L’UFAL A JOUE UN RÔLE ACTIF POUR SON ADOPTION
En 1989, l’affaire des « collégiennes voilées de Creil », orchestrée par les islamistes, suscite une réaction immédiate des laïques. Le 15 novembre 1989, le Nouvel Obs publie la tribune « Profs, ne capitulons pas » signée par Elisabeth Badinter, Elisabeth de Fontenay, Catherine Kintzler (membre de l’UFAL), Alain Finkielkraut, et Régis Debray.
Le Ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin, botte courageusement en touche et saisit le Conseil d’Etat, qui, dans un avis du 27 novembre 1989, déclare que le port du voile n’est pas en soi un signe de prosélytisme. Le ministre, par circulaire, renvoie l’affaire à la responsabilité de chaque chef d’établissement. Néanmoins, la bataille pour la laïcité continue, notamment dans le corps enseignants et les personnels de direction.
A partir de 1997, l’UFAL intervient directement dans le combat. Notre dernier appel, publié dans Libération avec notre adresse électronique, nous vaut de nombreuses demandes d’intervention de toute la France : les Pouvoirs publics prennent conscience qu’il faut réagir.
Une mission d’information parlementaire sur la question des signes religieux à l’école est installée le 4 juin 2003, présidée par Jean-Louis Debré. Dans son rapport remis le 1er décembre suivant, 23 députés sur 25 reprennent la proposition de l’UFAL.
Parallèlement, et non sans arrière-pensées, le Président Chirac met en place une commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, présidée par Bernard Stasi. Deux de ses membres, le philosophe Henri Pena-Ruiz, et la présidente de l’association Elele, Gaye Petek, défendent nos positions, alors que la commission est au départ assez majoritairement partisane de la « laïcité ouverte ».
Pourtant, le basculement se fait peu à peu, à la suite des auditions de nombreux enseignants et chefs d’établissements relatant la situation ingérable créée par la circulaire Jospin de 1989, ainsi que du témoignage de jeunes filles musulmanes demandant qu’on maintienne l’espace scolaire libre des pressions qu’elles subissent à l’extérieur.
L’audition de Jean-Paul Costa, vice-président de la la Cour européenne des droits de l’Homme, qui se fonde sur les restrictions à la « liberté de pensée, de conscience, de religion » permises par l’article 9.2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, finit de convaincre la commission. Ses conclusions, favorables à une loi interdisant le port ostensible de signes religieux à l’école publique, sont adoptées à la quasi-unanimité : seul Jean Bauberot s’abstient, il mérite que les laïques s’en souviennent à jamais.
A partir du 18 octobre 2003, les Parlementaires PS et UMP prennent l’affaire en main jusqu’à la loi du 15 mars 2004. Le 10 février 2004, l’Assemblée Nationale adopte massivement la loi en première lecture par 494 voix contre 36 (et 31 abstentions). Notons qu’à cette occasion, les premiers clivages apparaissent à gauche, les deux tiers du groupe communiste et républicains votant contre, un tiers pour, Christiane Taubira (PS) votant également contre.
Bernard Teper
Ancien président de l’UFAL