Intervention de l’UFAL au Sénat lors de la table ronde sur le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2014, organisée par Madame Isabelle Pasquet, rapporteure de la branche familles, le 21 octobre 2013.
Pour l’UFAL, la politique familiale constitue l’un des pans essentiels de la politique sociale du pays et doit représenter un trait d’union universel entre l’ensemble des familles, sans exclusives. Pour cette raison, l’UFAL porte un jugement très critique sur le projet gouvernemental de rénovation de la politique familiale qui représente pour notre mouvement une rupture avec la vocation universelle de la politique familiale sans pour autant remédier à ses insuffisances.
En premier lieu, la rénovation proposée semble être prioritairement orientée vers la recherche d’économies et n’améliorera nullement les conditions de vie des familles dans leur ensemble, même si un timide effort (que nous approuvons) a été réalisé à l’endroit des familles les plus modestes. Cependant, les mesures contenues dans ce projet (abaissement du plafond du QF, gel et modulation de l’allocation de base de la PAJE…) aggraveront encore la situation des classes moyennes qui deviennent jour après jour les laissées pour compte d’une politique familiale qu’elles financent pourtant très majoritairement par l’impôt et par la cotisation sociale calculée sur leur salaire. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit nullement de rétablir la justice sociale entre riches et pauvres. À titre d’exemple, le seuil de modulation de l’allocation de base de la PAJE est fixé à 4 000 € pour un couple avec deux revenus, ce qui correspond aux revenus d’un couple d’enseignants en milieu de carrière, que l’on peut difficilement qualifier de riches ou de privilégiés.
Une fois encore, ce projet de rénovation s’appuie sur l’idée d’une réponse sociale segmentée orientée vers l’assistance stigmatisante des plus pauvres et qui se départit de la vocation universelle de la politique familiale en tant que vecteur de cohésion sociale entre l’ensemble des familles. C’est pour cette raison que nous nous sommes prononcés résolument contre tout plafonnement des allocations familiales.
L’UFAL a également eu l’occasion de se prononcer sur le projet de réforme du Complément pour libre choix d’activité à l’occasion du projet de loi sur l’égalité hommes/femmes. Si l’UFAL soutient le principe d’un partage de responsabilité parentale, notre mouvement estime que la réforme du CLCA constitue un véhicule législatif très contestable pour deux raisons : tout d’abord la mesure s’appuie sur une prestation qui privilégie l’interruption d’activité aux solutions collectives garde. Mais surtout elle risque de se traduire dans les faits par une réduction de la durée de versement de la prestation pour les couples au sein desquels l’époux constitue la source majoritaire de revenus et ne pouvant se permettre une interruption d’activité. À cet égard, la suppression du complément de CLCA risque de rendre encore plus hypothétique l’interruption d’activité masculine dans les couples des classes moyennes supérieures (cadres du secteur privé notamment), alors que ce sont elles qui ressentent souvent le plus de difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle.
L’UFAL estime que le vecteur principal d’une conciliation entre vie familiale et vie professionnelle passe par un véritable plan cadre national d’accueil collectif du jeune enfant qui irait bien au-delà des 275 000 solutions d’accueil proposées par le gouvernent. Nous estimons qu’un effort de 400 000 places de crèches serait nécessaire pour couvrir les besoins d’accueil sur le territoire. Il s’agit aux yeux de notre mouvement d’un investissement collectif essentiel, car l’accueil collectif du jeune enfant constitue la solution privilégiée des familles dès lors qu’elles y ont accès. En outre, un investissement de cette nature pourrait être obtenu en complétant le FNAS de la CNAF par un redéploiement partiel du Complément Mode de garde de la PAJE, mais également en imposant aux municipalités un niveau de co-financement minimal des structures d’accueil assorti de mécanismes de sanctions à l’instar de ce qui existe en matière de construction de logement social.
L’UFAL est évidemment favorable à l’idée d’une rénovation de la politique familiale, mais notre mouvement souhaite qu’elle réponde à 4 enjeux essentiels :
- La recherche du bien-être des familles sans exclusives
- Une politique familiale universelle
- Une politique familiale lisible et accessible à tous
- Une politique qui privilégie les solutions collectives aux solutions individuelles
Pour ce faire, l’UFAL estime nécessaire de départir la politique de revenus familiaux de sa vocation nataliste originelle. Nous portons l’idée d’une fusion des prestations familiales au travers de la mise en œuvre d’une prestation universelle unique versée dès le premier enfant.
À terme, nous sommes ouverts à la réflexion d’un redéploiement du quotient familial et du quotient conjugal au sein d’une prestation sociale de l’enfant du jeune d’un montant majoré, versée dès le premier enfant et versé directement au jeune poursuivant ses études à compter de 18 ans.
En tout état de cause, un tel projet se départit d’un simple abaissement du plafond du quotient familial (QF) comme cela est prévu dans le PLF 2014 en cela qu’il s’appuierait sur une refonte globale de la fiscalité et d’une sanctuarisation de la politique familiale à vocation universelle. L’abaissement du plafond du QF décidé par le gouvernement ne semble malheureusement pas répondre réellement à cet objectif et ne constitue en rien une garantie pour les ressources de la branche famille, l’impôt étant régi par le principe d’universalité des finances publiques.
Par ailleurs, nous rappelons avec force que nous sommes viscéralement attachés au financement patronal de la politique familiale et à la préservation de la cotisation patronale AF. Notre association estime que la cotisation sociale est un vecteur essentiel de socialisation du salaire et de reconnaissance salariale du travail lié à l’éducation des enfants. Plus prosaïquement, l’UFAL s’oppose à toute réduction de cotisation patronale qui se traduira inévitablement par un basculement de financement de la branche famille sur les familles elles-mêmes au travers d’un recours à la fiscalité de type CSG ou TVA sociale.
Enfin, nous souhaitons exprimer notre grande inquiétude suite à la signature de la COG État-CNAF 2013-2017 qui se traduira par une réduction de 1 700 postes en CAF à l’horizon 2017. Les CAF avaient été très lourdement affectées par la mise en place du RSA, or cette nouvelle réduction de moyens considérable fait peser de menaces graves sur la mise en œuvre effective du soutien aux familles prévues dans le projet de rénovation de la politique familiale.