Cette manifestation, qui s’est tenue à Brasilia (Brésil) du 1er au 5 décembre 2010, est une étape importante du combat planétaire pour l’émancipation humaine, celle-ci exigeant tout à la fois l’école publique laïque, la protection sociale solidaire et les services publics de qualité partout et pour tous et toutes. Nous sommes avec cette initiative dans le long chemin pour une protection sociale solidaire de haut niveau partout et pour tous.
1) Rapide historique de ce combat à l’international
Les militants internationalistes avaient décidé à l’initiative d’Armando de Negri (militant associatif brésilien du secteur de la santé et de la sécurité sociale) et du mouvement social brésilien de la santé de créer dans les trois jours qui ont précédé le Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre en janvier 2005, le premier Forum social mondial de la santé (FSMS). Depuis, tous les FSM sont précédés des trois jours du FSMS.
Ce choix est judicieux pour deux raisons :
– beaucoup de militants altermondialistes sous-estiment la bataille pour la protection sociale solidaire dans la globalisation nécessaire des combats. Et à l’intérieur du combat pour une protection sociale solidaire, le secteur de la santé et de l’assurance-maladie n’est pas porté à la hauteur des enjeux fixés par les couches populaires (ouvriers, employés) et les couches du secteur informel des pays du monde entier ;
– une partie du mouvement altermondialiste n’est pas favorable à des rencontres avec les gouvernements.
C’est dans le cadre de ces FSMS que le projet d’une conférence mondiale réunissant les mouvements sociaux d’une part et les gouvernements d’autre part a germé. Puis, sous l’impulsion d’Armando de Negri et du mouvement social brésilien de la santé, le gouvernement brésilien a accepté de porter cette initiative. Bien évidemment, la décision du gouvernement brésilien n’est pas exempte de raisons géopolitiques évidentes. Mais la tenue de ce rassemblement est de fait un événement majeur sur le chemin de l’émancipation humaine. Cette manifestation a rassemblé 687 délégués de 98 pays et au total plus d’un millier de participants. La traduction simultanée en quatre langues (portugais, espagnol, anglais et français) a été d’un grand apport dans le contact entre délégations.
2) Représentation de la France
La France y était représentée pour la partie gouvernementale (en sus des représentants de l’Ambassade) par
– M. Mazyar Tahéri, Délégation aux affaires européennes et internationales, Ministère chargé des affaires sociales
– M. Christian Rollet, Président du Comité français pour l’action et le développement social, Conseil international de l’action sociale
– Mme Agnès Plassart, Directrice du GIP Santé et Protection sociale internationale
– M. Xavier Chambard, Responsable communication au GIP Santé et Protection sociale internationale
-Mme Christiane Labalme de la direction de la sécurité sociale, département des conventions internationales
Et pour les mouvements sociaux par
– M. Pierre Saglio, ex Président d’ATD Quart Monde
– M. Bernard Teper, responsable Education populaire de l’Union des familles laïques (UFAL) et d’UFAL Santé international
– M. Jean Jacques Monot, du Réseau international pour la planification et l’amélioration de la qualité et la sécurité dans les systèmes de santé en Afrique (RIPAQS)
– Mme Garance Upham, ibidem
– M. Philippe Gasser, pour l’association Attac France
La délégation a été reçue à dîner par l’ambassadeur de France à Brasilia.
3) Rapide compte-rendu de cette conférence mondiale
La conférence s’est déroulée autour de 3 axes principaux :
– L’opportunité, la nécessité, et les impératifs éthiques et démocratiques pour construire un système universel de Sécurité sociale
– Les défis de l’universalisation des systèmes de Sécurité sociale
– Les voies politiques pour la construction d’un système universel de Sécurité sociale. Ces thèmes ont donné également lieu à des groupes de travail en session plus restreinte pour en approfondir les données, ainsi qu’en
session « régionales » et pour les mouvements sociaux en groupes linguistiques (ce qui nous a permis un échange fructueux avec les représentants des mouvements sociaux de l’Afrique francophone, très intéressant avant Dakar 2011). Les principaux textes seront publiés sur le site internet de la Conférence mondiale.
Il était prévu, compte tenu de la nature « mixte » des représentations gouvernementales et des mouvements sociaux qu’aucun communiqué final ne vienne clôturer les débats. Il y a eu néanmoins des textes par régions du monde. La plupart des régions ont eu des textes offensifs.
