La loi du 24 août 2021 était bien essentiellement sécuritaire. Les avancées sur la laïcité qui ont pu être proposées pendant les 9 mois de débat ont toutes été rejetées. Pire : des reculs importants ont été entérinés, malgré les revendications des laïques.
Les quelques censures et réserves du Conseil constitutionnel, quoique bien timides (voir encadré), portent essentiellement sur des mesures attentatoires aux libertés publiques : elles confirment involontairement que cette loi a pour objet principal de durcir et d’étendre les contrôles administratifs et financiers, pas seulement sur les associations cultuelles. À tel point d’ailleurs qu’on se demande si les services de l’État auront les moyens de la mettre en œuvre. Les pouvoirs des préfets, représentants de l’État hiérarchiquement soumis au ministre de l’Intérieur, en sortent renforcés.
L’UFAL ne peut certes qu’approuver l’obligation de neutralité imposée aux salariés d’entreprises exécutant des missions de service public, la protection renforcée des enseignants et agents publics, les mesures contre la polygamie, les mariages forcés ou les certificats de virginité. Nous saluons également la pénalisation des pressions communautaristes, de la divulgation d’informations personnelles destinées à nuire à la sécurité des personnes et des biens, et de la haine en ligne.
Il est heureux que, grâce au Sénat, l’art. 35 de la loi de 1905, qui punit les propos séditieux tenus dans un lieu de culte, ait été rétabli avec des sanctions actualisées, à l’art. 82 de la loi du 24 août 2021. Pour des raisons inconnues, mais suspectes, il était initialement abrogé dans le projet de loi gouvernemental.
Le Conseil constitutionnel aura été attentif, quoique partiellement, aux craintes exprimées notamment par le mouvement associatif, dont l’UFAL s’est faite l’écho. La vigilance des citoyens reste donc de mise sur l’exécution concrète des très nombreuses dispositions de la loi.
La laïcité est en recul.
D’abord, l’UFAL ne peut que regretter que plusieurs dispositions qu’elle souhaitait voir inscrites soient absentes, ou aient été rejetées. Notamment :
- L’obligation de neutralité religieuse pour les bénévoles participant à l’exécution du service public (dont les tiers accompagnateurs de sortie scolaire).
- L’interdiction des signes religieux ostensibles à l’Université pour les étudiants, dans les situations de cours ou de travaux collectifs.
Surtout, le boursouflage de la loi de 1905 (notamment son art. 19) résultant des travaux parlementaires cache mal un tripatouillage régressif. Quatre exemples :
- Désormais le préfet aura le pouvoir de fait de « reconnaître » le caractère cultuel d’une association : il pourra s’y opposer, la privant des avantages fiscaux afférents (art. 69). C’est une violation manifeste de l’article 2 de la loi de 1905 — article princeps : « La République ne reconnaît (…) aucun culte. ». Il n’est d’ailleurs pas sûr que la Cour européenne des droits de l’Homme, si elle venait à être saisie, valide cette ingérence dans la liberté de religion.
- Le « droit local des cultes d’Alsace et de Moselle », dérogatoire à la laïcité, est consolidé. Ainsi, le Gouvernement a renoncé à placer les « associations inscrites à objet cultuel » des terres concordataires sous le régime de la « police des cultes » de la loi de 1905 (contrairement à ce qu’avait commencé à faire la précédente majorité en 2017((Loi « Égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017))), pour les inscrire dans le « droit local », par un long article 74, parfaitement redondant pour l’essentiel. Au prix d’ailleurs d’une incohérence de rédaction de l’article 167 du « Code pénal local »…
- Les garanties d’emprunt accordées par les communes et les départements pour la construction d’édifices « répondant à des besoins collectifs de caractère religieux » (sic) ne sont désormais plus limitées aux seules « agglomérations en développement », mais étendues à toutes.
- Un nouvel art. 19-2 est ajouté à la loi de 1905 qui autorise les associations cultuelles à « posséder et administrer » les immeubles reçus par dons et legs — alors qu’elles devaient auparavant s’en défaire (art. 70). Elles peuvent donc désormais exploiter commercialement leur patrimoine immobilier non directement cultuel (immeubles de rapport, parkings, commerces…). C’est une contradiction flagrante avec l’art. 19 lui-même, qui limite l’objet de ces associations au seul exercice du culte. Ce véritable cadeau est destiné essentiellement à l’Église catholique. La timide limitation des recettes tirées de cette activité étrangère à tout objet cultuel a même été portée en seconde lecture à 50 % de leurs ressources annuelles (contre 33 % initialement).
L’UFAL a eu raison, avec plusieurs autres associations laïques, d’exprimer son refus qu’il soit touché à la loi de 1905. La voilà devenue un texte boursouflé, et surtout incohérent puisque son titre 1, Principes, est remis en cause par les nouvelles dispositions introduites au forceps dans les autres titres.