Nous, porte-parole du Pacte progressiste, appelons le Conseil des ministres, alors qu’il s’apprête à examiner le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, à interroger le modèle français de la fin de vie qui va lui être présenté au regard des valeurs de notre République.
Les Français appellent de leurs vœux, depuis de nombreuses années, une loi afin que les personnes atteintes de maladies graves et incurables puissent disposer d’une liberté de choix, sans contrainte et dans le strict respect de leur volonté. Une liberté qui leur permettra de concilier l’intime et l’ultime. Les lois françaises ont peu à peu fait progresser le respect de la parole des malades, en prévoyant la liberté de refus des soins, l’interdiction de l’obstination déraisonnable, la désignation d’une personne de confiance et la mise en place de directives anticipées.
Le projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministres le 10 avril prochain doit permettre une meilleure prise en compte de chaque situation. Suite à l’annonce d’une maladie grave et incurable, le rendez-vous prévu entre la personne malade et son médecin devra permettre la mise en place de soins d’accompagnement adaptés à chaque personne, considérée dans sa globalité : tant au regard de ses besoins de prise en charge pour son confort physique, psychique ou social qu’en respectant ses choix.
Ce projet de loi doit aussi permettre une liberté ultime, celle de pouvoir solliciter une aide à mourir pour la personne dont les souffrances deviendraient insupportables. Nous demandons que le texte légalise le suicide assisté et l’euthanasie pour permettre à chacun de faire ce choix. Afin que les professionnels de santé soient également respectés dans leur choix, une clause de conscience est absolument nécessaire : l’acte d’accompagner dans la mort restera toujours un acte singulier qui ne peut être imposé : les professionnels de santé doivent pouvoir refuser un acte qu’ils estimeraient contraire à leur éthique personnelle.
Nous militons pour que les personnes atteintes d’une pathologie grave et incurable soient traitées de manière égalitaire. Il est pour cela nécessaire de développer les soins d’accompagnement, dont les soins palliatifs, pour que chacun, quel que soit son lieu d’habitation, puisse y avoir accès. Pour nous, membres du Pacte progressiste, l’aide à mourir fait partie intégrante des soins d’accompagnement.
Nous militons pour que personne ne soit exclu du modèle français d’accompagnement à la fin de vie. Le projet de loi prévoit que pour demander l’aide à mourir, il faudra être capable de discernement, avoir un pronostic vital engagé à court ou moyen terme et ressentir des souffrances réfractaires aux traitements. Cela exclut de fait les personnes atteintes de maladie neuro-dégénératives ou rares. Pour elles, il sera soit trop tôt – leur pronostic vital ne sera alors pas engagé – soit trop tard – elles ne seront alors plus capables de discernement, la maladie entraînant des déficits cognitifs. Pourquoi cette exclusion, contraire aux valeurs universaliste de notre République ?
Les personnes en situation de maladie grave et incurable, souffrant physiquement ou psychologiquement, doivent être traitées de manière égalitaire. Pourquoi certaines pourraient être aidées en France, alors que d’autres devront continuer à chercher une solidarité en Belgique, en Suisse ou, en France, dans la clandestinité ? Afin que chacun puisse trouver une réponse en France, la condition de pronostic vital engagé doit être levée : médicalement, il est très complexe à déterminer, et dans les faits, cela reviendrait à laisser le choix aux médecins et non aux patients. Nous souhaitons que les personnes malades puissent déterminer elles-mêmes le moment où leurs souffrancesdeviennent trop insupportables pour continuer à vivre, et demander alors à être aidées à mourir.Nous demandons également que les directives anticipées rédigées en conscience puissent être prises en compte dès lors que la personne ne sera plus en capacité de s’exprimer, ce qui est l’objectif premier de ces directives.
La fraternité enfin. Nous souhaitons un modèle français qui accompagne les personnes jusqu’au bout de leur vie de manière solidaire. Un modèle qui respecte les personnes dans leur choix, dans leur intégrité, dans leur dignité et ce, jusqu’au bout. La personne malade doit être au centre des soins d’accompagnement mis en œuvre pour son confort physique, psychique et social ; cela nous parait constituer une véritable avancée. L’aide à mourir doit également être possible dans le cadre de cet accompagnement.
Pour nous, membres du Pacte progressiste, l’aide à mourir constitue bien le soin ultime dès lors qu’elle répond à la demande d’une personne malade, qui ne peut guérir et qui ne peut plus tolérer ses souffrances. Il est nécessaire que cette demande puisse être formulée par des directives anticipées rédigées en conscience, ou directement par la personne capable de discernement au moment où elle l’aura choisi. L’écoute, l’empathie et le respect sont autant de marqueurs essentiels de notre relation à l’autre, de notre humanité. Permettre à une personne en souffrance une aide ultime, cela relève pour nous de la solidarité.
Au nom des principes républicains qui sont les nôtres, il est nécessaire de faire évoluer le projet de loi pour que chaque personne en France puisse effectivement être libre de son accompagnement de fin de vie, traitée de manière égalitaire et solidaire. Nous comptons sur les parlementaires pour enrichir ce texte pour que demain, le modèle français de prise en charge de la fin de vie devienne un modèle pour tous, conforme à nos valeurs républicaines.
Jonathan Denis, Président de l’ADMD – Matthias Savignac, Président MGEN
Au nom du Pacte progressiste Fin de vie qui regroupe :
L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH), le Comité Laïcité République, le Comité National d’Action Laïque (CNAL), le Conseil National des Associations Familiales Laïques (CNAFAL), la Fédération des Délégués Départementaux de l’Education Nationale (DDEN), l’association EGALE, la Fédération Française de Crémation (FFC), la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), la Jeunesse de Demains, la Fédération Nationale de la Libre Pensée, la Ligue de l’Enseignement, l’association Le Choix-Citoyens pour une mort choisie, la Fédération des Pupilles de l’Enseignement Public (PEP), MGEN, Mutuale, la Fédération des Mutuelles de France (FMF), SE-Unsa, Union des Familles Laïques (UFAL), UMR, l’Union Rationaliste (UR), UNSA-Education, UNSA Retraités, UNSA Territoriaux, UNSA Santé & Sociaux, UNSA, VYV.