Quelques repères historiques
À partir du milieu des années 60, le taux de profit diminue pour atteindre un minimum au début des années 80. La réaction des possédants est radicale et brutale, c’est le tournant néolibéral dont les deux principaux promoteurs politiques sont Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Commence alors un vaste programme mondial, dans lequel la France s’engouffre, de déréglementations, de privatisations, de régression de la protection sociale. Le chômage est maintenu volontairement élevé et les inégalités se creusent avec une précarité croissante. La part des revenus du travail dans la richesse produite chute d’environ 10 points de PIB en 25 ans dans la plupart des pays industrialisés. Le taux de profit se redresse et la financiarisation de l’économie devient incontrôlable.
Deux dates clés sont à connaître concernant la Banque de France. En 1973, une loi est votée pour obliger l’État à emprunter sur le marché obligataire moyennant des taux d’intérêt : « Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». En 1993 une nouvelle loi décide l’indépendance politique de la Banque de France : « Il est interdit à la Banque de France d’autoriser des découverts ou d’accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise public. L’acquisition directe par la Banque de France de titres de leur dette est également interdite ».
Autre date clé, c’est la suspension de la convertibilité du dollar en or en 1971 par Richard Nixon, supprimant ainsi toute possibilité d’étalonner les monnaies.
Un emballement dogmatique qui mène à une crise prévisible
Les nouvelles bases ainsi posées pour continuer à augmenter le profit tiré d’un système productiviste entraînent mécaniquement un recours des particuliers à l’endettement pour compenser la dégradation de la condition salariale, plus ou moins selon que le niveau de protection sociale et les mécanismes de redistribution sont développés.
En parallèle, la part de l’économie réelle ne cesse de diminuer dans la finance mondialisée, toutes les activités humaines deviennent prétextes à marchandisation et spéculation, et les États se privent d’une partie des recettes qui leur permettent d’assurer leurs missions d’intérêt général.
Les « bulles » gonflent et éclatent les unes après les autres, les dettes sont transformées en produits financiers qui s’échangent et se vendent sans aucune retenue ni limite et viennent ainsi gangrener l’économie réelle.
Comme tout système instable fini inéluctablement par atteindre un point de rupture, ce qui devait arriver arriva, avec l’enchaînement que nous connaissons : crise des subprimes au EUA en 2007, faillite de la banque Lehman Brothers en 2008 avec réactions en chaîne dans le secteur bancaire, transformation des dettes privées en dettes d’État pour éviter l’implosion du système financier, et aujourd’hui, imposition de la rigueur (augmentation des impôts, baisse de la protection sociale, baisse de la dépense publique en proportion de la richesse produite, donc réduction des services publics, etc.) qui aura le même effet qu’une saignée pour guérir un anémié.
Tout a donc été fait pour préserver un système financier qui marche sur la tête et sauvegarder les intérêts d’une oligarchie pourtant responsable du désastre actuel. Pour y parvenir, il s’agit maintenant de faire payer aux peuples les errements de leurs dirigeants. C’est donc une double peine qui est appliquée au plus grand nombre : les désastres socio-économiques du néolibéralisme, et maintenant la facture d’une tentative désespérée de son sauvetage. Mais c’est aussi un recul de la démocratie et une dépolitisation poussée à l’extrême (la « règle d’or » en sera le point d’orgue), alors que la crise représentait une opportunité de construire une nouvelle économie qui réponde aux besoins en garantissant le progrès social et la sauvegarde de notre planète.
Ils ont choisi la crise, à nous de refuser de payer et de construire un autre monde, sans eux.