Le groupe Paprec, spécialisé dans le recyclage, vient d’adopter une « Charte de la laïcité et de la diversité », approuvée par 100% du personnel ou de ses représentants, qui sera intégrée dans son règlement intérieur. Son président fondateur, Jean-Luc Petithuguenin, souhaite appliquer le modèle de laïcité de la République, qu’il juge irremplaçable, pour assurer la paix sociale dans son groupe de 4000 salariés, comptant 52 nationalités et de multiples convictions différentes. Il se présente comme un militant de la diversité dans l’entreprise, attaché à la lutte contre le racisme et le communautarisme. Il s’appuie sur la consultation de l’ensemble du personnel. La sincérité de son engagement n’est contestée par personne.
L’UFAL ne peut que soutenir cette initiative, qui rompt délibérément avec le pesant consensus actuel visant à éviter toute loi nouvelle, sous prétexte qu’il n’y aurait « pas de problème avec la laïcité » (attitude de l’Observatoire de la laïcité, du Conseil Économique Social et Environnemental, du Conseil d’État, de l’Association des DRH, etc.). Elle rappelle que dès le 1er septembre 2011, un avis du Haut Conseil à l’Intégration (organisme euthanasié par le pouvoir actuel) recommandait notamment l’inscription dans le code du travail d’un article autorisant les entreprises à introduire dans leur règlement intérieur des dispositions assurant la neutralité religieuse et la « paix sociale interne ».
Pour autant, il n’est pas sûr qu’en cas de contentieux, le juge n’annulerait pas les dispositions de la Charte sur le « devoir de neutralité » des salariés ou l’interdiction du « port de signes ou de tenues » « manifest[ant]ostensiblement une appartenance religieuse ». C’est un risque assumé par M. Petithuguenin, qui inscrit son initiative dans les suites de l’affaire Baby-Loup, avec l’intention de « faire bouger les lignes » et de placer le législateur devant ses responsabilités. Ce courage mérite d’être salué.
Doté de sa Charte, le Groupe Paprec relèverait manifestement du statut d’« entreprise éthique », au sens de la directive européenne du 27 novembre 2000. Ce texte prévoit qu’une entreprise « dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions » peut, sous certaines conditions, pratiquer « des différences de traitement fondées sur la religion ou les convictions d’une personne » sans qu’il y ait discrimination au travail ou à l’embauche. Malheureusement, de telles dispositions ne figurent pas encore dans la loi française. Pire : aussi bien le code du travail (art. L.1132-1 et L.1321-3) que le code pénal (art. 225-1 à 225-4) ne protègent que les convictions religieuses, politiques, ou syndicales. Aucune autre conviction –par exemple celles qui président à la laïcité- n’est reconnue, ni protégée des discriminations !
L’UFAL appelle les citoyens à exiger du législateur qu’il mette fin à ce scandale, qui porte atteinte à la liberté de conscience. Il faut modifier nos codes pour protéger toutes les « convictions », en particulier non-religieuses, neutres, ou laïques, au même titre que les religions, comme le prévoit la Convention européenne des droits de l’homme. Paprec doit pouvoir mettre en oeuvre son « éthique de la laïcité et de la diversité », Baby-Loup « la neutralité et de la laïcité », en toute sécurité juridique.