1. L’usine Renault à Tanger (Maroc) : délocalisation à cause des salaires plus bas ?
L’hypocrite « personnel politique » hurle aujourd’hui contre l’implantation de Renault au Maroc alors que les négociations et réalisations ont duré 5 ans. Nous allons essayer de rassembler les informations produites qui laissent des zones dans le flou.
La société Renault à Tanger s’appelle Renault Tanger Méditerranée (RTM) située à proximité du nouveau port de Tanger, Tanger Méditerranée (TM), (Zone franche). Quels sont les avantages pour Renault de s’installer dans la zone franche de TM ?
1.1. Renault au Maroc :
Une ancienne société, la SOMACA, Société Marocaine de Construction Automobiles (ex. : Simca), produit déjà à Casablanca les voitures du « programme Entry » soit : Kangoo, Kangoo Express, Logan et Sandero. Renault détient aujourd’hui 80 % de cette société.
La nouvelle société : RTM. Cette société se situe dans la zone franche Tanger Méditerranée ; RTM s’étend sur 314 hectares et 220 000 m² construits plus 120 000 m² en 2013.
Cette société est tenue à 47,6 % par la Caisse de Dépôts et de Gestion du Maroc (CDG comparable à la CDC ?) et le reste par Renault (voir ci-après les avantages consentis par le Maroc). L’investissement sera de 600 millions € et sera porté à 1,1 Mds€ l’année prochaine pour la deuxième tranche : production de 340 000 véhicules voire 400 000. C’est une usine de montage de voiture : la « tête pensante de Renault » restant à Guyancourt. Ces voitures dont la première sera la Lodgy monoespace à 5 et 7 places sont dites à low cost alors que le prix annoncé serait entre 10 000 €, voire inférieur, et 12 000 € (1 € = 11,14 Dhm, dirham marocain). 10 % des véhicules iront au marché intérieur et 90 % à l’exportation pour le marché français, espagnol, etc.
RTM utilisera pour l’électricité des énergies renouvelables : biomasse (eucalyptus et noyau d’olive) puis hydraulique (accord RTM avec l’Office National d’Electricité du Maroc). L’eau obtenue par dessalement (technique membranaire) sera renouvelée en circuit semi-fermé donc sans rejet dans la Nature. Les sociétés Veolia, Vinci, etc. ont participé à la construction de cette usine. C’est l’architecte LeNouvel qui a conçu l’ensemble.
RTM doit produire 170 000 voitures avec 2600 salariés et à terme si tout va bien 400 000 voitures avec 6000 salariés à la condition qu’ils acceptent de travailler le week-end. Compte tenu que le taux de cols bleus est très élevé dans les usines de montage, cela fait une moyenne dans les deux cas de 66 véhicules/an/salarié. Cette usine rentre dans le Plan Émergence de développement industriel du Maroc.
1.2. Avantages des zones franches à Tanger (source « Rapport Tanger Méditerranée ») :
« Les zones franches sont des espaces déterminés du territoire douanier où les activités industrielles et de services qui y sont menées sont sous-traitées. Elles visent à offrir à l’investisseur une opportunité unique d’investissement dans un environnement protégé et de libre échange. L’installation en zone franche confère aux opérateurs des avantages exceptionnels qui renforcent leur compétitivité à l’export.
a. Une réglementation douanière avantageuse :
– Exonération illimitée des droits de douane
– Procédures douanières simplifiées
b. Un régime fiscal attractif :
– Exonération de l’impôt de patente pendant 15 ans
– Exonération de la taxe urbaine pendant 15 ans
– Exonération de la TVA
– Impôts sur les sociétés : 0 % les cinq premières années ; 8,75 % sur les 20 années suivantes
c. Un régime de changes facilité :
– Aucune restriction en matière de rapatriement de capitaux et de convertibilité
– Transactions en devises étrangères libres en zone franche
d. Mesures particulières d’accompagnement :
– 50 % du coût du terrain pris en charge par l’État/ou
– formule mixte : prise en charge terrain-construction
Toute modification de la réglementation est sujette à un préavis de 20 ans.
