivialisme, dans son essai le plus important, condamne la logique du « donner-pour-avoir » et exalte en contrepartie, la logique archaïque du don. Ce qui lui permet, ou l’oblige, à réévaluer le rôle des cultures traditionnelles où « l’on se préoccupe davantage de la cohésion que du profit » (F. Colotta, Une « nouvelle gauche » contre la vulgate des Lumières). Il est aussi par les convivialistes un promoteur d’un universalisme pluriel (ou « pluriversalisme »). Les déconstructionnistes, en chassant dans les imaginaires ce qui unit les Français, en arrivent à bâtir une vision du monde, à l’instar de celle du théoricien « anti-autoritaire » Michel Maffesoli, qui favorisent « l’affirmation d’identités qui se posent en s’opposant » et qui se dressent ainsi contre « le monomythe judéo-chrétien et ses avatars jacobins, positivistes et marxistes » qui nierait l’autre, et « annulerait le processus de différenciation».
Les post-modernes, qu’ils soient de la nouvelle gauche déconstructionniste ou de la nouvelle droite identitaire, sont les mêmes cultivateurs d’identités figées et de sociétés communautaires organiques où régneraient des castes dans un apartheid de bon aloi. Mais nous savons que Small is not always beautiful ! Les guerres ethniques ou religieuses sont là pour nous le rappeler. Le grand républicain socialiste Pierre Leroux s’interrogeait : « Où trouverez-vous l’unité, c’est-à-dire la synthèse qui permettrait aux hommes de réaliser entre eux la liberté, la fraternité, l’égalité ? » Réunir de la façon la plus large possible, tel est le sens de la modernité que nous ont légué les Lumières. Pour cela la langue française est incontestablement un outil d’unification porteuse de progrès et de liberté lorsqu’elle est enseignée par des républicains conscients. C’est pour cela que nous souhaitons réinstituer l’école et redonner ses lumières à la langue française. (Re)parlons français telle doit être notre mot d’ordre ! Cela nous aidera à faire des égaux !
[1] Kidd, John B.; Richter, Frank-Jürgen, Development models, globalization and economies : a search for the Holy Grail?, Houndmills, Basingstoke, Hampshire: Palgrave Macmillan
[2] Méthode comparée », Revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur, oct. 1911
[3] « Le déconstructionnisme social, courant de pensée partiellement incompris », Noumane Rahouti, déc. 2014