Les rencontres internationales initiées par l’UFAL autour de la laïcité et la constitution du Bureau Laïque International (BLI) comptent à leur actif une première concrétisation avec l’organisation par le PLD à Alger de journées d’étude et de réflexion sur la laïcité et le féminisme. Cette initiative est exemplaire de la solidarité active qui peut se déployer entre militants de différents pays. L’UFAL pour sa part se tient prête à répondre à de telles invitations et prépare d’ores et déjà de prochaines rencontres du BLI. (La Rédaction)
A l’occasion du 8 Mars, Journée Internationale des Droits des Femmes le PLD (Parti pour la laïcité et la Démocratie) a organisé dans son siège les 5 et 6 Mars, deux journées d’étude et de réflexion consacrées aux 2 thèmes :
- La laïcité, quels enjeux aujourd’hui ?
- Femmes et laïcité
A cette occasion Mr Bernard TEPER de l’UFAL (Union des Familles Laïques) ainsi que Mme Soad BABA AISSA de l’IFE (Initiative féministe européenne) ont animé ces journées en présence d’un public attentif et réactif. Les réflexions et débats de ces deux journées ont permis de définir les concepts et contribué à clarifier les enjeux.A l’appui de faits historiques ayant conduit à la démocratisation des sociétés autrefois régies par le droit du plus fort puis le droit divin, il apparaît clairement qu’il ne peut y avoir de laïcité sans démocratie c’est-à-dire sans la séparation des pouvoirs, la sélection des compétences par les élections libres et la garantie des libertés.
La laïcité n’est possible qu’en République et ne se confond pas avec la tolérance. La rupture avec le théologico-politique permet aux citoyens d’agir indépendamment de leur appartenance à une communauté. «L’État laïque connaît toutes les communautés mais n’en reconnaît aucune ». Le droit à la différence ne doit pas aboutir à la différence des droits .C’est l’universalité des droits dont l’égalité homme –femme et la primauté du droit sur les us et coutumes.
La laïcité n’est pas l’athéisme .La liberté absolue de conscience est garantie à l’ensemble des citoyens. L’État laïque garantit la liberté des cultes mais n’en finance aucun et ne peut donc pas les instrumentaliser.
Aujourd’hui, face aux intégrismes les batailles ne sont pas seulement formelles. Elles doivent grâce aux alliances aboutir à des luttes concrètes tout azimut et sans hiérarchie. Par exemple :
- opposer à la charité des communautés religieuses, la solidarité en sauvegardant les services publics.
- séparer l’école et la santé de la sphère marchande pour ne pas subir les «vérités» politiques de l’État et des instances religieuses.
A la lumière de ces définitions et éclaircissements, les constats et inventaires sont édifiants.
En Algérie au nom de l’article 2 de la Constitution «l’islam est la religion de l’État », le code de la famille (de l’infamie !) n’a jamais été abrogé. Pourtant les luttes menées pour l’égalité depuis l’indépendance ont été nombreuses. En voici les moments les plus importants que Mme Baba Aïssa a rappelés dans son intervention :
- Au lendemain de l’Indépendance, en 1964, un avant projet de code de la famille est à l’étude. Les commissions « sont priées » de ne pas perdre de vue que l’Islam est la religion de l’État
- en 1966, Fadéla Merabet, écrivaine et journaliste évente dans son livre : « Les Algériennes » l’avant projet du code qui circulait à Alger sous le manteau
- entre 1968 et 1973, des projets de code sont évoqués. Ils restent sans lendemain face à la mobilisation de la société civile.
- le 18 Mars 1980, le combat des femmes et notamment des étudiantes aboutit à l’annulation de la directive obligeant les femmes de fournir l’autorisation de leur tuteur pour quitter le territoire national.
- en 1984, le FLN parti unique investi par les islamistes promulgue le code de la famille inspiré de la charia.
- Après les événements d’octobre 1988, le pouvoir croit pouvoir contenir les islamistes. Au mépris de la constitution, il cède en leur accordant le droit d’organiser des partis religieux. Le programme politique du FIS se résume à dicter la conduite des femmes qui deviennent sa principale cible.
- en 1991, le système du vote des femmes par procuration est supprimé.
- en 1995, le collectif Maghreb Égalité annonce cent propositions pour des lois civiles égalitaires
- 2003, plusieurs associations font campagne pour l’abrogation du code de la famille
- 2005, le code de la famille est amendé. Aujourd’hui, tous ces amendements n’ont rien changé .La polygamie a même augmenté !
Dans le monde, le combat des femmes est d’actualité aussi. En Pologne, les droits des femmes sont régulièrement remis en question par l’Église catholique alliée au pouvoir en place. En France, les confusions idéologiques et les calculs électoralistes aboutissent aux actuels reculs et reniements de la laïcité.
Ces deux journées ont également permis de débattre et d’échanger sur de nombreuses questions dont :
- la montée des intégrismes religieux qui prospèrent en dépit de la sécularisation grandissante des sociétés et ce souvent, grâce au financement par les États, d’associations intégristes qui sous couvert d’activités caritative, éducative ou culturelle font de l’endoctrinement et du recrutement politique.
- Le combat pour la sécularisation de la société et la laïcité passera t-il en Algérie nécessairement par les étapes historiques que l’Europe a connues ? L’accès à l’information et les progrès de la communication vont-ils conforter les luttes pour la laïcité ou bien les freiner ?
- Le combat pour l’indépendance politique de l’Algérie auquel ont participé les femmes n’a pas libéré pour autant les femmes. Les luttes socio-économiques d’ailleurs aussi. Force est de constater que les reculs en matière d’égalité sont encore plus importants que par le passé. Cette régression doit nous amener à changer de stratégie et de mettre en synergie les luttes socio-économiques et sociétales pour ne plus reléguer au second plan l’idéal laïque.
- l’absence ou du moins le recul regrettable des démocrates dans le combat pour la laïcité en Algérie et dans le monde a également interpellé les personnes présentes. La cause essentielle en est la sous-estimation de la prise en charge des questions sociétales, du danger de l’intégrisme religieux qui est par essence un mouvement totalitaire et l’opportunisme politique de la mouvance démocratique.
Arrivées à terme, les journées de formation et de réflexion sur la laïcité se sont achevées sur le constat suivant : face à un monde globalisé, régi par l’idéologie néolibérale dite « consensus de Washington de 1979 », à la montée et alliances des intégrismes religieux à l’origine des conflits meurtriers dans les Balkans, en Inde, au Nigéria, en Irlande et partout dans le monde, le combat pour la laïcité, lié aux revendications économiques et sociales doit être un combat planétaire.