Un accord a été signé entre « Tanger Méditerranée » et RTM
1.3. Autres avantages :
– plusieurs aides financières ont été accordées aux banques marocaines par la Banque Européenne d’Investissement (BEI) pour investir dans le projet RTM dont le prêt objet (?). Le dernier accord a eu lieu entre BEI et la banque marocaine BMCE Bank pour un montant de 35 M€ (source site « aufait » du 10/02/2012). Au total le chiffre de 800 millions de Dhm à 1 milliard de Dhm de prêts auraient été accordés à RTM (source site « la nouvelleT.com »). Certaines sources d’information marocaine estime que Renault a beaucoup obtenu en termes de concessions financières, fiscales, de financements préférentiels et autres. Ce qui expliquerait peut être dit un site marocain qu’une grande partie de la presse marocaine n’avait pas été invitée à l’inauguration.
– une ligne de chemin de fer et une route spécifiques ont été construites par les Marocains afin de relier l’usine au port TM.
– la formation des salariés.
1.4. Sur les salaires :
Plusieurs chiffres circulent. Le salarié marocain serait payé entre 150 € pour le salaire minimum, mais le chiffre de 240 € ou 250 €/mois circule. Nous retiendrons ce dernier chiffre.
Si pour construire 170 000 véhicules/an, il faut 2600 salariés (annonce officielle) et pour mettons en pleine vitesse 400 000 véhicules/an il faut 6000 salariés, on constate que les ratios nombre de voitures/salarié/an sont ~les mêmes soit ~66 véhicules/salarié/an.
Donc le chiffre d’affaires moyen par salarié et par an est 66 x 11 000 € (prix moyen entre 10 000 € premier prix et 12 000 € annoncés) soit 720 000 € CA/salarié/an.
Le salaire annuel d’un salarié marocain fourchette haute est : 12 x 240 € = 2880 € ou 3000 € sur la base de 250 €/mois.
La part du salaire dans le CA est donc de 3000/720 000= 0,42 %.
2. Renault France et les dernières plus importantes aides du gouvernement français à Renault
Renault France : Société SAS dont l’État détient 15,01 % du capital, Nissan 15 %, le « public » 64,23 %, etc.
– 3Mds € dans le cadre du fonds de relance de l’industrie automobile
– les aides à ses fournisseurs dans le cadre du fond du FSI
– 2 fois 400 millions € soit 800 M€ pour le développement de la R&D au centre de Guyancourt.
Un article récent dans Médiapart défend intégralement la stratégie industrielle menée par Renault et ricane ceux qui préconisent le « made in France ».
La direction de Renault estime que par véhicule low cost 800 € reviendront à la France : 400 pour l’ingénierie et 400 pour la logistique : livraison d’un élément du véhicule. Que d’autre part la construction de l’usine aurait rapporté plus de 600 millions € à la France. Mais tout ceci reste flou et manque de précision.
Conclusion : L’UFAL, en tant qu’association familiale, s’intéresse à ce problème quant aux répercussions dans le domaine de l’emploi en France et surtout dans la perte programmée de notre industrie automobile. Le motif invoqué de ce choix dans notre presse, le Medef, nos partis politiques et syndicats est relatif à la différence salariale. Or les quelques chiffres avancés et qui méritent d’être creusés montrent que cette différence salariale constitue une toute petite cerise au-dessus d’un énorme gâteau : la liberté de placer les bénéfices, les capitaux, etc. où l’on veut, sans aucun contrôle, sans aucun impôt, etc. Tout semble donc montrer que la différence salariale mise en avant sert de propagande pour motiver la politique en France de baisse des salaires et les dérogations de cotisations patronales telles que la création de la TVA sociale qui va surtout favoriser les services (dont les banques) à hauteur de 8,3 Mds€ contre 3,3 Mds€ à l’industrie, 1,4 Mds€ à la construction et 0,2 Mds€ à l’agriculture.
Semble aller dans ce sens le fait que Fiat cesse la production de la Panda en Pologne pour ouvrir une nouvelle usine à Naples où sera fabriqué la nouvelle Panda à raison de 280 000 voitures/an. De même une partie de l’industrie allemande s’apprête à augmenter les salaires.