De même qu’il n’existe pas d’antiracisme en dehors de l’universalité et de l’unicité biologique du genre humain, il n’existe pas de féminisme qui soit autre chose qu’un anti-sexisme universaliste.
Le féminisme est une lutte politique menée par des femmes et des hommes qui combattent les multiples effets de l’oppression patriarcale, qui repose sur l’idéologie naturaliste de la différence entre les sexes. Cette bipartition du genre est avant tout un fait culturel qui assigne un statut inférieur aux femmes. Cette logique se retrouve partout dans le monde, et aujourd’hui les trois religions monothéistes sont les principales promotrices du pouvoir patriarcal.
Parce que le principe d’égalité entre les femmes et les hommes en droits, en devoirs et en dignité n’est atteint nulle part, il est combattu partout au prétexte de revendications identitaires, différentialistes et communautaristes. Ne pas lier le combat pour la liberté à celui pour l’égalité conduit inévitablement à l’impasse. La laïcité, en opérant une séparation entre le politique et le religieux, est une condition à l’égalité. Le modèle républicain, en affirmant l’égalité entre tous les êtres humains, le respect de leur intégrité physique et morale, leur liberté de penser et de disposer d’eux-mêmes est de facto en proie aux offensives intégristes et communautaristes. Et le féminisme, qui défend qu’aucun motif cultuel ou culturel ne puisse justifier une restriction des droits des femmes, est en première ligne du combat contre les contestations de l’égalité entre tous les êtres humains, dont les femmes sont toujours les premières victimes.
Comme la laïcité, le féminisme est ainsi un rempart contre l’obscurantisme, et il en est donc également la cible, les articles de ce numéro en témoignent.
« L’esprit n’a pas de sexe » Cette formule, qui a été reprise par Simone de Beauvoir dans son célèbre livre Le Deuxième Sexe, est de Poullain de La Barre, qui est considéré comme un précurseur du féminisme au XVIIe siècle. Nous avons aussi voulu illustrer cette maxime par quatre portraits de femmes méconnues qui ont marqué leur temps, l’histoire de leurs combats, et participé au progrès de l’humanité.
Le choix est arbitraire et nous aurions pu parler de Ada Lovelace qui inventa le premier programme informatique, de Margaret Hamilton qui a assuré le succès du projet Apollo, de Marie Curie, première femme à obtenir un Prix Nobel, première personne à obtenir deux Prix Nobel, de Irène Joliot-Curie, chimiste, physicienne et femme politique française lauréate du Prix Nobel pour avoir découvert la radioactivité artificielle, de Rosa Parks qui en refusant de céder sa place à un passager blanc dans un autobus est devenue une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis, ou encore de Malala Yousafzai, activiste pakistanaise qui se bat pour le droit à l’éducation des femmes, ce qui lui a valu d’être la plus jeune lauréate du Prix Nobel.
Car l’éducation est, comme l’universalisme, une clé de l’émancipation individuelle et collective. C’est l’éducation à l’égalité qui permettra de lutter contre les stéréotypes de genre plus efficacement que toute autre mesure.
Bien sûr, la lutte au niveau des représentations n’épuise pas la nécessité de s’inscrire dans les combats menés au plan de la vie concrète et de ne pas se satisfaire des mesures formelles.
Ainsi hier, plutôt que de voter la parité comme une incantation, n’aurait-il pas mieux valu œuvrer efficacement pour un service public de la petite enfance et une égalité professionnelle femmes/hommes réelle, notamment salariale ?
Et aujourd’hui, plutôt que vouloir inscrire l’agissement sexiste dans le code pénal, ne vaudrait-il pas mieux faire de la transmission de la notion d’égalité entre les femmes et les hommes une valeur essentielle et non négociable de la République ?
Voici le genre de questions que nous mettrons en débat dans de nombreux domaines au cours de notre Université Populaire Laïque fin août à Périgueux, avec vous, pour nous tous.