En déplacement mardi 9 février dans le Loir-et-Cher, le Président de la République a présenté les premières conclusions des « assises des territoires ruraux » qui ce sont tenues depuis l’automne dernier dans tous les départements de France.
Force est de constater que l’enfant de Neuilly n’a pas le feeling de ses prédécesseurs sur la question du monde rural. Il ne manque néanmoins pas d’aplomb pour soutenir ici ce qu’il détruit depuis son accession à l’Elysée. Incarnation française de Warren Buffett, le grand patron américain qui mène la lutte des classes contre les pauvres, Nicolas Sarkozy a donc joué du pipeau pour endormir une France rurale qui ressent, plus que jamais, les effets dévastateurs de la politique gouvernementale.
Au-delà des mots, les contours de sa « nouvelle économie de la ruralité » sont désespérément flous… En vantant la mobilité, il ne fait que reprendre une des valeurs-phares de l’urbanité ; les habitants des campagnes bloqués un peu partout en France par 10 centimètres de neige doivent apprécier ! On sait par ailleurs le sort que réservait la mise en place de la taxe carbone, heureusement censurée par le Conseil constitutionnel, aux habitants des zones rurales…
SARKOZY TRICHE AVEC LA RURALITE
Notre président ne connaît pas le monde rural et il triche avec la ruralité : ce sont les conseils généraux et régionaux, très majoritairement de gauche, qui tentent de construire et de faire vivre des maisons de santé alors même que l’Etat les étrangle financièrement.
Sur les questions de santé, il est tout à fait insuffisant de promettre 400 bourses à des étudiants en médecine s’engageant à exercer pendant 10 ans en zone rurale. Il faut aller plus loin, revenir sur la liberté d’installation des médecins et instaurer, comme le propose l’UFAL, un numerus clausus régional sur-dotant les régions déficitaires en médecins généralistes.
En matière des haut-débit et de « fracture numérique », Nicolas Sarkozy enfile les perles de la bonne conscience sans se doter d’objectif ambitieux. Il faudrait ainsi attendre 15 ans pour que toute la France soit couverte par le haut-débit ! Sans préciser avec quelle technologie, les moins chers seront de toute façon déjà surannés d’ici 5 ans…
Il ne nous a soufflé que des propos lénifiants, recyclant pour l’occasion le débat nauséeux sur l’identité française et le déclinant en « identité rurale » dans une vision essentialiste que l’on croyait à jamais enfouie dans les tréfonds de notre histoire. Les ruraux demandent simplement à être traités comme tout citoyen français et non comme des citoyens de seconde zone. Il ne s’agit pas pour nous de refaire une politique de territoire qui ne serait qu’une compensation à la triste politique de la ville.
Sur ce dossier, comme sur d’autres, les collectivités locales n’ont pas attendu l’Etat pour agir. Nous considérons que l’accès au haut débit est, au XXIème siècle, aussi important que l’électricité a pu l’être au début du XXème siècle. C’est pourquoi la France devrait se lancer, sur fonds publics, dans la construction d’un réseau de fibre optique accessible à tous les foyers français. Rien de tel dans le discours du Président!
POUR UN BOUCLIER RURAL
Il faut aujourd’hui inventer une politique géo-sociale qui donne aux habitants des campagnes les mêmes outils de développement que les habitants des villes. Le monde rural ne veut pas la charité, il veut l’égalité.
Cette égalité passe la mise en place d’un bouclier rural. Quand le bouclier fiscal donne plus à ceux qui ont déjà trop, nous proposons de mettre en œuvre un bouclier rural qui garantisse l’égalité des droits et des chances au développement des territoires ruraux.
La première des dimensions à prendre en compte concerne bien évidemment les services publics. Comment ne pas exiger aujourd’hui un moratoire sur la suppression des services publics ruraux ? Il faut arrêter le démantèlement des services de l’Etat à la campagne : hôpitaux, maternités, écoles, bureaux de poste, perceptions, gendarmeries…etc. et garantir un temps d’accès décent aux services de base (santé et école).
Mais il faut aussi donner les moyens à cet espace de se développer économiquement afin que se réduisent ces déplacements pendulaires de plus en plus longs entre lieux de résidence et de travail. Il faudrait en réalité faire l’inverse de ce que fait le gouvernement de M. Sarkozy ! Les moyens sont là, les bénéficiaires de bouclier fiscal en savent quelque chose. Reste à réorienter l’argent public vers ceux qui en ont le plus besoin.
Fabien Bazin, conseiller général et maire de Lormes (Nièvre), Jean-Philippe Huelin, animateur du site « Vers un bouclier rural » et coauteur de « Recherche le peuple désespérément » (Bourin éditeur)