La Cour d’appel de Paris, le 27 novembre 2013, a validé le licenciement de Mme A. par la crèche privée laïque Baby-Loup. L’UFAL note avec satisfaction que la « faute grave » est caractérisée par le comportement de la salariée (insubordination, agressivité et manipulation des témoins), et non par le seul « port du voile islamique », source de polémiques vaines et dangereuses. Le port d’un signe religieux est autorisé en France, mais, comme toute liberté fondamentale, soumis à réglementation.
La Cour d’appel de Paris, suivant le Parquet, a résisté à la chambre sociale de la Cour de cassation, qui avait cassé le précédent arrêt uniquement au motif que le « principe de laïcité » s’appliquait aux personnes et services publics, non à une crèche privée. Sans contester cette évidence, le nouvel arrêt caractérise les missions d’intérêt général de la crèche comme justifiant le principe de neutralité, permettant de « transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s’adresse ». C’est un excellent rappel aux principes de la République, et à la laïcité comme cadre du « vivre ensemble ».
Ainsi, la Cour d’appel, considérant la crèche comme une « entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », estime son règlement intérieur conforme aux exigences du code du travail, contrairement à la Cour de cassation. Il ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales et ne présente aucun caractère discriminatoire. Cette validation de la laïcité et de la neutralité, choisies par la crèche, est heureuse.
Enfin, la Cour d’appel a insisté sur l’obligation de « respecter et protéger la conscience en éveil des enfants », qu’elle a estimé constituer « l’exigence professionnelle essentielle et déterminante » exigée pour justifier les restrictions aux libertés des salariés. L’UFAL ne peut qu’approuver cette reconnaissance des spécificités éducatives de la petite enfance, et reste pour cela opposée à la notion de « crèche confessionnelle » où l’on endoctrine les bébés.
Cependant, la notion d’entreprise de conviction avancée par la Cour d’appel constitue une novation en droit français, qui ne la reconnaît pas, donc une fragilité. Il n’est pas sûr que la Cour de cassation, s’il y a un nouveau pourvoi, la retienne. Cette impasse, au-delà de la question des crèches, fragilise l’ensemble des organismes laïques dans leurs rapports avec leurs salariés, alors même que les entreprises et associations confessionnelles, au nom de leur caractère propre, sont admises à restreindre les droits de leurs agents.
Pour en sortir, l’UFAL réaffirme la nécessité d’une loi, qu’avait paru souhaiter le Président de la République avant de faire machine arrière, l’Observatoire de la laïcité et d’autres organismes servant d’alibis commodes. Mais il ne faut pas se tromper de loi.
L’UFAL a toujours défendu vigoureusement le « principe constitutionnel de laïcité », dont elle demande d’ailleurs l’extension à l’interdiction de subventionnement des cultes et aux territoires de la République hors laïcité. Si ce principe est effectivement restreint à la sphère de l’autorité publique, l’UFAL souligne que la laïcité a aussi un sens élargi, celui de « mode d’organisation, et/ou option non-confessionnelle, ou neutre religieusement ». Ce sens est celui des lois sur l’enseignement public « laïque » et du Préambule de la Constitution, ou de notre appellation reconnue de « familles laïques ». La laïcité est un cadre, aussi bien privé que public, qui, n’adoptant aucune idéologie particulière, les permet toutes, sous réserve de l’ordre public.
L’UFAL rappelle que, par ailleurs, la liberté d’association est un principe constitutionnel, malheureusement oublié dans les différentes instances judiciaires concernant Baby-Loup. Il implique la possibilité de se déclarer « association laïque » ou de choisir la neutralité.
La notion de « conviction laïque » (reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme) est nouvelle en France. L’UFAL estime qu’elle ne peut qu’inciter à revivifier le combat laïque, clairement lié au combat social par Baby-Loup. Défendre une telle conviction incite à l’action constante et vigilante des citoyens, et non à l’attente passive des décisions du juge.