Suite aux dernières publications de la commission École de l’UFAL (« 30 propositions destinées à achever l’école de la République » et « L’UFAL soutient l’intersyndicale et demande le retrait du décret sur l’évaluation des professeurs »), plusieurs lecteurs ont réagi. Voici les réponses de Marie Perret et de Damien Pernet, auteurs de ces deux communiqués…
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Commentaire de Rudolf Bkouche
La majorité actuelle continue l’œuvre de destruction de l’école commencée par la gauche et toute critique consistante doit prendre en compte la continuité de Jospin à Darcos pour dire les choses rapidement.
Si le rôle des professeurs n’est plus d’instruire, alors à quoi sert l’école ?
Il suffit de voir l’évolution des programmes depuis la réforme de Chevènement, ce chantre autoproclamé de l’école républicaine, jusqu’à aujourd’hui pour comprendre comment l’école a été détruite par les politiques. Mais peut-être le savoir n’est-il plus une valeur fondamentale dans la société dite de la connaissance. La connaissance, il y a des machines pour cela, pourrait-on dire en imitant la fameuse phrase de Claudel sur la tolérance et les maisons du même nom.
Et les propositions de Hollande telles que les a présentées Vincent Peillon dans Le Monde ne valent pas mieux. Alors, choisir entre un obscurantisme de gauche ou un obscurantisme de droite, beau programme pour des élections dont l’enjeu est moins un choix de politique que le choix du chef.
Rudolf Bkouche,
professeur émérite
Université de Lille 1
La réponse de Marie Perret
Nous sommes entièrement d’accord avec votre analyse. La commission École de l’UFAL considère qu’il n’y a pas des réformes mais une seule et même réforme, conduite alternativement par la gauche soit par la droite, et visant à détruire l’école républicaine, qui fait pourtant partie du modèle social que la gauche prétend défendre. La gauche en a remis en cause le concept : en attaquant frontalement les savoirs et en faisant la promotion d’une pédagogie disjointe de tout contenu disciplinaire, elle a choisi la rupture avec Condorcet. La droite la remet aujourd’hui en cause en tant qu’institution : c’est l’existence même d’une école publique qui est visée, pour les raisons économiques qu’on sait.
Nous analyserons prochainement les différents programmes en matière d’enseignement proposés par les candidats aux élections présidentielles. Il y a toutes les raisons de craindre que le PS diffère encore l’heure de l’aggiornamento.
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Commentaire de M. S.
Je suis enseignant en lycée, anarcho-syndicaliste de conviction et de militantisme. Cela pour dire que je n’ai aucune sympathie pour l’UMP. Mais je n’ai pas envie de laisser dire que le suivi des élèves, la concertation, voire le tutorat, seraient des missions qu’il serait scandaleux « d’ajouter » aux missions des enseignants, puisque :
1) ils les font déjà ;
2) le travail d’un enseignant n’est donc pas constitué du seul travail intellectuel de préparation et de correction, mais justement de ce travail de suivi des élèves, d’entretiens avec les parents, de concertation, d’accompagnement de jeunes collègues, et d’autres initiatives éducatives (sorties culturelles, voyages, etc.) qui ne sont pas rien dans le temps professionnel d’un enseignant.
Et encore heureux que les enseignants fassent ce travail-là !! C’est leur mission morale, et ceux du moins qui le font, n’attendent pas des programmes électoraux pour le faire, et n’aiment pas non plus, que les répliques tout aussi électorales et démagogiques comme celle que vous exposez dans ce passage de cet article, présentent implicitement ce travail, par le fait, comme un travail en plus qui n’aurait donc pas à « s’ajouter » au travail des enseignants…
Pour le reste, je suis bien sûr d’accord pour dénoncer la contractualisation et les suppressions d’emploi. Mais ne soyons pas d’un corporatisme conservateur de privilèges, voire de morgue de caste mandarinale, dans nos revendications et la défense de nos intérêts matériels et moraux.
Merci de m’adresser une réponse à ces considérations, car franchement, je ne vois vraiment pas comment on peut déconsidérer cette partie inséparablement nécessaire de notre travail.
La réponse de Damien Pernet
Je vais essayer d’apporter quelques réponses à vos judicieuses interrogations.
