Ce texte ne s’adresse pas à ceux qui sont convaincus du bien-fondé du tout autoroute et du tout avion, vers lesquels nous tendons. Il s’adresse à ceux qui pensent que le rail doit avoir un avenir, tant au niveau du transport de marchandises que de passagers. Cependant, ce développement du transport ferroviaire doit être intégré dans une politique volontariste de réduction de l’ensemble des transports de marchandises comme de voyageurs.
Certains qui allaient ou vont en avion plusieurs fois par semaine à Paris (je suppose que le TGV n’était ou n’est pas assez rapide !) s’opposent à la construction de LGV et manifestent avec ceux qui sont contre toutes nouvelles LGV. Serait-ce par opportunisme électoral ? Essayez-vous de rattraper Europe-Écologie modernisé ? Vous pouvez toujours courir camarades, ils ont une sacrée avance dans ce domaine là !
Je suis allé à la réunion du NPA. Il n’y avait pas que des adhérents du NPA. Ils ont parlé de la LGV. Autant certains arguments peuvent être entendus, autant d’autres sont farfelus, incohérents… J’ai entendu ces arguments en d’autres circonstances.
Par exemple, le temps gagné serait très faible. Il semble qu’ils n’aient jamais utilisé le train lorsqu’on mettait cinq heures pour faire Paris Bordeaux. Ils devaient utiliser l’autoroute, l’avion ( grands gaspilleurs d’énergie et émetteurs de CO2) ou bien ils sont trop jeunes, ou alors ils ont oublié…Ils ne devaient pas aller manifester à Paris depuis Toulouse sinon ils sauraient que les manifestants y allaient en avion, le Capitole ne permettant pas de faire l’aller-retour dans la journée.
La revendication du Collectif, c’est aucune ligne LGV. Mais ils ne sont pas contre le TGV ! Si on est honnête, il faut demander l’arrêt de la fabrication de TGV. Il faut alors s’engager à ne pas prendre l’autoroute et l’avion. Car je suis en droit de supposer qu’ils sont contre les émissions de CO2.
L’abandon des lignes secondaires SNCF ne date pas de la construction des LGV mais de la période de construction des autoroutes. Par exemple les lignes qui traversent le Massif Central du Nord au Sud ou d’Est en Ouest ont été abandonnées dès que les autoroutes qui les longent ont été terminées.
La SNCF n’a pas rénové les lignes de proximité non pas parce qu’elle a construit des LGV (très peu de lignes, en fait) mais parce que l’État ne lui donnait pas et ne voulait pas lui en donner les moyens. On peut aussi se poser la question : est-il normal que tant de salariés soient obligés de prendre le train (ou l’autoroute) pour aller à Bordeaux tous les jours ?
Un autre argument a été avancé. Un port serait construit au Portugal ainsi qu’une LGV depuis le Portugal pour amener les produits à bas coût de main d’œuvre en provenance d’Asie. Il me semble que c’est ce qui se passe déjà au Havre, Hambourg…Pour y remédier il faut des mesures remettant en causes le libre-échange, c’est à dire l’instauration de taxes sociales et environnementales (par exemple taxer le carburant des porte-containers).
Si on mène et on gagne la bataille pour le fret (lignes, locos, wagons) il n’est pas crédible de vouloir faire passer tous les camions sur les voies ferrées existantes alors que circuleraient les TGV à vitesse moyenne et les trains régionaux de voyageurs avec des arrêts fréquents. Je pense d’autre part que les riverains de ces lignes à qui on promet de doubler, voire de tripler le trafic doivent apprécier moyennement ce genre de proposition.
Une autre proposition est de faire circuler des trains pendulaires sur les lignes existantes. Le tracé de ces lignes date d’un siècle et demi, lorsque les trains circulaient au grand maximum à 80Km/h. Il faudra donc faire d’énormes travaux, sans pour autant résoudre le problème du passage sur la même ligne des trains roulant à des vitesses différentes et d’autres avec des arrêts fréquents et de l’augmentation du trafic, car l’objectif est de « mettre les camions sur les trains ».
Un autre argument est : le TGV est réservé aux cadres. Il suffit de regarder les passagers et de savoir que les aéroports des villes desservies par des LGV voient leurs trafics diminuer pour se rendre compte que cet argument est totalement fallacieux.
