Une publication récente et officielle, le rapport du Haut Conseil de l’Education sur l’école primaire, déplore le pourcentage préoccupant d’élèves en difficulté de lecture à l’entrée en sixième (40%). Une grande abondance de livres et articles de journaux sur les problèmes de l’école a précédé ce rapport, et confirme ou précise ses préoccupations. L’un des derniers articles en date est le dossier dans le Nouvel Observateur de début septembre :
« Longtemps, cette dénonciation a été le fait d’un petit noyau de vieux réactionnaires pleurant un âge d’or perdu. On les chambrait ? On ne peut plus. Le mal touche trop d’enfants. Année après année, près de la moitié des élèves qui entrent en sixième maîtrisent mal leur propre langue. Et ce ne sont pas quelques grognards qui inventent ces chiffres. Mais l’institution elle-même qui tire la sonnette d’alarme depuis quelques années. Avec en point d’orgue ce rapport accablant sur l’école primaire que le Haut Conseil de l’Education, une instance consultative créée en 2005, a remis il y a quelques jours au président de la République. »
Certains lecteurs de cette revue se sont étonnés de son revirement, car jusque-là elle était essentiellement occupée à se gausser des « réactionnaires », et maintenant elle fait amende honorable, ce que nous notons avec intérêt.
Les instituteurs compétents et consciencieux, loin de protester contre cet article, le confirment de fait ; par exemple une de nos correspondantes, J.I. de Villeurbanne :
« Oui, les élèves font des fautes, les étudiants aussi: ma propre petite-fille (22 ans) m’a fait corriger son mémoire de licence et a été étonnée que le texte que je lui ai renvoyé soit bariolé de rouge : du coup, je lui donne des cours d’orthographe par internet. (…)
Le problème est devenu crucial quand tous les élèves de 11 ou 12 ans sont passés en 6e. (…)
Je l’ai constaté avec certains de mes anciens élèves qui revenaient me voir et semblaient avoir perdu ce que je leur avais enseigné : ils écrivent à toute allure des devoirs bourrés de fautes jamais corrigées et finissent par mépriser l’orthographe (et ne parlons même pas des SMS que j’ai du mal à déchiffrer quand mon petit fils m’écrit).
Et j’en corrige tous les jours dans tous les journaux et les livres.
Mais ce travail de fourmi demande du temps et de la patience.
Une institutrice retraitée , devenue professeur des écoles »
Une question s’impose : pourquoi le système scolaire a-t-il laissé arriver jusqu’en licence quelqu’un qui écrit le français de façon si incertaine ? Remercions le dévouement (familial …) de l’institutrice retraitée qui donne des cours d’orthographe par internet, mais c’est bien la preuve qu’ils sont nécessaires, et que l’indignation de l’article du Nouvel Observateur est justifiée !
Nous avons cependant un regret à propos de cet article : s’il parle avec précision et détails des fautes d’orthographe, de grammaire, de compréhension générale du français, il oublie les difficultés et les lacunes en mathématiques et sciences, faisant comme Philippe Meirieu qui affirmait que « c’est vrai en français ça ne va pas, mais en math ils sont bons« . C’est faux.
Petite anecdote à mon domicile, un exemple entre mille : un apprenti (vingt ans, charmant au demeurant, français de souche hexagonal aux yeux bleus, il est peut-être utile de le préciser) est chargé de scier par moitié une planche qui mesure 2,88 mètres ; il prend la scie, puis reste immobile et muet ; l’ouvrier plus âgé, expérimenté, lui demande : « Eh bien ? tu n’as rien appris à l’école ? » Silence. J’interviens : « La moitié de 2, c’est 1, la moitié de 8 est 4, la moitié de 8 est 4, donc ça fait 1,44 mètre. C’est simple, il n’y a pas de retenue … » Voilà où nous en sommes, pour une petite incursion de calcul élémentaire dans un travail non intellectuel, facile. Qu’aurait fait l’apprenti seul ? quelle est sa possibilité d’autonomie dans son travail ? Peut-on l’envoyer seul sur un chantier, s’il est arrêté aussitôt qu’il doit faire une addition ou une division, même de cette simplicité ?
Parmi les preuves du mauvais état des connaissances en sciences des élèves, y compris des bacheliers S, citons la diminution sévère du nombre d’étudiants en mathématiques et physique, qui inquiète au ministère, mais les réponses sont les plus mauvaises possibles : aggraver le mensonge sur le bac par une manipulation des barèmes, inventer des descriptions et des raisons fantaisistes à cette désaffection (le rapport Porchet sur les jeunes et les études scientifiques, 2002 : la situation a empiré, depuis). Et envisager une nouvelle forme d’exploitation coloniale, en empruntant des travailleurs scientifiques aux pays qui n’ont pas encore renoncé à enseigner correctement les mathématiques à leurs jeunes : l’Inde, la Chine, Singapour, etc.
Non, le niveau ne monte pas.