Les 4 et 19 octobre 2015, l’ensemble des citoyens attachés aux conquêtes de la classe ouvrière et aux valeurs de la République sont appelés à commémorer les 70 ans de la création de la Sécurité sociale par les membres du Conseil National de la résistance. Meurtrie et dévastée par la guerre, humiliée par l’occupation nazie et par ses propres turpitudes vichystes, la France sut trouver en 1945 chez une poignée de résistants la force d’ériger de la plus éclatante des manières son propre rétablissement moral. Le programme du Conseil National de la Résistance, intitulé « Les Jours Heureux », reste à ce jour un acte d’héroïsme patriotique qui n’a d’égale que l’audace de son contenu tant sur le plan économique que social.
Conformément au projet du CNR, Ambroise Croizat et Pierre Laroque mirent en œuvre un plan de Sécurité sociale porté par une formidable mobilisation militante qui permit en 1946 et 1947 de créer les caisses prévues par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 « visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec gestion appartenant aux représentants des assurés et de l’État et une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».
70 ans plus tard, la Sécurité sociale entendue au sens large verse annuellement pour plus de 500 milliards d’euros de prestations sociales, essentiellement les salaires et les allocations des retraités, des soignants, des parents et des chômeurs ; elle contribue ainsi au quart de la richesse nationale et représente jusqu’au tiers du revenu disponible des ménages. Les organismes de Sécurité sociale ont été, conformément au souhait du Conseil National de la Résistance, organisés en un service public autonome et indépendant de l’Etat. En conséquence la Sécurité sociale devrait être le lieu d’exercice de la démocratie sociale, grâce à laquelle les assurés sociaux devraient disposer des leviers de gestion de la politique sociale du pays.
La Sécurité sociale doit être considérée comme le plus extraordinaire joyau économique et social de notre pays et ce, malgré les attaques patronales qui n’ont cessé depuis sa naissance et malgré la remise en cause de grande ampleur dont elle fait l’objet depuis plusieurs décennies. Rappelons que le « trou de la Sécu » indéfiniment invoqué par les réformateurs n’est qu’un mythe : les quelque 10 milliards d’euros de déficits de la Sécu doivent être mis en regard des 20 milliards d’évasion sociale liés au travail dissimulé, des innombrables niches sociales et des dizaines de milliards de transfert des salaires vers les profits organisé par le mouvement réformateur néolibéral qui échappent au financement de la Sécurité sociale.
Comble de cynisme, les fossoyeurs entendent célébrer, eux aussi, les 70 ans de la Sécurité sociale. Un comité d’organisation des 70 ans placé sous l’autorité de la Ministre de la Santé propose un anniversaire dont le mot d’ordre officiel est d’occulter le projet du Conseil National de la Résistance au bénéfice de la révolution du numérique et de la lutte contre la fraude… des assurés.
Attachés à l’héritage du CNR et défenseurs des services publics, nous n’entendons pas nous laisser voler la commémoration de la Sécurité sociale par ceux qui organisent au quotidien sa destruction. Nous invitons l’ensemble des acteurs du mouvement social à manifester dans toute la France tout au long du mois d’octobre 2015 leur attachement à la Sécurité sociale telle que l’ont construite ses militants. Parmi les mots d’ordre que nous appelons à partager, il convient, en particulier de se prononcer haut et fort :
- Pour une réhabilitation de la cotisation sociale et du salaire socialisé comme mode de financement central et sanctuarisé de la Sécurité sociale ;
- Pour un droit à la retraite à 60 ans ;
- Pour le maintien de leur salaire aux salariés en arrêt de maladie-maternité et en AT-MP, aux retraités, aux chômeurs, aux invalides ;
- Pour un droit universel à un remboursement à 100% des soins prescrits délivrés par des soignants fonctionnaires et libéraux conventionnés et par des entreprises de médicaments et de matériel médical à but non lucratif, le tout financé par la seule assurance-maladie obligatoire ;
- Pour des prestations familiales fortement revalorisées et indexées sur les salaires, dont des allocations familiales accordées sans condition de ressources, et un service public pour la garde des enfants encore non scolarisés et le périscolaire ;
- Pour une réinvention de la démocratie sociale ayant fonctionné entre 1946 et 1967 avec gestion des caisses par les seuls assurés sociaux sans intervention patronale.
Les signataires :
Organisations : Parti de Gauche (PG), Réseau Education Populaire (REP), Réseau Salariat, Union des Familles Laïques (UFAL), Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)
Elus : Eric Coquerel (Conseiller Régional d’Ile de France), Riva Gherchanoc (Maire-adjointe à Montreuil déléguée à la santé et à l’égalité femmes/hommes), Danielle Simonnet (Conseillère de Paris, élue du 20ème arrondissement),
A titre personnel : Sabrina Benali (Interne en médecine de l’AP-HP), Jean-Claude Chailley (Convergence Nationale des Services Publics), Bernard Coadou (Médecin, membre du collectif La Santé Un Droit Pour Tous), Philippe Gasser (Médecin Psychiatre), Daniel Ladurelle (collectif Isérois de défense du service postal public), Antoine Math (chercheur à l’IRES)