Oui, parmi les grévistes, les enseignants du public étaient les plus nombreux. Quel camouflet pour ce gouvernement (et les précédents) ! Ils sont venus dénoncer la baisse de leur pouvoir d’achat et surtout l’inexorable dégradation de leurs conditions de travail.
Oui, leur colère sourde et pudique est générée par la distorsion accrue entre leur mission et celle qu’a oubliée l’État.
Oui, celui-ci s’est désengagé davantage encore de ce service public (par définition ouvert à tous, créé pour tous laïque, c’est-à-dire indépendant de toute religion entre autres). Comment ?
- En augmentant leur charge de travail (si bien que malgré « leurs » vacances, les enseignants rognent sans cesse sur leur temps libre et ont l’impression d’être toujours occupés professionnellement) : multiplication des réunions, des tâches relevant plutôt de l’assistanat social, de la psychologie, de la médiation ou… de l’agence de voyages (pédagogiques).
- En restreignant tous les moyens de leur fonction : suppression de postes, de sections, de l’autorité (eh oui, pourtant indispensable, dans le bon sens du terme), d’où l’incapacité de « boucler » correctement les programmes, d’où la baisse du niveau des acquisitions, baisse de l’intérêt de nombreux élèves pour l’étude, de leur capacité de concentration et de leur goût pour l’effort, d’où l’augmentation des difficultés, particulièrement celles des élèves et sections à problèmes, d’où le mécontentement général.
- En n’assurant pas de formation spécifique relative aux élèves et sections difficiles pour tous les professeurs.
Dans ces conditions, quid du plaisir de la transmission des connaissances et de l’enthousiasme qu’il engendre ? Brisés ! Quid de la qualité des relations humaines entre professeurs, élèves, parents ? Ebréchée ! Quid même de l’équilibre psychologique de ces dits fonctionnaires ? Rongé !
L’État ferme les yeux, il se défausse, il serre les cordons de la bourse, il culpabilise les enseignants, il les condamne, il joue de promesses avec les parents déjà très préoccupés par leur propre situation professionnelle. Il n’est plus ni un guide, ni un protecteur ; il est devenu une machine à nommer et déplacer les pions (« ses » enseignants, dont certains, à quelques années de la retraite, n’arrivent toujours pas à obtenir de postes fixes), à qui il ordonne de maintenir les élèves comme le couvercle et la soupape d’une cocotte minute sur le feu pour que rien ne s’entende, tout en leur enjoignant implicitement de faire bonne figure (ils sont « privilégiés » !).
Oui, en ne leur octroyant pas la reconnaissance et le soutien qu’il leur doit, l’État ne reconnaît pas en fait la jeunesse qui leur est confiée. Et cela, il serait grand temps d’en prendre conscience ! Il favorise ainsi le chacun pour soi, l’abrutissement dans la consommation, l’immaturité comportementale, l’assèchement humain. Bref, il enlève l’espoir.
Parents, si vous voulez une société où la qualité de la transmission des connaissances techniques, culturelles, humanistes soit assurée, où celle de la communication avec autrui importe, et où le développement du jugement par la raison (et non par la morale) soit garanti car il permet avec ce qui précède la construction et l’affirmation de soi ainsi que l’ouverture aux autres, sachez que cela commence, se développe et s’apprend à l’école publique !
Exigez de l’État qu’il s’engage dans ces missions éducatives et dans l’octroi des moyens pour y parvenir. Vos enfants, c’est ce que vous avez de plus cher. Ils sont l’avenir de notre société. C’est à vous de défendre leurs droits aux côtés des enseignants.