Les bébés, les petits humains sont de futurs citoyens. La citoyenneté se construit tout au long de la vie. Considérer dans l’enfant, le futur citoyen permet d’échapper à la segmentation sanitaire, sociale, éducative qui régit la petite enfance : la qualité des modes d’accueil pour la petite – enfance est un sujet éminemment politique qui doit être pris en compte bien avant que l’enfant ne devienne un élève. Tout l’argumentaire qui a contribué dans notre pays à laïciser l’école peut être utilisé pour les modes de garde des tout-petits.
Préserver les capacités des enfants, refuser le déterminisme social et les conditionnements, rompre la fatalité du mal-vivre, casser les visions réductrices, cela oblige à imaginer de nouveaux services ; ce pourrait être les objectifs d’un service public de la petite enfance. C’est un choix de société.
Les expériences illustrant les 108 propositions du rapport Giampino pourraient servir d’embryons à ce service public. Le plan d’action présenté le 15 novembre par Florence Rossignol reprend une partie des propositions du rapport.
Ce plan d’action vise 3 objectifs déclinés en 16 axes
- Pour la définition d’un cadre général à l’accueil des jeunes enfants
- Pour le développement d’un accueil de qualité, ouvert, pluridisciplinaire et sans stéréotype
- Pour une formation des professionnel.le.s mieux adaptée aux enjeux de notre société.
Cependant ces propositions font partie d’un tout qui n’est pas nécessairement en cohérence avec les ambitions de ce plan.
Laïcité
Il n’y a rien à redire sur la proposition suivante : « Les établissements gérés par des personnes morales de droit public ou par une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public sont soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse et politique. Cette exigence doit être inscrite dans le règlement intérieur de ces établissements. ».
Mais, « Pour les établissements de droit privé recevant des fonds publics, la signature de la charte de la laïcité entre la CNAF et ses partenaires est préconisée ». La préconisation n’est pas contraignante. Constitue-t-elle un progrès quand les conventions signées entre les CAF et les organismes gestionnaires de crèches stipulaient déjà un engagement à la neutralité (que les organismes ne respectaient pas toujours, mais c’est un autre problème) ? Il eût été plus efficace, conformément à la jurisprudence Baby-Loup de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, de stipuler que le règlement intérieur des structures privées recevant des fonds publics doit prévoir la neutralité religieuse des personnels en contact avec les enfants et/ou leurs familles.
Mode d’accueil : le compte n’y est pas
En préambule, il convient de rappeler que l’objectif de créer 275 000 places d’accueil consigné par la Convention d’Objectifs et de Moyens entre l’Etat et la CNAF (COG 2013-2017) ne sera jamais atteint. En 2014, seulement 19% des objectifs ont été atteints (1 place sur 5)((Chiffres tirés du « Point sur le développement de l’accueil des jeunes enfants » du Haut Conseil de la Famille.)). Il y a aussi d’importantes disparités territoriales. Les parents n’ont pas vraiment le choix du mode d’accueil pour leurs bébés.
…et la qualité dépend de la volonté politique.
Promouvoir la qualité de l’accueil est une ambition louable. La mise en application des propositions seraient un progrès. Est-il encore temps pour une application avant les élections de l’année prochaine ?
La réflexion la plus aboutie du plan d’action concerne la formation des professionnel.le.s avec la proposition d’un socle commun et la possibilité de passerelles entre les différents diplômes rénovés de la petite enfance. Elles sont de nature à améliorer la qualité et l’attractivité des professions de la petite enfance. Mais ces formations sont onéreuses et les salaires des professionnels faibles. Et ce sont les régions qui sont compétentes pour l’offre de formations qui dépend des besoins départementaux.
Lutte contre les stéréotypes
C’est un progrès que différentes mesures de lutte contre les stéréotypes soient si clairement proposées dans un tel document.
…démentie par la réalité du congé parental et le déficit de places d’accueil
Cependant, les difficultés pour trouver des modes de garde adaptés, la volonté de partager le début de vie de leurs enfants peuvent amener des parents à opter pour un congé parental. La Prestation Partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) permet à un ou aux deux parents de cesser ou de réduire leur activité professionnelle pour s’occuper de leur enfant. Mise en place en 2015, cette prestation d’accueil du jeune enfant risque de se révéler contre-productive dans son incitation à l’égalité entre parents pour la prise de congé parental. Cette prestation devrait permettre le retour rapide des mères à la vie professionnelle en obligeant le père à prendre au moins ce congé pendant 1/3 du temps. La faiblesse de la prestation ne favorise pas la prise de ce congé par le parent le mieux payé (souvent le père). Compte tenu de l’insuffisance des places d’accueil, cette prestation va se révéler un piège dès l’an prochain pour les mères ayant un niveau de formation et de rémunération faible.
Quel impact ?
Les restrictions budgétaires des départements, les critères de distribution des subventions de la CAF, les inégalités des territoires dans la politique de prise en compte de la petite enfance, le déficit de places d’accueil limiteront l’impact bénéfiques des mesures proposées par ce plan. Dommage !
Commission Familles de l’UFAL