Bien que le désastre japonais soit encore très vif dans nos esprits et que rien ne soit résolu, malgré les dérives constatées dans la gestion du site de Fukushima, révélant le rôle néfaste de l’actionnariat dans la sûreté des industries sensibles, malgré la crise économique que le monde traverse et pour laquelle l’État français devrait mobiliser ses forces vives plutôt que de les céder au privé, le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) envisage de céder une partie des actions qu’il détient dans le groupe Areva.
Rappelons que le CEA détient, au nom de l’État français, 73 % des actions du groupe. Mais ne nous y trompons pas, vendre une partie des actions d’Areva en bourse pour les céder à des acquéreurs privés ayant les mêmes priorités que l’opérateur TEPCO (propriétaire de la centrale de Fukushima), n’est pas une décision autonome du CEA. Rappelons que l’administrateur général du CEA (actuellement Bernard Bigot) est nommé par le président de la République en personne : Nicolas Sarkozy. Gageons que la priorité de Nicolas Sarkozy reste la même !
Après les cadeaux faits à Mme Bettencourt (remboursement de 30 millions d’euros par l’instauration du bouclier fiscal), Nicolas Sarkozy entend piller l’État français pour d’autres de ses amis, dont Martin Bouygues. En effet, les salariés expliquent eux-mêmes que la téléphonie mobile ne rapporte plus autant, que malgré l’interdiction de la publicité sur France Télévision, cela n’a pas permis de redynamiser les revenus publicitaires de TF1. Il faut alors d’autres horizons à Martin Bouygues pour assurer les rentes de son groupe.
Or, la construction d’un réacteur nucléaire, c’est 60 % de BTP !
Et le BTP, Martin Bouygues connaît ! Alors banco, il lui faut des parts d’Areva. Mais le groupe est gros, impossible à absorber. Alors, contre toute logique, Nicolas Sarkozy imagine de casser le groupe unifié seulement quelques années plus tôt pour séparer à nouveau la Cogema (Areva, gestion du cycle du combustible) et Framatome (Areva, construction des réacteurs). Car Areva, constructeur de réacteurs, Martin Bouygues veut en faire ses choux gras !
Et aujourd’hui, utilisant tous les leviers à sa disposition, Nicolas Sarkozy demande à l’administrateur général du CEA de liquider une partie d’Areva (détenue par le Commissariat à l’Énergie Atomique) pour la donner à des fonds privés.
Insistons : Areva autant que le CEA (ou EDF) sont des créations de l’État français dues à l’argent public, celui des impôts des citoyens de ce pays, c’est-à-dire l’argent provenant de leur travail quotidien.
On constate donc qu’après avoir cédé GDF et EDF aux intérêts de personnes n’ayant cure des citoyens et de leur famille (car seuls leurs dividendes comptent), la privatisation des biens des citoyens se poursuit ! Comme dans toute période de crise, on assiste à un appauvrissement du bien commun et public, au profit de l’intérêt privé et particulier d’un petit groupe.
Rappelons que les 6 000 plus gros revenus en France (dont Martin Bouygues) ont vu leurs revenus augmenter (en moyenne !) de 51 % entre 1998 et 2010. Sur la même période, 90 % des salariés ont vu leur salaire progresser (en moyenne…) de 3,1 %. « Toujours plus », voilà la devise de ceux qui pillent le bien public.
Aujourd’hui, le contexte électro-nucléaire de l’accident de Fukushima, où la priorité de Tepco est de sauver sa centrale, avant que de sauver les populations, met directement en cause l’action de l’intérêt privé qui préfère verser des sommes aux actionnaires (c’est-à-dire à des personnes qui ne fournissent aucun travail dans l’entreprise !) plutôt que de consacrer ces sommes à la sûreté des installations ou à la formation des salariés qui, eux, y travaillent tous les jours. Mieux, l’accident de Fukushima a remis en cause, de façon légitime, l’orientation électro-nucléaire décidée par des dirigeants français dans les années 1970 en évacuant tout débat national sur la question de l’orientation de la production énergétique, donc sur le mode de développement du pays.
Or les citoyens ont par principe le droit inaliénable de décider souverainement de leur cadre de vie et du mode de développement de leur société.
Le débat populaire et national sur la poursuite d’une telle orientation de la production d’énergie est donc parfaitement justifié et, malgré les agitateurs « pro » ou « anti », ce débat n’a d’autres objectifs que de décider de l’orientation du mode de développement de la société sous l’angle de la production, de la (sur) consommation, des économies d’énergie et du statut de l’énergie.
Or, comment agir sur l’énergie si elle est détenue et pilotée par des intérêts privés qui n’ont cure des citoyens et de leurs familles et ne s’intéressent qu’à l’argent des dividendes ? Comment réorienter la production et agir sur l’utilisation de l’énergie (en n’acceptant plus le gaspillage, notamment dans l’industrie et dans la production d’objets conçus pour se détériorer rapidement) si le secteur de l’énergie est détenu et géré pour assurer des rentes financières sans se soucier du gaspillage de la matière première et des vies humaines employées à produire du jetable ? Comment assurer la sûreté des installations (électro-nucléaires ou autres) si on préfère rémunérer le portefeuille de Martin Bouygues ou de Mme Bettencourt, plutôt que de payer pour la formation du personnel, l’embauche de CDI dignement rémunérés, l’entretien et l’inspection des installations ?
Aujourd’hui, dans le contexte de Fukushima, le fait que l’État français décide de céder des actions d’Areva aux portefeuilles privés relève de la mise en danger des citoyens de ce pays. Et renforce la nécessité du débat qui doit avoir lieu en France sur la place de l’électro-nucléaire et de la contribution que les familles françaises doivent apporter à l’idée d’une sortie progressive de cette production d’énergie.