Il aura fallu l’outrance du projet de loi contre les travailleurs pour que le combat social se réveille. Mercredi, plusieurs centaines de milliers de manifestants ont signifié au gouvernement que s’il persistait à jouer les supplétifs du Medef plutôt que tenir ses engagements, la perspective d’un grand mouvement social était possible. Tous ceux qui pensaient que les préoccupations sécuritaires et les peurs pouvaient anesthésier le corps social en sont pour leurs frais.
Il faut aussi que les consciences se réveillent sur ce qui est en train de se jouer à l’échelle européenne. En moins de trois semaines en effet, le Conseil européen a scellé deux accords qui marquent la désintégration et la honte. Il suffisait de voir la mine réjouie du premier ministre britannique David Cameron à l’issue de 30 heures de négociation sur l’accord anti-« Brexit » pour comprendre que le « statut spécial » qu’il venait d’arracher pour le Royaume-Uni marquait une rupture dans la construction européenne avec l’avènement d’une Europe à la carte, les gains espérés étant proportionnels à la capacité de chantage des pays. Mais le pire était à venir.
En début de semaine, un nouveau sommet européen a accouché d’un projet d’accord avec la Turquie pour « régler » la crise des migrants. Le Conseil européen envisage (l’accord final doit intervenir à l’issu d’un nouveau sommet le 18 mars) de déléguer à la Turquie le contrôle et la gestion des flux migratoires en provenance de Syrie. L’expression de « sommet de la honte » qui a été entendue au Parlement européen n’est pas exagérée. Outre le fait de se défausser d’une responsabilité qui est la sienne sur un pays non membre qui accumule les violations des droits de l’homme et réprime férocement la liberté d’expression, le Conseil européen bafoue allègrement les conventions internationales qui prévoient un examen individuel de chaque demande d’asile, ce que le Haut-commissaire des droits de l’homme de l’ONU s’est empresser de rappeler.
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