En approuvant l’arrêt de la cour d’appel de Paris confirmant le licenciement de Mme Afif, salariée de la crèche Baby-Loup, pour faute grave (refus de s’abstenir de porter un voile, insubordination et comportement agressif), l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a clos heureusement une affaire vieille de 6 ans. Au moins dans l’ordre juridique français, car la salariée déboutée a annoncé qu’elle saisirait la Cour européenne des droits de l’homme, cette fois contre l’État français : cet acharnement prouve le caractère concerté d’une opération qui dépassait de beaucoup un conflit du travail, et consistait bien à « tester les résistances de la République ».
L’UFAL, qui a soutenu la crèche dès la première heure, se félicite de cette issue, dont elle avait envisagé la possibilité. Néanmoins, elle rappelle que les agressions communautaristes ont réussi à chasser Baby-Loup du quartier sensible où elle assurait une mission d’intérêt général « sans distinction d’opinions politiques et confessionnelles ». L’association, qui a déménagé à Conflans-Sainte-Honorine, connaît encore des difficultés administratives et financières. Elle a besoin du soutien, matériel et moral, de tous les citoyens attachés au principe de neutralité confessionnelle, seul à même d’assurer le « vivre ensemble » dans une société multi-ethnique et multiconfessionnelle.
Sans retenir la notion « d’entreprise de conviction », la Cour de cassation a rappelé que le Code du travail permettait de limiter l’expression religieuse des salariés, pour des motifs « justifiés par la nature de la tâche à accomplir et proportionnés au but recherché ». Contrairement à sa chambre sociale dans son arrêt du 19 mars 2014, elle a déclaré licite le règlement intérieur de Baby-Loup. La Haute juridiction a estimé que la clause de neutralité imposée au personnel n’était ni générale ni imprécise — mais elle l’a fait en examinant concrètement les circonstances de l’espèce (le fait que tous les salariés de cette petite structure pouvaient être en contact avec les enfants). Il faut donc se garder de toute généralisation hâtive : c’est encore « au cas par cas » que seront jugées de semblables affaires.
Cet arrêt rassurera les nombreuses associations à caractère laïque, qui œuvrent non seulement dans le domaine de la petite enfance, mais dans les secteurs éducatifs, sportifs, de loisirs, sanitaires, sociaux, etc. Il est ainsi licite de prévoir une clause de neutralité religieuse dans le règlement intérieur d’une association ou d’une entreprise, si celle-ci est « justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ».
Toutefois, la question de la reconnaissance du caractère laïque d’une association n’est pas tranchée. Ainsi l’UFAL, association familiale, a également pour objet (conformément à la loi) de « promouvoir ou défendre des convictions politiques et philosophiques » laïques : or en l’état actuel du droit français, seules les convictions religieuses, politiques ou syndicales sont protégées par le Code du travail ! La nécessité de légiférer s’impose donc toujours, quoi qu’en dise l’Observatoire de la laïcité, non seulement pour mettre le Code du travail en conformité avec le principe constitutionnel de liberté de conscience, mais pour éviter la multiplication des affaires à régler au « cas par cas ».