L’UFAL a décidé de soutenir la pétition « Appel national pour l’École publique » lancée à l’initiative des Délégués départementaux de l’Éducation nationale, de la FCPE, du SE-UNSA, de l’UNL, et de l’UNSA Éducation. Ce texte ci-dessous peut être signé sur www.appelpourlecolepublique.fr (il s’agit d’une campagne qui s’inscrit dans la durée puisqu’elle ne se terminera que le 19 juin prochain). Il dénonce les récentes mesures ministérielles que l’UFAL elle-même a dénoncées, et qui tendent à dévitaliser l’enseignement public en ouvrant des champs nouveaux à l’enseignement privé.
Si elle ne pouvait que soutenir cette initiative, l’UFAL regrette toutefois que l’unité des syndicats et des organisations démocratiques n’ait pas pu se réaliser à cette occasion. Elle rappelle qu’elle est et sera toujours prête à occuper toute sa place dans un front large pour la reconstruction d’une École publique digne de ce nom.
Par ailleurs, elle considère qu’il convient d’aller au-delà de l’analyse présentée dans la pétition. Celle-ci n’est qu’un texte minimal.
Actuellement, il conviendrait de dénoncer par exemple :
- La réforme du lycée dite « réforme Chatel », qui diminue les horaires des disciplines et donc l’efficacité de l’enseignement dans sa mission fondamentale de former l’homme et le citoyen, et qui, sous couvert d’autonomie dans la gestion des moyens, accroîtra encore les pouvoirs des chefs d’établissements et les transformera encore un peu plus en chefs d’entreprise ;
- La réforme de la formation des maîtres qui, d’une part, en sabotant la formation pédagogique des nouveaux enseignants fonctionnaires stagiaires reçus aux concours, nuira à la qualité de l’enseignement public et qui, en amont, en créant des masters d’enseignement, fournira aux chefs d’établissement une réserve de vacataires prétendument compétents en pédagogie, ce qui permettra à terme de mettre en extinction le statut de professeur fonctionnaire, pièce maîtresse de la laïcité de l’enseignement.
- Plus généralement, les mesures actuelles sont l’aboutissement de toute une politique menée depuis les années 1950-60 avec les lois Marie, Barangé et Debré, politique qui a été suivie de façon constante sous des formes diverses à travers les gouvernements successifs, et qui nécessiterait une analyse globale.
- Citons par exemple :
- L’affirmation du « caractère propre » des établissements, la notion de « projet d’établissement », qui soumet l’enseignement aux pressions locales, qui porte atteinte à la garantie que chaque futur citoyen reçoive un enseignement de qualité égale quel que soit son lieu de résidence ; la dotation horaire globale, qui laisse aux établissements le choix dans la façon de répartir la pénurie des moyens ;
- Corrélativement, les pouvoirs accrus des chefs d’établissements, sur le modèle de l’enseignement privé, et le grignotage de l’indépendance des enseignants (qui en principe ne dépendent sur ce plan que de l’État), avec les risques que cela fait courir à la laïcité de l’enseignement ;
- Des orientations pédagogiques en matière de programmes et de méthodes, qui, sous prétexte de lutte contre l’élitisme, tendent depuis longtemps à brader les connaissances méthodiquement organisées au profit de savoir-faire ou, pire, de « savoir-être » qui mènent à bien des égards à l’adaptation de l’individu à la société au lieu de l’armer d’un savoir critique face au monde dans lequel il vit ; bref une conception obscurantiste qui croit que pour l’éducation du citoyen et le « vivre ensemble » laïques on peut faire l’économie de l’instruction.
Cette politique a produit deux conséquences majeures dont les effets sont présentement accentués :
- Une aggravation de la sélection sociale et des inégalités devant l’École puisque, l’État se désengageant, les enfants et les jeunes sont laissés de plus en plus démunis face au poids des déterminations sociales et locales, au rebours de la mission républicaine de l’École qui est d’intervenir partout pour prévenir l’échec scolaire au lieu de le gérer ;
- Une dégradation considérable de l’image de l’enseignement public face à l’enseignement privé, une insatisfaction grandissante des parents, et en conséquence une montée en puissance des officines privées qui entendent profiter pleinement du marché de l’éducation ainsi développé.
- L’UFAL affirme donc encore une fois qu’une analyse lucide et critique des politiques suivies par le passé en matière d’École reste à faire. Elle continuera d’œuvrer pour qu’à travers un rassemblement le plus large possible dans l’action se dégagent de nouvelles perspectives politiques qui rompent avec le libéralisme consensuel, pour construire une école de la République sociale.
ANNEXE : Appel national pour l’École Publique
L’École publique, laïque et gratuite crée le lien social indispensable pour faire face aux défis d’un monde en crise. C’est elle, et elle seule, qui permet de garantir la cohésion sociale. Elle est pourtant aujourd’hui menacée par des choix politiques qui favorisent le privé et encouragent le consumérisme éducatif.
Redonnons la priorité à l’École laïque !
Le service public et laïque d’éducation doit garantir à chaque élève une scolarisation de qualité sur tous les territoires. Il doit permettre à chacune et chacun, quelle que soit son origine culturelle ou géographique, quelle que soit sa condition, quel que soit son handicap, de bénéficier d’une éducation et de s’approprier « le vivre ensemble » dans un espace où la liberté de conscience est strictement respectée.
Aujourd’hui, le service public et laïque d’éducation n’est plus une priorité de l’État.
Les nombreuses décisions ministérielles le montrent :
- les dizaines de milliers de suppressions d’emplois qui ne cessent de le frapper durement, le fragilisent en zone rurale et l’asphyxient en zone urbaine.
- les aides publiques concédées aux établissements privés (à 95% catholiques) qui n’ont jamais été aussi élevées. Il s’agit de près de 7 milliards d’Euros octroyés chaque année par l’État, auxquels viennent s’ajouter les participations obligatoires versées par les collectivités locales.
- la loi Carle qui amplifie le financement de la concurrence au service public et conforte la logique de « marché » scolaire.
- la suppression de la sectorisation, qui transforme les parents d’élèves en consommateurs d’école.
- le développement du privé par le plan banlieue, là ou les besoins du service public sont les plus criants, là ou la ségrégation sociale est la plus forte ;
- les accords « Kouchner Vatican » (qui remettent en cause les règles de collation des grades universitaires au bénéfice des instituts catholiques) ainsi que les projets de financement par l’État de l’enseignement supérieur privé.
Nous, signataires de cette pétition, refusons l’affaiblissement organisé par l’État, de notre service public et laïque d’éducation.
L’éducation n’est pas une marchandise. La liberté de conscience doit être respectée partout et pour toutes et tous. L’argent de tous doit cesser de financer les choix de quelques-uns.
Nous exigeons une orientation politique qui fasse clairement le choix de l’École publique, laïque et gratuite.
Nous réaffirmons qu’il n’y a qu’une École de la République.
Nous demandons que l’effort éducatif de la Nation soit réservé au développement de l’École de la Nation.