Je sens que nous l’aimons déjà ce tout petit petit, mini burkini… De telles parures laissent-elles passer les U.V. ? A-t-on encore besoin de crème solaire lorsqu’on s’en revêt ? Autant de questions pratiques qui, je l’avoue, interrogent, et peut-être pire, l’auteur de ces lignes.
A travers l’un de ces vêtements chauds d’été, celui couleur bleu pétrole, on devine une femme épanouie au regard un peu dur. Quelle création prometteuse ! A gauche, l’oeil pénètre tendrement les mille et une nuits qui s’évadent des tissus. A droite, c’est du bout des doigts que l’on frôle cette matière attrayante. Tout ici n’est qu’éveil des sens… Luxe, calme, volupté ! Quelle réussite ! « Je tâte votre habit, l’étoffe en est moelleuse »((Molière, « Tartuffe »))… C’est sans doute pour protéger leurs corps qu’elles le cachent si bien des soleils qui pourraient le réchauffer. Elles ont raison, car le désir de chair de l’un dépend de l’insistance de l’autre à la cacher… Et si le bonnet de bain rouge séduit déjà les plongeuses en apnée, ces « Vénus à la parure » ne doivent pas en être jalouses. Fines et douces, elles laissent deviner des jambes pleines de prouesses mystiques… « Mon Dieu! Que de ce point l’ouvrage est merveilleux! »((Ibid))… L’impatience nous ronge ; à quand la collection « homme » ? Ou bébé ?
Un peu de sérieux et explorons ces paysages… fanatiques
Récemment, quelques grandes marques ont commis une nouvelle collection. Après le rire, l’esprit reprend vite la mesure des choses. Aujourd’hui, j’ai mal à mon humanité. La conscience picote (et picota…) et la main saisit la plume. Avec Voltaire elle s’apprête à « écraser l’infâme », surtout quand on écrase une fois de plus les femmes. L’horreur s’acharne ; l’homme s’en prend encore à elles ! « Ô femmes ! approchez et venez m’entendre. Venez apprendre comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenues son esclave, comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenues à vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel »((« Traité sur l’éducation des femmes » Pierre Choderlos de Laclos.
« Apprenez qu’on ne sort de l’esclavage que par une grande révolution » écrivait déjà Laclos en 1783. (Traité sur l’éducation des femmes) )).
Qui assassine-t-on en premier lieu derrière cette parure qui voile ? La femme.
Et par suite, cette dissimulation du corps insulte toute une civilisation. Celle qui a gagné en finesse, en ouverture, en raffinement. Européenne ou Arabe, elle se sait mélangée par l’histoire. C’est aussi pour cela qu’elle ne craint ni l’échange, ni le sourire, ni la séduction. Pleine de légèreté et bercée par les mots, elle va boire un verre en terrasse, dans la chaude insouciance des rayons lumineux… En un mot, elle pratique l’amour et non la camisole morale.
La vie naît de la diversité ; elle en est la quintessence, l’assemblage infiniment recommencé. Refuser ce mélange, c’est refuser la vie. En nourrissant une idéologie de l’enfermement, en plus de la vie, c’est le progrès qui est refusé aux femmes. Car, les deux sont concomitants. Recluses derrière un voile, sinon un grillage, elles découvrent le monde derrière une doctrine les coupant de l’humanité et de la vie. Elles sont réduites, ou se réduisent, à ce qu’elles n’ont pas choisi : leur sexe. Elles ne sont donc plus des Hommes comme les autres. Leur accès à l’universalité est bloqué ; recouvertes par une telle prison, elles sont exclues à perpétuité.
Car, s’il faut douter de leur libre choix, il faut aussi être réservé sur la possibilité qu’elles ont de s’en échapper. Plus ou moins contraintes par « coutume », les petites filles s’y soumettent, ou finissent par s’y soumettre. Et voilà une pensée à peine naissante qui se tort, qui abdique patiemment par une douce torture sans cesse répétée… L’enfant devenu adolescent intègre patiemment le bien et le mal, la morale, selon d’autres que lui-même, sans liberté. Puis, l’adolescente devenue plus âgée, parfois maman sans être passée par le stade de femme, n’occupe pas sa place mais joue un rôle « naturel » dans lequel elle fut enfermée très tôt. De même pour les bourreaux lobotomisés par l’horreur. Elle devient, pour eux, « naturelle ». Bref, entretemps la femme a intégré sa soi-disante infériorité. Tout devient « normal ». « Mettez vous à genoux, priez et implorez, faites semblant de croire et bientôt vous croirez »((Brassens, « Le mécréant ».)).
