Devrons-nous regretter Vincent Peillon, qui avait au moins fait bénéficier l’école d’une « charte de la laïcité » ? Le nouveau ministre Benoît Hamon vient en effet de déclarer (RMC et BFM TV lundi 12 mai) : « Il faut faire preuve de discernement et regarder de quelle manière, oui, dans un certain nombre de situations, on peut accepter que –c’est déjà le cas– des mamans qui portent un voile [accompagnent les sorties scolaires] ». Lapsus révélateur : « accepter » le port de signes religieux à l’intérieur même du service public d’éducation est présenté comme un objectif ministériel ! Nous sommes dans la droite ligne des visites de Valls au Vatican.
Le « discernement » est ainsi explicité par B. Hamon : « une dame avec un voile dans une ville x, on ne peut pas mettre un signe égal [sic]avec une autre dame dans une ville y ». Chaque chef d’établissement ou directeur, sous peine de manquer de « discernement », est ainsi sommé de se soumettre à la sociologie des quartiers, aux pressions communautaristes locales. Laïcité en centre-ville, communautarisme en banlieue ?
Le Conseil d’Etat avait estimé, dans son Etude publiée en décembre 2013 : « Les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente […] à recommander » aux « parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires » « de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses. » L’UFAL avait alors dénoncé, dans un communiqué du 24 décembre 2013, une « porte ouverte à tous les « accommodements raisonnables » ; la responsabilité en incombant (…) in fine au chef d’établissement scolaire ». Le ministre vient de confirmer nos craintes, allant même au-delà.
Ainsi, la « circulaire Chatel » du 27 mars 2012 paraît bel et bien enterrée –ce que le Conseil d’Etat ne demandait pas. Elle disait : « les principes de laïcité de l’enseignement et de neutralité du service public […] permettent notamment d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. » De « permettre d’empêcher », B. Hamon vient de passer à « pouvoir accepter » : faut-il aussi regretter un ministre de droite ?
L’UFAL rappelle que la Constitution, en proclamant dans son Préambule que « l’organisation de l’enseignement public laïque et gratuit à tous les degrés est un devoir de l’Etat », oblige à un traitement égal sur tout le territoire, et non « au cas par cas ». Que l’enseignement public se déroule dans un cadre laïque ne saurait varier d’une école ou d’un quartier à l’autre.
Les sorties et les déplacements scolaires (bibliothèque, stade, piscine) font partie des activités d’enseignement, et doivent à ce titre être régies par le « principe de laïcité ». C’est la « règle commune » ; « nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses » pour s’en affranchir. Ces impératifs constitutionnels ne peuvent souffrir de changements d’un ministre à l’autre.
L’UFAL considère qu’une loi s’impose, non pour réglementer la tenue des personnes, mais pour préserver la neutralité confessionnelle de l’ensemble des activités d’enseignement, qu’elles aient ou non pour cadre les locaux scolaires.
Au demeurant, s’agissant des personnes, il tombe sous le sens que la volonté d’un adulte d’imposer l’affichage de sa religion est incompatible avec le minimum requis pour l’encadrement des élèves : neutralité absolue, et égalité de traitement de tous. Un parent encadrant une sortie scolaire n’accompagne pas « son enfant », mais tous les élèves. Il doit manifester qu’il est porteur d’une mission d’intérêt général, et non porte-drapeau d’un particularisme confessionnel, ethnique, culturel, ou politique.