« Le niveau monte » avaient dit Baudelot et Establet en 1989.
Nous ne résistons pas au plaisir de citer l’actuel ministre de l’Education nationale dans l’ouvrage qu’il écrivit en 2000, L’art d’apprendre à ignorer (nous aimerions d’ailleurs que monsieur le ministre n’ignore pas ce que lui-même écrivit) :
Le sommet du sophisme, on s’en souvient, reste l’insurpassable Le niveau monte, déjà évoqué, savante ânerie, contredite, on l’a vu, par toutes les études objectives, y compris d’ailleurs par l’institution. Le Conseil national des programmes, présidé par Luc Ferry, dans un rapport de juillet 1995 avoue : « La comparaison entre les élèves passant le certificat d’études dans les années 1920 et ceux d’aujourd’hui, confirme sur les deux registres, lire/écrire et calcul, ce qu’il faut bien appeler une baisse de niveau. » De même, les évaluations annuelles fournies par l’ex-direction de l’Evaluation et de la prospective, devenue direction de la programmation et du développement : à la rentrée 1998, nouvelle évidence, elle constate en 6e que presque deux fois plus d’élèves qu’en 1992 ne maîtrisent pas les bases en lecture, et que pour les mathématiques, 38% des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base en techniques opératoires, alors qu’ils n’étaient que 17% en 1992. Si ce n’est pas là une tendance à la baisse, comment faut-il nommer ce phénomène ?
Le discours du niveau qui monte a été souvent repris à la fois par certains sociologues, la plupart des syndicats enseignants, les partis dits de gauche, et jusqu’à récemment par les publications du ministère.
Le niveau, mais lequel ? De quel niveau s’agit-il là ? Poser cette question, c’est déjà soulever la controverse, voire la colère de certains lecteurs.
En effet, l’on attendrait que l’expression signifie que les élèves dans leur très grande majorité savent plus qu’avant, c’est-à-dire au moins toutes les connaissances des générations précédentes, et d’autres, plus récentes. Il est facile de prouver que ce n’est pas le cas (voir les références données par X. Darcos), alors on rétorque que les élèves actuels, « qui ont changé », savent autre chose, non pas en plus, mais « à côté ». L’usage d’internet par exemple. Mais des élèves en difficulté de lecture sont encore plus en peine de compréhension dans la floraison de la lecture d’un hypertexte, que dans un livre bien ordonné.
Les partisans du niveau qui monte, Dubet par exemple, avancent l’augmentation du taux de réussite au baccalauréat : ils veulent ignorer les sujets, les barèmes et les consignes de correction, dont nous avons déjà parlé, qui ôtent toute valeur de certification à cet examen (comme à d’autres). On ne rend pas service aux élèves en leur décernant un papier dévalué ; le mensonge sur commande officielle, les taux de réussite imposés par le ministre, fonctionnent comme l’opium du peuple.