On veut, au nom d’une paix sociale impossible à atteindre en pratiquant une telle posture, tolérer certaines pratiques, parfois certaines modes. Le voile, le « hallal » et aujourd’hui le « burkini » sont autant de poussées immodérées qu’il faut faire reculer. Mais, est-ce que « Le mal est sans remède ? » est-ce que « Les vices se sont changés en moeurs »((« Traité sur l’éducation des femmes » Pierre Choderlos de Laclos)) ? La mode et la consommation banalisent ces pratiques d’exclusion communautaires, pendant que l’Axe du Bien disqualifie immédiatement toute critique au nom de la tolérance. « Fascistes ! », « Islamophobes ! », « Rascistes ! ». Dans ce va-et-vient entre fanatisme, bien-pensance et libéralisme, les intérêts s’entendent, et c’est la République qui en ressort attaquée. La barbarie islamiste tente, une fois de plus une offensive, un assaut, dans notre civilisation. A croire que nous progressons à reculons. Le bon vieux libéralisme d’hier entrainait l’effritement de la République en favorisant la juxtaposition des communautés. Celui d’aujourd’hui fait des progrès ; il se propose d’en faire carrément la promotion ! Ces grandes marques se sont faites les idiotes utiles de la propagande islamiste.
Quelles que soient leurs options spirituelles, les humanistes ne peuvent rester passifs devant tant d’imbécilités dangereuses.
Pourtant, ce n’est pas un problème de laïcité au sens légal du terme. Ni la loi de 1905 (où la neutralité ne s’applique que dans les lieux d’exercice de la puissance publique), ni celle de 2004 (qui ne s’applique qu’à l’école. Comment l’adapter à l’université ?) ne sont transgressées. C’est beaucoup plus grave. « Dignité », « égalité homme-femme », « tyrannie de l’oppression », « progrès vers plus de liberté »… Autant de mots absents des plateformes libérales et politiques. Mais indéfectiblement présents dans le Préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen((Le lecteur comprendra que ces lignes s’étendent au-delà du voile… )). Ils en forment l’esprit. En effet, où sont passés la liberté, l’égalité et la fraternité ?
Ces précédents propos relanceraient-ils la discussion sur le port du voile ? Avant que des extrémistes de droite, ou autres bobos de gauche profitent de cette autoroute printanière, précédons-les. Doublons-les, non par la droite, ni par la gauche, mais en passant par-dessus; en nous élevant vers la République. Car cet été, sur les plages, que diront les « burkinis » aux bikinis ? Que ce sont des trainées ? Les femmes qui se voilent posent la question, ostensible, à celles qui ne se voilent pas… Alors, pourquoi le voile ?
Pour éviter que la femme ne suscite des pensées impures ? Par religion ?
Qu’est-ce que « la pureté » d’une pensée et qui peut la définir ? Dieu ? C’est donc une affaire de croyance. Elle est donc circonscrite au monde de l’intime qui n’a aucune raison d’être universelle. En revanche, la liberté absolue de conscience avec comme terreaux le savoir et les rencontres permet à coup sûr l’évolution de la morale individuelle et la naissance de l’individu éclairé ; celui qui englobe l’humanité. Mais cet habit, en plus d’écarter l’échange, est le prolongement d’une idée qui verrouille l’esprit comme nous le démontrions plus haut. Par la certitude, il empêche le doute. La liberté absolue de conscience est aussitôt annihilée et les « vérités » dictées par d’autres deviennent vérités singulières, et même « la Vérité ». L’enfermement, la certitude, en un mot le défaut de Lumières fait qu’une certitude doit bientôt être appliquée à tous…
Cela ne poserait pas tant de problèmes s’il ne s’agissait que de religion. Or, il ne s’agit pas d’Islam mais d’islamisme. Comme le rappelle E.Badinter dans une interview au Monde : « En l’espace de dix ans, de nombreuses filles des quartiers se sont mises à porter le voile en France. Révélation divine ? Non, montée de la pression islamique ». En 1953, l’Egypte riait de l’idée même de voiler les femmes « Qu’ils le portent eux-mêmes ! »… Ils s’agissait déjà d’une pression des Frères Musulmans, encore eux… La chienlit ! Ne vous déplaise Messieurs mais nombre de musulmanes ne portent aucun voile, boivent de l’alcool, mangent parfois du porc et aiment se montrer en bikini pour notre plus grand bonheur… sorcières !
C’est bien plus une question de politique, donc d’islamisme peu ou prou extrémiste, que de religion. Et c’est cette politique religieuse de l’Islam ; l’islamisme que nous combattons ici.
D’aucuns objecteraient que c’est « culturel » ou « tradition ».
