Qui aujourd’hui est en mesure de construire un discours qui possède la cohérence capable de résoudre l’équation suivante : garantir l’accès pour tous à l’énergie en tenant compte des trois défis du siècle que sont l’explosion démographique, les changements climatiques anthropiques et l’épuisement des ressources de pétrole et de gaz naturel dans un contexte géopolitique sous tension ?
L’ensemble des forces de gauche s’accordent sur le fait qu’il faut un service public de l’énergie et que la politique énergétique doit permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre1, notamment en développant les énergies renouvelables et en augmentant les moyens de la recherche.
Mais très peu défendent simultanément les deux mesures sans lesquelles tout projet est incomplet, donc inefficace : la réduction de la consommation d’énergie et la poursuite du programme nucléaire civil tant que la réduction nécessaire des émissions de gaz à effet de serre ne sera pas obtenue.
Il n’est pas contestable que la réduction de l’empreinte écologique2 des pays développés passera entre autre par une réduction de la consommation énergétique. Or la plupart des programmes politiques sont résolument productivistes et occultent cette question. Il ne s’agit pas d’exiger de chacun de diminuer sa qualité de vie, mais de combiner : une certaine sobriété dans la consommation, en commençant par identifier et supprimer l’inutile ;
une amélioration de l’efficacité énergétique sur l’offre d’énergie (en améliorant les rendements à la production et en diminuant les déperditions au cours du transport et de la distribution) ;
une amélioration de l’efficacité énergétique sur la demande (rénovation de l’habitat ancien, rupture dans la politique des transports, modification des règles d’urbanisme, développement des transports en commun, amélioration des rendements des appareils domestiques et industriels, etc.).
Si on admet comme prioritaire la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter les changements climatiques, on ne peut pas mener de front la sortie du nucléaire et la division par 4 nos émissions de gaz à effets de serre d’ici le milieu du siècle. Réclamer la sortie du nucléaire tout en prétendant réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre relève de la mystification. Le problème, c’est qu’avec les technologies actuellement disponibles, aucun gouvernement n’est en mesure d’atteindre démocratiquement les objectifs de réduction des gaz à effet de serre tout en se désengageant du nucléaire civil. De plus, nos centrales nucléaires sont amorties et durent plus longtemps que prévu. En ce sens, la manne financière qu’elles permettent est une source d’investissement colossale qui peut et doit servir au financement de nombreux projets :
• le pilotage de la recherche et de l’innovation dans le cadre d’un pôle énergétique,
• le financement d’entreprise pour les nouvelles technologies environnementales,
• le déblocage d’aides spéciales en nature car l’investissement « environnemental » n’est pas dans les moyens de tous et les réductions d’impôts ne concernent que ceux qui paient des impôts. Ces aides en nature pourraient permettre la modernisation de l’habitat, le remplacement de matériel peu économe, etc.
Encore faut-il que les bénéfices ne soient pas privatisés, c’est-à-dire que l’état conserve l’entière possession d’EDF !
Encore faut-il revenir sur la libéralisation du marché de l’électricité, véritable aberration qui va conduire à la construction de nouvelles centrales au charbon (les plus émettrices de Co2), sans parler de l’augmentation des prix à moyen terme.
La piste de partenariats avec le privé doit être regardé. La gestion sous forme de contrats passés avec l’état doit comprendre, d’une part, la loi pour sanctionner les entreprises peu respectueuses de l’environnement ; d’autre part, les aides (en nature, en financement et/ou en protection) pour stimuler les entreprises jouant le jeu du développement durable dans un cadre socialement satisfaisant. Cette manière de pratiquer permet de rompre avec l’image d’un État purement légaliste et répressif. Elle permet le pilotage et l’orientation de la production industrielle, la pérennisation du tissu industriel et la création d’un lien de confiance entre l’État, les citoyens et les entreprises.
L’urgence environnementale et la priorité sociale imposent une politique volontariste courageuse qui doit d’une part s’appuyer sur une analyse globale de la question énergétique replacée dans le contexte des grands défis planétaires, et d’autre part reposer sur des solutions démocratiquement applicables et technologiquement réalisables, en s’appuyant sur la réalité et le savoir, non sur la croyance et la sentimentalité. Grenelle de l’environnement:nouvelle politique paravent pour masquer les attaques néolibérales
Il faut lire le discours de Sarkozy à l’issue du Grenelle de l’environnement. Contrairement au discours des gauchistes culturels, ce n’est pas une série de mesurettes. Il y a du contenu mais avec de grandes ambiguïtés.
Sarkozy a une vraie nouvelle stratégie sur l’environnement.
Il annonce la couleur pour la présidence française : il a confié une mission à Corinne Lepage (une des rares personnes de droite ayant des convictions sur le sujet) pour préparer la présidence française. C’est un signe.
En fait, le sarko-bonapartisme tente une modification du système d’alliances de la droite. Son « débauchage » pour former son gouvernement n’en était pas un. C’était pour préparer sa nouvelle ligne stratégique. Nous voyons le puzzle se constituer d’une nouvelle ligne stratégique pour la droite avec un nouveau système d’alliances avec les entreprises de l’environnement.
C’est avec cette nouvelle ligne stratégique que Nicolas Sarkozy, à la suite d’Al Gore, pense engager la privatisation et la marchandisation de la protection sociale, coeur de sa politique et plus grand budget humain à caractère essentiellement public pour l’instant. Il faut lier la nouvelle stratégie environnementale de Nicolas Sarkozy directement avec les propos de Monsieur Kessler, le grand leader du MEDEF dans les secteur des firmes multinationales de l’assurance qui a dit dans le journal Challenges que la politique du président de la république était de déconstruire méthodiquement tout ce qu’a construit le Conseil national de la résistance de 1945 à 1952.
La ligne stratégique du sarko-bonapartisme devient claire : d’un coté détruire tout ce qui reste de construction laïque et républicaine de 1945 à 1952 et de tenter d’effectuer une relance du néolibéralisme par l’industrie environnementale et la finance. Les journaux économiques font feu de tout bois sur ce dernier point. La fiscalité environnementale viendra se substituer par une diminution des cotisations sociales mettant par là en péril notre système de protection sociale.
Depuis deux à trois ans, toutes les grandes entreprises énergétiques rachètent à tour de bras les entreprises d’énergies renouvelables. Toutes ces entreprises seront bientôt dans les mains des grandes multinationales. Et le secteur de la finance organise déjà la spéculation sur les ventes des quotas de CO2 liée au Protocole de Kyoto. Tout se passe comme si les grandes firmes multinationales de l’énergie parient sur un changement de ligne de la présidence des Etats-Unis après la présidentielle de novembre 2008.
Cette nouvelle ligne politique sera difficile à tenir puisque pour la première fois un rapport officiel du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP) vient de mettre en avant le lien entre libéralisation du marché et impact environnemental à l’échelle de la planète ; une reconnaissance officielle qui se place à contre pied de toutes les démarches économiques engagées par l’actuel président pour notre pays.
Aujourd’hui plus qu’hier, nous devons penser global et pour paraphraser le célèbre proverbe chinois: » quand le sage montre la lune, il ne faut pas regarder le doigt! ».