L’argument qui se veut massue et culpabilisateur, c’est : la LGV va faire une tranchée dans la forêt. Soyons sérieux, il y a des tranchées beaucoup plus larges, ce sont les pistes pare-feux ! Qui sont absolument nécessaires ! Par contre, il faudra prévoir des passages pour les animaux. Les opposants aux LGV font preuve de velléités récentes pour défendre les lignes de banlieue. Mais se rendent-ils compte que le processus d’augmentation des commodités pour se rendre au travail à Bordeaux a pour conséquence ( à travers la construction de la maison individuelle) la destruction des bonnes terres agricoles, et que si on veut s’opposer à l’agriculture intensive il faudra remettre en culture de nombreuses terres ! Je ne développe pas l’ensemble des problèmes rencontrés (fatigue, journées très longues…) par ces salariés et les « punitions » que certains veulent leur imposer (augmentation des péages, des carburants)
Parlons du prix du billet. Certes la SNCF n’applique plus la péréquation, mais ses prix défient encore ceux de l’avion et de l’autoroute. On me répond que les avionneurs low cost feront des propositions encore plus intéressantes. S’ils font des bénéfices, c’est parce qu’ils pratiquent le dumping social et qu’il n’y a pas de taxe sur le kérosène, que des régions font des ponts en or à ces flibustiers qui vous abandonnent en pleine campagne et qui n’assurent des lignes que si elles sont rentables ! Comme avenir radieux, on peut espérer mieux !
Il y a un argument qui paraît de bon sens, c’est celui qui met en avant que les TGV utilisent l’énergie électrique fournie par les centrales nucléaires ou autres. Quelque soit la locomotive, à partir du moment où elle est équipée d’un moteur électrique, il en est ainsi. Certes, l’augmentation de la vitesse provoque une progression de la consommation d’énergie pour la même distance parcourue. Le rendement est de toute manière bien supérieur à celui des avions (n’oublions pas la portance). Si on choisit une traction diesel on retombe sur la consommation d’énergie fossile et sur les émissions de CO2 !
On sait que pour aller de Bordeaux à Nice on est actuellement obligé de passer par Paris. Il est donc paradoxal que ceux qui se revendiquent de l’antijacobinisme (on devrait dire antibonapartisme) refusent un aménagement du territoire qui relie des régions du sud de la France entre elles sans passer par Paris.
Pour ma part, il me semble qu’il faut revendiquer la construction de LGV techniquement et socialement nécessaires et faire en sorte que leurs impacts soient supportables financièrement, humainement et écologiquement. Elles devront être interconnectées avec le réseau existant qui doit être amélioré. Pour sortir des griffes du privé il faut que la société RFF (Réseau Ferré de France) lance un emprunt par obligations, (et non par actions comme pour le tunnel sous la Manche), réservé aux petits porteurs. Il est primordial de se rappeler qu’il reste qu’une petite partie du réseau ferroviaire qui a été réalisé il y un siècle et demi. Les moyens financiers ont été trouvés à l’époque ! Nous connaissons les gares des Aubrais et de St Pierre des Corps parce que les municipalités d’Orléans et de Tours ont refusé d’accueillir le train.
Pour conclure, je dirai que si la volonté du gouvernement Sarkozy -Fillon de sacrifier le fret ferroviaire l’emporte, le besoin de nouvelles LGV ne sera pas criant, une rénovation des lignes existantes sera suffisante pour faire circuler des trains pendulaires et que même on pourra fermer des lignes actuellement en service. Il faudra alors assumer la réalisation de nouvelles autoroutes et la construction ou l’agrandissement des aéroports.
Pour terminer, je voudrais élargir le débat au niveau politique, c’est à dire mettre en évidence les enjeux au niveau de la lutte des classes.
La SNCF avec ses salariés hautement politisés ainsi que toutes les autres grandes entreprises publiques ou privées sont dérangeantes. Les libéraux de gauche comme de droite ont décidé de les « casser » car elles étaient des lieux de résistance mais aussi de conquêtes sociales. Quand « les Renault » gagnaient une semaine de congés payés, deux ans après c’était l’ensemble des travailleurs qui en profitait.
Pour réaliser cette casse, ils ont introduit la concurrence, la privatisation et la mise en place de la pénurie de moyens, la régionalisation…Pour la SNCF fret, ce fut dans un premier temps les camions de sociétés françaises avec des salariés exploités, et dans un deuxième temps des entreprises transnationales qui surexploitent des salariés d’ Europe de l’Est grâce aux déréglementations européennes.
Alors oui, il faut que la SNCF et ses agents assument à nouveau les missions que lui avait confié le gouvernement issu de la résistance (comme d’ailleurs toutes les autres entreprises anciennement publiques) et aient les moyens d’assurer un trafic rapide de voyageurs, de nombreuses dessertes et puissent accueillir une part de plus en plus grande du fret, participant ainsi à l’aménagement du territoire. L’amélioration de la sécurité et du confort des usagers doit être assurée ainsi que le rétablissement de la péréquation. Ce n’est pas avec la diminution de la voilure de la SNCF que les agents verront leur sort s’améliorer et que leur nombre augmentera.
Pour réaliser tout cela on n’a pas besoin de concurrence mais d’un service public national résultant de la fusion de la SNCF et de RFF, avec le monopole sur le transport ferroviaire.
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