Soumission à une légende vieille de plus de mille cinq cents ans ? Est-il interdit d’évoluer ? Pourtant relative à un espace-temps donné, certains érigent en pensée universelle les contraintes d’autrefois… paradoxal ! Sommes-nous alors contraints de la tolérer ? Sans doute faudrait-il que les Musulmans éclairés adaptent leurs rituels, leur livre et leur religion comme le proposait dans la « lettre ouverte au monde musulman » Abdenour Biddar. Le philosophe juge le monde musulman d’autant plus durement qu’il l’aime. Par ailleurs, l’historien Bruno Riondel, dans « Considérations inconvenantes sur l’Islam » en pose le décor historique, ce qu’il ne faudrait jamais oublier de faire… Bref, le Coran est l’affaire des musulmans, et strictement la leur, nous aimerions simplement qu’elle ne devienne pas la nôtre.
D’autres en appelleraient peut-être à la tolérance ou au respect des « cultures ».
Prenons l’argument du culturel et renversons-le : « Un peuple qui recouvre ses femmes n’a aucune leçon à recevoir d’un autre qui les séduit, car c’est sa culture » Traduction de comptoir; « chacun fait ce qu’il veut ». Reprenez donc la phrase avec « lapidation des femmes » ou « excision », ou « viol de guerre »… Ou simplement : « Et si c’était votre fille ? ». N’oublions pas que « la tolérance s’est retournée contre celles que l’on croyait aider » comme le rappelle E.Badinter. Sitôt, devrait-on tout laisser faire sous prétexte de tout respecter ? La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen permet de sortir de ce piège du « culturel » en portant la discussion sur le plan politique. Car c’est bien à cela que tout aboutit.
Le voile pour lutter contre la convoitise. Une protection contre le désir ?
Comme si cela ne pouvait pas être aux hommes de contrôler leurs pulsions ! L’Etre civilisé sait le faire, seul le barbare ne sait pas se retenir et agit dans l’immédiateté de son désir. Seuls les déséquilibrés croient que « fleurir de belles inconnues (c’est) être louche » et le poète, Brassens, de rajouter « on est tombé bien bas, bien bas »((« La rose, la bouteille et la poignée de main » G. Brassens))… D’ailleurs, les hommes aussi peuvent susciter le désir. Alors pourquoi ne les voile-t-on pas ? Au nom de l’égalité, comme l’écrivait H. Pena Ruiz, « Le voile pour tous ou pour personne ! »((« Dictionnaire amoureux de la laïcité »)). Car enfin, la séduction est un acte de civilisation des plus nobles! Elle est à l’exact opposé de l’idée de viol, ou de voile. La séduction, c’est une mise en valeur mutuelle, c’est un panache de sentiments des plus intenses, c’est… Le « corps à corps de l’âme »… Ah, mais j’oubliais ; avec le nouveau programme du collège, on s’intéressera désormais à l’équilibre alimentaire d’Emma Bovary plus qu’à sa personne; aux modes « pédagogiques » plus qu’aux beautés de la Langue et des sentiments… Pitié pour Emma! Les compétences ont définitivement remplacé le Savoir et par elles, le barbare se substitue à l’Homme éclairé. Enseignera-t-on obligatoirement l’Islam tandis que les Lumières seront facultatives ? On en parle… Quelle place restera-t-il aux nourritures de l’esprit ? Encore une fois, les compétences gagnent là où le savoir recule, la grosse plâtrée de pâtes froides l’emporte sur le bouquet de saveurs du couscous dont les sublimes parfums font voyager les sens…
Nous venons d’animer à Lille une réunion sur les violences faites aux femmes… Il est logique de penser que nos paroles pourraient être suivies d’actes car ceci est bel et bien, une violence faite aux femmes. Parmi tant d’autres, certes, mais une violence quand même.
Avec de pareilles parures, les rangers du libéralisme recouvrent les pas du progrès ; et permettent le passage de l’islamisme. Au travers du burkini, on soumet la plus belle moitié de l’humanité à quelques barbus intolérants en mal de domination. « God save the liberalim ». A qui profite le crime ? A ces petits grands marchands et à l’Islam politique qui se sert déjà de la religion pour assoir un état totalitaire et engendrer des bénéfices…
Il s’agit de ne pas légitimer, dans l’inconscient collectif, une pratique politique. Il faut mater l’islam politique sans tremblement dans la voix, exactement comme nous le ferions avec quelconque fanatisme. « Vous avez préféré le déshonneur à la guerre, et vous aurez les deux, la guerre et le déshonneur » disait, à peu près, W. Churchill…
Profitons aussi de l’occasion pour distinguer la laïcité, la vraie; au singulier et sans adjectif, du marasme dans lequel on s’apprête à la piéger une fois de plus. Ne cédons pas à la banalisation d’une offensive politiquo-financière qui étend un fascisme tant militaire que spirituel ; « un burkini-facho »…