RLF : Audrey, vous avez choisi de consacrer votre thèse à la laïcité : pourquoi ce sujet ?
AB : Ce projet est né d’un véritable enthousiasme, d’une passion pour la question laïque parce que je considère la laïcité tant le principe juridique que l’idéal qu’elle propose au cœur de la problématique de nos sociétés. Quelle autre solution que celle de la laïcité pour un vivre-ensemble équitable ?
« Parle moi de la laïcité, je te dirai qui tu es … »
Une thèse sur la laïcité est, selon moi, un challenge multiple : c’est se jeter dans un sujet maintes fois étudié et discuté sans faire de redites ; c’est mettre en avant ce qu’on met souvent de côté à propos de la laïcité ; c’est placer sur le devant de la scène une affaire jugée réglée et un thème considéré dépassé.
Plutôt que de jouer hypocritement la carte du communautarisme, n’est-il pas temps de jouer franchement celle de la laïcité ?
RLF : L’intitulé de votre thèse est précisément « La question laïque en France dans le domaine scolaire, entre 1919 et 1939 » : pourquoi cette période de l’entre-deux guerres ?
AB : Tout d’abord, une thèse doit, d’un point de vue scolaire, apporter quelques nouveautés et la période de l’entre-deux-guerres n’a pas fait, à elle seule, l’objet d’étude sous l’angle de la laïcité. C’est une période que l’on considère habituellement inintéressante, d’un point de vue laïque, car elle ne connaît pas de textes majeurs. Mais le temps des lois laïques ne fait pas à lui seul l’historie de la laïcité. Si la période de l’entre-deux-guerres n’est pas celle des réalisations, de l’élaboration des lois laïques, elle est en revanche celle des applications. Qu’en est-il de la laïcité après quarante ans d’application des lois laïques ?
Mais surtout, la question a été la suivante : une fois les lois votées, qu’en est-il de la réalité de l’application du principe de laïcité ?
RLF : Quel est le rapport au présent ?
AB : Cette thèse met à jour des applications contrastées de la laïcité. La laïcité, entre 1919 et 1939, n’est pas appliquée de la même manière ni en Alsace-Moselle ni dans les pays d’outre-mer ; son application diffère aussi en fonction des filières et des degrés d’enseignement (enseignement agricole, enseignement technique, enseignement supérieur, …). Ces applications contrastées ne sont-elles pas des failles au principe de laïcité le coupant pour toujours de sa vocation universelle ? Dans cette période d’application des lois laïques, 1919-1939, ne se joue-t-il pas tout l’enjeu de l’application universelle ou « modulable » de la laïcité ?
Le principe de laïcité ne fait-il pas partie des principes qui doivent être strictement appliqués pour être pleinement justes ?
RLF : Ce n’est pas les laïques de l’UFAL qui vont vous contredire ! Je vois avec plaisir que la relève intellectuelle est pleinement assurée.