Dans une interview dans la Tribune Dimanche du 12 mai, Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles annonce une concertation pour remplacer le congé parental par « le congé de naissance [qui]créera un droit nouveau pour les classes moyennes ».
Annoncé mi-janvier par Emmanuel Macron, ce nouveau droit remplacerait le congé parental qui est un échec, avec une approche différente : là où le congé parental pouvait s’étendre sur une période allant jusqu’aux 3 ans de l’enfant, mais très mal indemnisé1, le congé de naissance se voudrait plus court (3 mois par parent) et mieux indemnisé (50 % des revenus avec un plafond fixé à 50% du plafond de la Sécurité sociale, ce qui fait un plafaond actuel d’environ 1900 €).
Pour l’Ufal, il s’agirait d’une avancée par rapport au congé parental qui est peu utilisé et à tendance à éloigner les mères de l’emploi. D’autre part, son partage avec les pères n’a jamais fonctionné et a eu pour seul effet de le raccourcir et de générer des économies.
Le congé de naissance, au contraire, ouvrirait un droit identique pour les deux parents, sur une durée plus courte qui n’aura que peu d’impact professionnel, et avec une indemnité proportionnelle liée aux revenus, ce qui devrait éviter une partie des arbitrages liés aux ressources dans les couples : le revenu le plus faible étant très souvent celui qui prend le congé parental, et cela reste dans la majorité des cas les mères.
Nous partageons cette philosophie, mais nous avons des regrets et des réserves.
Du côté des regrets, il est dommageable d’avoir attendu aussi longtemps pour enfin entrer dans une phase de concertation. Toutes les études sur la dernière réforme du congé parental montrent son échec et des pistes souhaitables de réforme ont été avancées. Une directive européenne en 2019 demandait déjà la mise en place de congés mieux rémunérés pour les parents. Le gouvernement lui-même annonçait y travailler au 1er semestre 2022. Il aura fallu attendre la confirmation de la chute rapide du nombre de naissances en France et sans doute la crainte de remontrances au niveau européen2, pour qu’une volonté de tourner la page de la PreParE s’affirme. Il est regrettable également que la première piste envisagée, ne soit pas l’allongement des congés, bien mieux indemnisés, de maternité et surtout de paternité. Ce dernier, s’il a été allongé lors d’une réforme précédente, reste modeste avec un maximum de 25 jours, dont seulement 4 jours obligatoires, en plus des 3 jours de naissance. Or l’Ufal avait pointé à cette occasion que les habitudes éducatives et surtout le partage des tâches se mettent en place au sein des couples dans les premières semaines. Allonger la durée obligatoire du congé paternité, au moins à 6 semaines, nous semble une mesure nécessaire pour viser les objectifs égalitaires du futur congé de naissance. D’autre part, si l’indemnisation à 50 % du congé de naissance est un progrès par rapport à la PreParE, c’est très inférieur à l’indemnisation des congés maternité et paternité, souvent complétée par les employeurs. Si l’on veut éviter que des arbitrages soient encore faits au détriment du parent avec le plus faible revenu et si l’on souhaite accompagner tous les parents dans l’intérêt de l’enfant qui vient de naître, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur cette question dans le contexte social que nous connaissons. La directive européenne laisse la possibilité aux États de ne pas changer leur dispositif si l’indemnisation est d’au moins 65 % des revenus d’activité, ce chiffre devrait donc être le minimum pour le projet gouvernemental.
Pour finir, nous avons une réserve de taille : la politique familiale est un tout qui doit être cohérent. Si le gouvernement souhaite envoyer les signaux d’une réelle amélioration dans ce domaine, sa politique doit être globale. Nous pensons, notamment, que ce congé de naissance aura des effets positifs si et seulement si à son issue il y a des modes de garde disponibles pour tous, en premier lieu en accueil collectif dans le cadre d’une véritable service publice de la petite enfance. Or, malgré les effets d’annonce et les programmes ambitieux en la matière, force est de constater que cela ne fonctionne pas et que cela risque même de s’aggraver avec les problèmes de recrutement dans les secteurs de la petite enfance et les départs à la retraite massifs à venir chez les assistantes maternelles.
Le « réarmement démographique » qu’appelle de ses vœux martiaux Emmanuel Macron doit plutôt consister à permettre aux familles d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent — L’Unaf, dont l’UFAL fait partie, évalue, à travers son enquête annuelle de 2023, le nombre d’enfants souhaités à 2,27 largement au-dessus du taux de natalité de actuel — en les aidant à concilier vie personnelle et vie professionnelle.