CONTRE LA DÉMOLITION DE L’ÉCOLE RÉPUBLICAINE
L’UFAL dénonce la politique de rentabilité et d’obscurantisme du ministère libéral Sarkozy-Fillon-Darcos.
Réduction drastique et programmée des moyens alloués à l’école publique :
Après 11 200 suppressions de postes à la rentrée 2008, le projet de budget en prévoit 13 500 pour 2009, 15 000 pour 2010. Ces suppressions devraient se poursuivre au moins jusqu’en 2012. Le ministre prétend les compenser par des heures supplémentaires et divers artifices : coupes sombres dans les postes de RASED, réintégration de MAD (mis à disposition), etc. Donc, alourdissement de la charge des enseignants avec baisse de la qualité de leur travail, dégradation de l’accompagnement des élèves en difficulté et affaiblissement des organismes qui participent aux missions d’enseignement, d’éducation et de culture.
À l’école primaire, diminution des horaires par la suppression de la classe du samedi matin :
Les élèves les plus fragiles, qui sont aussi le plus souvent ceux qui vivent dans un milieu anxiogène, ont besoin de temps et de sécurité pour étudier à l’école. La suppression d’un jour de classe aggrave les déterminations sociales liées au milieu familial. Les heures de soutien, surchargeant les jours de classe restants, ne pourront guère réparer un échec scolaire qu’on entretient ainsi.
La réforme du lycée :
Au lycée, c’est la désorganisation de l’enseignement qui est annoncée avec le lycée modulaire, approuvé par Philippe Meirieu (Les Échos, 18.07.08) : le savoir y serait découpé en modules offerts au choix de l’élève transformé en consommateur, avec bien entendu réduction des horaires.
Il ne sert à rien de mettre en avant l’exemple de la Finlande, où les conditions sociales et culturelles sont différentes, où les moyens sont importants et où le lycée modulaire est préparé en amont. C’est plutôt le modèle anglo-saxon ultralibéral qui inspire la politique du ministère.
Pour l’UFAL, l’école doit d’abord former l’homme libre et le citoyen. Comme la liberté est impossible à l’ignorant, elle doit dispenser aux enfants, quelles que soient leurs origines, les savoirs émancipateurs (langue, littérature, mathématiques, physique, histoire, langues anciennes, etc.) qui lui permettrent d’exercer son jugement critique en même temps qu’ils le rendront apte à l’exercice d’un métier. Ces savoirs ne doivent pas être cloisonnés et morcelés : répartis en disciplines, mais articulés en une cohérence encyclopédique au vrai sens du terme, ils doivent être acquis progressivement et patiemment, selon un cheminement raisonné.
Le projet de réforme prévoit au contraire une instruction au rabais. La physique disparaîtrait du tronc commun obligatoire en seconde. Or à travers la physique l’élève prend conscience de la façon dont la raison, aidée des mathématiques, peut appréhender les lois de la nature. La suppression de la physique obligatoire est une prime accordée à l’irrationnel et aux pressions religieuses, surtout pour les élèves les plus fragiles.
De même, l’histoire cesserait d’être obligatoire en première et terminale, alors qu’elle est indispensable à la formation du citoyen.
Le ministre dément ces projets de suppression, mais un ballon d’essai a été lancé, auquel il est essentiel de réagir.
Pratiquement, le lycée modulaire semestriel signifie la complication des emplois du temps, du travail des enseignants, la réduction des conseils de classe à deux par an, donc moins de bilans sur le travail des élèves. En outre, le poste des professeurs dont la discipline ne figurera pas dans le tronc commun sera tributaire du succès qu’ils remporteront auprès des élèves. On expose ainsi l’enseignement aux phénomènes de modes, aux parcours pour initiés et au risque de la démagogie. En arrière-plan, c’est la redéfinition du service des enseignants, voués à des fonctions d’animateurs sociaux plus que de dispensateurs de savoirs.
Enfin, cette réforme rend l’avenir du baccalauréat très incertain : on voit mal comment Xavier Darcos pourra éviter d’introduire dans cet examen une dose importante de contrôle continu. Dire, comme il le fait, que « le bac pas le principal problème », c’est sous-entendre qu’il ne manquera pas de s’en occuper.
Ce qu’il faudrait faire :
En réalité, on sait très bien d’où viennent les difficultés des lycéens et des bacheliers à l’université : non pas d’un manque liberté de choix, mais du fait que l’enseignement dispensé en amont ne leur a pas donné les bases suffisantes ; cela en raison d’une politique menée depuis longtemps et qui, par touches successives, porte atteinte à l’efficacité de l’école républicaine :
- faute de moyens pour une lutte de grande ampleur contre l’échec scolaire en contrebalançant les pressions de la société, mais aussi à cause des réductions d’horaires dans des disciplines fondamentales (un élève sortant du collège a reçu depuis le début de sa scolarité 800 heures de français de moins qu’en 1976)
- à cause de programmes et instructions obscurantistes qui ont enlevé à l’enseignement sa progressivité méthodique (suppression de l’enseignement systématique de la grammaire, refus de l’enseignement de la chronologie, abandon de la notion de démonstration, etc.) et, sous prétexte de faire construire son propre savoir par l’enfant, l’ont livré à la perplexité et ont refusé aux plus défavorisés ce que les autres trouvaient dans leur milieu d’origine.
Aujourd’hui le ministre prétend reconstruire en revenant à des programmes qui remettent à l’honneur le savoir. Mais c’est un pur effet d’annonce : à quoi servent des programmes ambitieux quand les horaires et même les structures ne sont plus là ?
Pendant que s’organise ainsi la faillite de l’enseignement public, les officines de soutien scolaire fleurissent, subventionnées par nos impôts, et l’école privée recueille les enfants dont les parents, même sans religion, veulent qu’ils étudient. C’est la « réforme de velours »1 qui prépare la privatisation de l’école, en attendant la mainmise sur elle des pouvoirs religieux.
- Voir le livre Main basse sur l’école publique, par Eddy KHALDI et Muriel FITOUSSI: www.main-basse-sur-ecole-publique.com/ [↩]