Tout d’abord, permettez-nous de dissiper un malentendu : nous n’avons pas écrit que le suivi actuel des élèves, ainsi que les sorties scolaires, n’étaient pas du tout pris en charge par les professeurs. Ces activités nombreuses sont d’ailleurs reconnues au travers du paiement de la prime ISOE (parts fixe et modulable pour les professeurs principaux).
Nous avons bien au contraire signifié que le temps de travail effectif des enseignants ne se réduisait pas à 18 heures de cours par semaine, comme le laisse entendre démagogiquement l’actuel président et son think-tank ultra-libéral, l’IFRAP (je vous conseille d’aller sur leur site…).
Car, en réalité, ce projet vise à étendre les missions des enseignants en leur confiant celles assumées aujourd’hui par des acteurs comme les co-psy (en voie de disparition), la MGI, etc. afin bien entendu de supprimer autant de postes.
Ainsi, il est à craindre que si le nouveau corps de certifiés multi-tâches, appelé de ses voeux par le gouvernement, voyait le jour, les professeurs, qui travaillent en réalité en moyenne près de 40 h par semaine, ne puissent plus avoir le temps et l’énergie d’enseigner, avec tout ce que cela suppose de travail intellectuel et didactique, en amont comme en aval. Et adieu les HSE, soit dit en passant…
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Commentaire de Marc Vignon
Bien entendu je ne soutiens pas la politique actuelle en matière d’éducation mais… je ne vois pas pourquoi les professionnels de l’évaluation qui évaluent les élèves avec parfois d’inutiles commentaires blessants ne seraient eux-mêmes pas évalués.
L’évaluation actuelle par les inspecteurs est une aberration, ils sont loin et sont souvent des enseignants qui ne voulaient plus avoir à gérer des élèves, sur le plan pédagogique leurs avis sont donc sujets à caution.
Il est normal que le chef d’établissement ait un certain pouvoir sur ses adjoints.
Une double évaluation :
a/ Pédagogique par le principal : il est le mieux placé pour juger du rôle de l’enseignant dans le comportement des classes et de son l’implication dans le projet d’établissement, etc.
b/ Connaissance de la matière enseignée par un spécialiste qu’il soit inspecteur ou autre.
Il est en effet insupportable que sous prétexte d’indépendance pédagogique que des enseignants agissent « perso » et perturbent l’équipe à laquelle ils appartiennent.
Un grand père ex FCPE très actif.
La réponse de Damien Pernet
La thèse centrale que nous développons est simple : une double notation, pédagogique et administrative des professeurs, reste nécessaire. Nous n’avons donc jamais affirmé qu’ils ne devaient plus être évalués.
Or, dans le projet de décret du gouvernement, seul le chef d’établissement serait habilité à noter les enseignants, selon 3 paramètres : l’implication dans le projet d’établissement, la ponctualité/assiduité, et les progrès des élèves (donc la pédagogie et la maîtrise disciplinaire.)
Pour la partie administrative, il est aujourd’hui d’usage que ce soit ce dernier qui évalue, et il est certainement, en effet, le mieux placé.
En revanche, en ce qui concerne le volet pédagogique, il ne peut maîtriser tous les référentiels définissant les programmes de toutes les matières, encore moins les connaissances disciplinaires qui, aux concours du CAPES et de l’AGREGATION sont évaluées par des universitaires ou des titulaires de chaires supérieures. C’est une vérité de La Palice…
Ainsi, comme vous le remarquez vous-même, la maîtrise de la didactique et des contenus d’enseignement ne peut-être appréciée que par un spécialiste. Nous sommes donc d’accord, et c’est sur ce point que le projet de réforme s’avère contraire au bon sens.
Pour autant, afin de garantir la neutralité de le l’institution scolaire, nous ne pensons pas, comme vous semblez le suggérer, que cette mission puisse être dévolue à un « spécialiste » qui ne soit pas un inspecteur. Peut-être faudrait-il simplement que ces inspecteurs soient plus nombreux par académie, pour justement être au plus près des enseignants, pour les conseiller dans un métier qui, vous ne l’ignorez pas, devient de plus en plus difficile.
Enfin, pour finir, l’UFAL s’est toujours positionnée contre la notion de « projet d’établissement », dans la mesure où l’égalité (républicaine) des candidats aux examens ne saurait admettre d’instruction à plusieurs vitesses. Je vous invite, sur ce point, à vous reporter aux analyses de Catherine Kintzler, que vous pouvez trouver en librairie, mais également sur son site Mezetulle.