Communiqué de presse du 24 juillet 2012 de la Fédération humaniste européenne, dont l’UFAL est membre, et le Greek Helsinki Monitor (GHM).
Le 9 juin 2012, trois comédiens furent arrêtés avant d’être poursuivis pour blasphème, suite à une représentation de théâtre à Athènes. Alertés par cette flagrante atteinte à la liberté d’expression, la Fédération Humaniste Européenne (FHE) et son partenaire grec, le Greek Helsinki Monitor (GHM), appellent le nouveau gouvernement grec à abolir les lois sur le blasphème.
Sécularisation aidant, le délit de blasphème a aujourd’hui disparu du code pénal de la plupart des États européens. Certains l’ont aboli tandis que d’autres, comme l’Autriche, le Danemark, l’Italie et les Pays-Bas, se contentent de ne plus poursuivre les contrevenants. En Grèce, en Irlande ou en Pologne, par contre, les lois sur le blasphème peuvent toujours aboutir à des condamnations allant de l’amende à l’emprisonnement. Cette situation a des effets dissuasifs sur les journalistes, les universitaires, les artistes et l’ensemble des citoyens qui sont forcés de s’autocensurer afin d’éviter les poursuites judiciaires.
La liberté d’expression est pourtant protégée par tous les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme. La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a ainsi souligné à maintes reprises que la liberté d’expression constituait « l’un des fondements essentiels de la société [démocratique] », et qu’elle était « applicable non seulement aux ‘informations’ ou aux ‘idées1’ qui sont [largement partagées ou]considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi à celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population ». La FHE et le GHM défendent fermement la liberté d’expression, qui comprend le droit de critiquer les religions dans les discours ou lors de manifestations artistiques. Il n’existe pas de droit fondamental à ne pas être offensé dans ses convictions religieuses. Les églises et les groupes religieux doivent donc accepter la critique, comme toutes les autres composantes de la société.
En 2008, dans un rapport sur la relation entre liberté d’expression et liberté religieuse, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles, mieux connu sous le nom de « Commission de Venise ») recommanda d’abolir « le délit de blasphème (ce qui est déjà le cas dans la plupart des États européens) et ne pas le réintroduire (là où il avait disparu). »
En 2009, dans une déclaration conjointe publiée lors de la Conférence d’examen de Durban à Genève, trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies – respectivement, sur la liberté de religion ou de conviction, sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, et sur les formes contemporaines de racisme, discrimination raciale, xénophobie et intolérance – ont souligné les difficultés de fournir une définition objective du terme « diffamation des religions » considérant que ce concept était « une porte ouverte aux abus ». En mars 2011, après plusieurs années de résolutions sur la diffamation des religions, l’ONU a finalement adopté une nouvelle résolution sur la lutte contre l’intolérance religieuse qui ne se réfère pas à la diffamation des religions, mais qui prône plutôt la tolérance et l’éducation.
Défendre la liberté d’expression ne signifie pas qu’il est sage ou légal pour les citoyens de dire tout ce qu’ils veulent dans l’espace public. Cette liberté est limitée par l’interdiction de l’incitation à la haine et à la violence sur base de l’identité ethnique, de la religion ou de l’orientation sexuelle, entre autres motifs. Mais à côté de la liberté d’expression, un ensemble beaucoup plus large de mesures, comme le dialogue interculturel ou l’éducation à la tolérance et à la diversité, est nécessaire pour promouvoir la tolérance. Les réponses juridiques, telles que les restrictions sur la liberté d’expression, sont en effet loin d’être suffisantes pour apporter des changements réels dans l’esprit des citoyens, dans leurs perceptions du monde et leurs discours.
- « Corpus Christi » de Terrence Mc Nally, Ce spectacle, écrit en 1997, raconte l’histoire de Jésus et de ses disciples, homosexuels, dans la ville texane de « Corpus Christi ». [↩]