Excepté l’Europe car les gouvernements français et allemands ne souhaitaient pas que la mention de politiques régressives à l’œuvre soient évoquée, prenant argument que les systèmes actuels étaient et de loin supérieurs à ceux existant dans la plupart des pays du monde. Aussi sous l’impulsion des mouvements sociaux de gauche portugais,
français, espagnols, basques (ces derniers se sont présentés comme cela), nous avons fait acter dans le texte Europe trois désaccords:
– sur le couple équité/égalité, les mouvements sociaux promotionnant le second et les gouvernements le premier,
– sur la nécessité de rééquilibrer la répartition des richesses en faveur des salaires et des prestations sociales (demandée par les mouvements sociaux de gauche), position combattue par les
gouvernements,
– sur la nécessité de promouvoir une sécurité sociale et un système de santé public (demandée par les mouvements sociaux de gauche) financés uniquement par de l’argent public, et non un partenariat public-privé (position gouvernementale pour l’Europe).
Le constat de la fracture Nord-Sud a été flagrant. L’importance du secteur dit informel dans les pays du Sud, la quasi-absence de protection sociale solidaire dans la majorité des pays du monde a tracé le chemin à parcourir pour les mouvements sociaux universalistes. Mais la volonté de quelques pays du Sud ou de pays
dits émergents montre que le chemin est possible. Des présentations des avancées sur ce thème au Brésil ont d’ailleurs été faites lors de cette Conférence mondiale.
La nécessaire globalisation des combats a été souvent formulée : eau potable, environnement, logement, travail décent, école, services publics, retraites, chômage, maternité, politique infantile, personnes âgées, handicap, dépendance, travail informel, etc.
Alors que partout, les politiques néolibérales de marchandisation, de privatisation des profits et de socialisation des pertes sont à l’œuvre ou à l’affût.
Bien évidemment, cette conférence mondiale n’est qu’une étape. Elle entre dans un processus long. Le prochain rendez-vous est le FSMS de Dakar qui se tiendra du 3 au 6 février, juste avant le FSM prévu.
4) Positions défendues
Dans toutes ses interventions (deux interventions au nom d’UFAL Santé
international en séances plénières et deux interventions liminaires en
atelier en coanimation UFAL santé international et ATTAC France),
l’UFAL a défendu les idées suivantes :
. proposer l’inclusion dans l’agenda international des mouvements
sociaux, en plus du FSMS et des Conférences mondiales, des AG de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Organisation internationale du travail (OIT). A noter que cette dernière a décidé que son AG 2011 aurait pour thème la sécurité sociale.
Nous ne pouvons pas nous désintéresser des débats qui se passent
dans ces deux institutions. L’idée étant
– pour l’OIT, soutenir l’application de la Convention 102 de l’OIT ( un
« panier de soins basique » à tout être humain soit appliquée sur tous
les continents) ce qui serait une avancée pour la majorité des pays du
monde mais sans oublier le but qui est de permettre à tout être humain
d’avoir droit à de la prévention et à l’accès aux soins de haut niveau
partout et pour tous sans « panier de soins » restrictif pour les
catégories sociales défavorisées !
– pour l’OMS,
. Éliminer les conflits d’intérêts de cette institution
avec les firmes multinationales et financières du secteur.
. Promouvoir la création d’un droit égalitaire international à la
prévention et à l’accès aux soins de qualité partout et pour tous par
application, dans le secteur de la santé et de l’ensemble de la
protection sociale, du principe de solidarité « à chacun selon ses
besoins, chacun devant y contribuer selon ses moyens ».
. Sur le financement : travailler à un processus politique
d’augmentation de la part des richesses pour les salaires et les
prestations sociales en général et pour la santé en particulier, le
tout au détriment de la part des profits. Mais aussi d’œuvrer à une
péréquation de financement entre pays riches et pauvres organisée dans
une institution internationale non soumise aux politiques néolibérales
de l’OMC, de la BM et du FMI, afin que le principe de
l’universalité de la Sécu soit effectivement universel.
. Développer partout et pour tous une démocratie sociale et sanitaire
indépendante de la logique du marché et autonome par rapport aux États
. Combattre tout système de privatisation des profits et de
socialisation des pertes en matière de santé et de protection sociale.
. Former beaucoup plus de professions médicales et paramédicales pour
supprimer la désertification médicale et paramédicale sur toute la
planète.
. Développer les processus économiques et politiques pour un
planification d’augmentation des secteurs économiques formels dans le
monde en organisant par « le haut » le passage progressif du secteur
formel au secteur informel de l’économie.
. Œuvrer à un changement de logique internationale en sanctuarisant le
secteur de la santé et de la protection sociale (y compris le
financement) des politiques financières néolibérales de l’ACTA, de
l’OMC, de la BM, du FMI.
Les délégués des organisations françaises suivantes (RIPAQS, ATTAC
France et UFAL santé international) projettent d’appeler à l’émergence
d’un collectif à visée internationaliste en France, ouvert à toute
organisation du mouvement social français.