A la fin de la manifestation d’hier, mardi 12 février, lors de laquelle des milliers d’instituteurs ont crié leur refus de la réforme des rythmes scolaires telle qu’elle est vantée par le ministère ; à la fin de cette manifestation massive, alors qu’une bonne centaine d’irréductibles clamaient devant un barrage de CRS qu’ils voulaient avoir une entrevue avec leur ministre pour lui expliquer la teneur de leur insatisfaction ; alors que des maîtresses chantaient, l’oeil plaisantin : « Les CRS avec les maîtresses ! », que d’autres, plus revendicatives, scandaient : « Plus de maîtresses, moins de CRS ! » ; au milieu de cette allégresse mâtinée de mécontentement devant la volonté du ministre de nous tenir à quelques encablures de son ministère, montrant par là le peu de considération qu’il a de la gent enseignante, alors que nous nous tenions à l’angle de la rue du Bac et de la rue de Grenelle, les CRS, au lieu de répondre à la proposition décente des maîtresses, leur ont lancé du gaz lacrymogène.
Devant cette bouffée de gaz disproportionnée répondant à une bouffée d’amour ironique, devant ce refus des CRS de les conduire jusqu’au ministère, les maîtresses éconduites se sont mises à avoir les yeux rouges et humides, non pas de déconvenue mais d’amertume. Les rares enfants qui accompagnaient leurs parents grévistes ont eu un témoignage direct du mépris policier à l’égard des instituteurs, qui leur ont rétorqué, dépités : « Nous instruisons vos enfants et vous nous gazez ! »
Et les derniers instituteurs se sont dispersés, repartant avec leurs pancartes sous le bras, saine lecture pour les agents des RG qui assistaient à cette débandade, non pas des maîtres d’école mais d’un gouvernement prétendument de gauche. Du reste, sur une des pancartes en berne, le passant étonné par cet étrange spectacle pouvait lire : « Voilà à quoi sert un vote utile »…