En juillet 2009, Pierre Gadonneix, alors patron d’EDF avait demandé à l’Etat une hausse des tarifs de l’électricité de 20% en trois ans. Il s’est fait virer. Aujourd’hui c’est Henri Proglio qui occupe ce poste et qui est en passe de réaliser la projection économique faite par EDF.
Les tarifs ont déjà augmenté de 3,4% (en moyenne)1 le 15 août ; le 27 octobre une hausse de 3 % a été annoncée pour la fin de l’année et rien n’exclut une nouvelle hausse de 3 à 4% pour 2011. La moitié du chemin aura ainsi été fait.
Et pendant ce temps les familles subissent une diminution de leur budget du fait de la crise, de la baisse des prestations sociales et des autres hausses de prix.
Quelles raisons invoque EDF ?
Tout d’abord, l’acquisition de l’électricité issue du parc photovoltaïque à un prix 4 fois supérieur à celui du « marché ». Là sont les résultats les plus visibles du Grenelle de l’environnement ou comment un parc privé et spéculatif s’octroie des terres agricoles, parfois de très bonne qualité, pour dresser des champs entiers de panneaux photovoltaïques afin de faire toucher les subventions publiques voulues par le Grenelle de l’environnement (obligation de racheter l’électricité à un coût supérieur). Mais tout ceci n’est qu’un des aspects de la déréglementation du secteur de l’énergie voulue par l’OMC et sa petite sœur : la commission européenne.
A noter au passage qu’EDF Energies Nouvelles, filiale du groupe EDF a enregistré un chiffre d’affaires en hausse de 41,8% au troisième trimestre 2010, à 418 millions d’euros, grâce aux bonnes performances des productions d’énergie éolienne et solaire, soit pour les 9 premiers mois de l’année, une hausse de 33,7% à 963 millions d’euros.
Les ventes de l’activité production, la plus importante du groupe, ont progressé de 39,3%, « portées par l’excellente performance de la production d’origine éolienne et solaire ».
La production éolienne a profité de la mise en service de nouvelles installations aux Etats-Unis, au Mexique et en Europe, tout comme le photovoltaïque, qui a profité de mises en service d’installations dans différents pays d’Europe.
La filiale à 50% d’EDF a augmenté ses capacités éoliennes de 225,9 MW bruts sur les neuf premiers mois de l’année et ses capacités photovoltaïques de 77,4 MW bruts.
EDF Energies Nouvelles confirme ses prévisions pour 2010 d’un résultat d’exploitation compris entre 430 et 450 millions d’euros.
C’est à dire que sur 200 euros d’électricité verte payés par le consommateur, 100 euros sont des « frais financiers »
Comme on peut le voir dans ce communiqué de l’AFP, reprenant les comptes rendus d’EDF-Energies Nouvelles, les efforts des français permettent à EDF d’investir dans le monde et de se constituer en multinationale. Chaque famille apprécie, en particulier en fin de mois…
Chaque famille va l’apprécier, en particulier en fin de mois, quand les pannes sur le réseau EDF se font de plus en plus nombreuses et que le parc français a besoin d’être sérieusement révisé et entretenu, alors que des « stratèges » nommés par les dirigeants d’EDF décident d’investir hors de nos frontières sous prétexte que le prix de l’électricité en France est trop bas. Celui payé par les familles ou celui payé par Pechiney et Arcelor Mittal ?
Serions nous mal habitués à payer l’électricité à un coût qui ne favorise pas le profit de quelques uns sur notre dos ? L’argument vient de Bruxelles où la commission européenne dénonce une concurrence faussée dans le cadre de l’ouverture du marché de l’électricité.
Pourquoi ?
Car en France l’électricité vient majoritairement du nucléaire et de ce fait n’est pas très chère. Par contre, ce parc est en train de dépérir. La raison : les priorités d’investissements à travers le monde de la part d’EDF au lieu de s’occuper de sa mission de service public. Aussi aujourd’hui, EDF estime que pour prolonger la durée de vie de ses centrales, il lui faudra quelques 24 milliards d’euros dans les prochaines années. Somme qui a été pendant ce temps utilisée ailleurs car c’est bien connu : l’argent de contribuable Français est inépuisable ! Et s’il en manque : on procède à une hausse des tarifs !
Mais face aux visées libérale des dirigeants d’EDF la priorité absolue d’investissement est de rétablir la sécurité de ces centrales, de retirer au privé (et sa logique de rentabilité à court terme) l’entretien et l’évaluation du parc nucléaire, et d’envisager d’autres solutions plus écologiques en remplacement progressivement cette production.
Il ne faut jamais perdre de vue que le cadre de la concurrence libre et non faussée devait faire baisser le prix de l’énergie et EDF a été privatisée en ce sens, et son système (à la fois humain et technique) démantelé ! Mais comme en Angleterre, où le même discours à été tenu aux anglais, les français subissent au quotidien des hausses de tarif régulières2. En fait, l’utilisateur (français, anglais, allemand, etc. ) subventionne de sa poche la « libéralisation »3, le rachat d’entreprises à l’étranger et les dividendes versés à des actionnaires ; le tout au détriment de l’entretien des centrales, des conditions de travail du personnel et du niveau de service public (il suffit de vouloir faire installer l’électricité dans une maison pour se rendre compte à quel point ce qui était une formalité est devenu un vrai parcours du combattant et comprendre à quel point des dirigeants d’EDF entendent mettre fin à la mission de service public rendue aux citoyens de ce pays).
Mais comment en sortir ?
- En n’acceptant pas le diktat de l’Europe et de l’OMC sur les domaines qui relèvent des « Biens de l’Humanité », et dont l’énergie fait partie.
- En donnant les moyens de recherches et développement afin de s’orienter vers d’autres solutions complémentaires et de remplacement au nucléaire et de sobriété de la société afin de la rendre moins productrice de déchets, y compris dans sa production et sa consommation d’énergie.
- En maîtrisant mieux nos dépenses énergétiques dans l’immobilier dès la construction des bâtiments, en particuliers ceux à destinations des populations ayant les plus bas salaires.
- En recréant un corps de spécialistes de l’énergie avec à la fois une vraie maîtrise des chantiers et de la maintenance au sein du service du public, mais aussi une véritable mission de service public, c’est à dire le souci constant de mise à disposition de l’énergie, d’être au service des citoyens et du développement pérenne du pays (et non pas des actionnaires d’EDF).
- En incluant les familles dans les lieux de décisions qui les impactent directement.
- En récréant les conditions pour que l’électricité française reste une des moins chères en Europe grâce aux compétences et au savoir faire de ses ingénieurs et de ses salariés.
- Renationalisation du secteur public de l’énergie EDF et GDF.
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- Les tarifs bleus (clients particuliers) vont augmenter de 3%, les tarifs bleus pros (artisans, professions libérales) de 4%, les tarifs jaunes (PME-PMI) de 4,5% et les tarifs verts (grandes entreprises) de 5,5%, a précisé le ministère. [↩]
- La facture d’électricité avait augmenté de 2,3% en moyenne en août 2009 (+1,9% pour les ménages et +4 à 5% pour les entreprises), de 2% en 2008 et de 1,1% en 2007 [↩]
- Voir aussi : La logique néolibérale contre le peuple. Un cas d’école : la demande de hausse des tarifs d’électricité. [↩]