Quand les dirigeants du monde, la plupart des directions des partis politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche, souhaitent faire sortir l’urgence laïque des priorités politiques par la porte, la laïcité revient par la fenêtre !
Que le maire de Joué-lès-Tours inscrive « laïcité » sur le fronton d’une mairie, voilà la droite locale et le préfet, aux ordres de la droite néolibérale, qui crie au charron ! Même une partie de la gauche pense que cela détourne « les masses » de leur combat nécessaire.
En fait, ce que les responsables politiques de gauche et d’extrême gauche n’ont pas encore compris, c’est que le fossé de la gauche avec les couches populaires (ouvriers, employés) majoritaire en France, est, pour partie, lié au désintérêt de la gauche de l’urgence laïque qui doit être située au même niveau que l’urgence démocratique, que l’urgence sociale, que l’urgence écologique. Les partis politiques de gauche et d’extrême gauche ne se battent aujourd’hui qu’à l’intérieur des couches moyennes représentant à peine 45% de l’électorat.
Ils sous-estiment le fait que les couches populaires sont les seuls à défendre la globalisation des combats laïques, sociaux, écologiques, démocratiques, féministes et républicains. Le fait de vouloir faire surplomber l’un des combats par rapport aux autres est la marque d’un cantonnement politique au sein des couches moyennes !
Ils n’ont pas encore compris la nouvelle géosociologie des territoires où les couches populaires sont chassées des villes centres ou se concentrent les militants des grandes organisations pour se répartir dans certaines banlieues, dans les villes périurbaines et les zones rurales beaucoup moins pourvues en militants politiques !
C’est pourquoi la campagne d’éducation populaire tournée vers l’action de l’UFAL va s’amplifier. Après la centaine de réunions publiques et stages de formation, voilà l’installation d’universités populaires locales (UPL) avec les 11 séances du lycée Dorian à Paris en ce moment, les 15 séances prévues dès septembre 2010 dans une communauté de communes de 400.000 habitants dans la Seine-Saint-Denis, les UPL prévues l’année prochaine dans une demi-douzaine de villes de province au moins. Haut les cœurs !
Revenons à l’analyse
Les dirigeants du monde, la plupart des directions des partis politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche, contestent la laïcité ou minimisent son importance. Lorsque les partis politiques se réclament de la gauche ou de l’extrême gauche, c’est encore plus grave, car dans la phase actuelle du capitalisme, que nous appelons turbocapitalisme, il n’y a plus de cohérence de gauche sans le principe de laïcité.
Des forces sociales, des dirigeants politiques, des intellectuels, largement soumis à l’idéologie dominante tente jour après jour à dénaturer son sens en qualifiant la laïcité d’ouverte, plurielle, positive ou de reconnaissance.
A gauche, de nombreuses voix s’élèvent pour clamer leur attachement à la laïcité mais dans la réalité matérielle, ils surplombent le principe de laïcité soit par le social soit par l’écologie, soit par le féminisme essentialiste. Se peindre en vert, faire croire que la victoire sociale entraîne de facto toutes les autres victoires, que la promotion des femmes suffit à transformer le monde, autant d’illusions que le peuple a compris en se détournant de ces élites coulées dans le moule.
Le turbocapitalisme, dirigé par la droite néolibérale et soutenu par une partie de la gauche, a aujourd’hui deux alliés cosubstanciels contradictoires : le communautarisme et l’intégrisme d’une part et l’ultra-laïcisme raciste d’autre part. Le premier lui permet d’engager le processus de marchandisation des services publics et de la protection sociale par la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Pour aboutir in fine à une harmonisation mondialisée par le bas en développant la charité communautariste et intégriste en lieu et place de la solidarité républicaine. Le deuxième lui permet d’alimenter la stratégie du Choc des civilisations de Samuel Huttington pour détourner les « belles âmes » du seul chemin émancipateur qui passe par le dépassement du turbocapitalisme.
Que faire ?
Éclaircir le principe de laïcité dans la globalisation des combats revient donc à permettre une nouvelle avancée de l’émancipation humaine. Pour cela, il convient de réinscrire le principe de laïcité dans son acception historique de liberté absolue de conscience, d’universalité des droits et d’organisation politique par le principe de séparation entre l’autorité politique et la sphère de constitution des libertés (école, services publics et protection sociale) d’une part et la société civile d’autre part. Pour cela, il convient de se dégager de la dictature de la tactique immédiate largement pratiquée par des partis politiques( y compris de gauche et d’extrême gauche) dont la quête des places lors de la prochaine élection est le seul objectif réel. Dès la fin des régionales 2010, soyons sûr que les appareils politiques privilégieront la dictature de la tactique pour l’élection présidentielle 2012 au dépend de l’analyse de fond et du débat nécessaire au sein du peuple sur les politiques alternatives nécessaires. Pour cela encore, il convient de se sortir de la soumission des citoyens aux dirigeants politiques plus bateleurs de foires que guide et conseiller du peuple !
Qui n’a pas ressenti dans certains meetings politiques, une foi et un enthousiasme digne des concerts pop de la bonne époque ! Et les concerts pop n’ont jamais fait engagé une quelconque transformation sociale ni pratiquer des actions révolutionnaires !
L’action de Joué-lès-Tours a entraîné certains à s’offusquer que l’on ose toucher à la devise de la république « Liberté, Égalité, Fraternité » qui serait devenu intangible en lui adjoignant en plus « Laïcité ».
Mais une devise peut être datée historiquement et le développement diachronique du modèle politique républicain peut avoir besoin d’être de nouveau débattu. Si un consensus a admis que l’intelligibilité de la devise « Liberté, égalité, fraternité » est séquentielle car elle se comprend dans l’ordre d’énonciation, nous pouvons estimer que la pertinence de la devise ait besoin d’être revu en regard à son environnement idéologique, économique, social et politique. Ou dit autrement, la pertinence d’une devise relève aussi de son positionnement diachronique. Alors que les concepts de liberté et d’égalité relève des individus, le concept de fraternité (liens d’amitié et de solidarité entre des citoyens partageant le même combat), relève quant à lui, autant des individus que de l’association « politique » qui est sous-tendue par le modèle de la république laïque.
Mais aujourd’hui, la république laïque n’a de sens que dans le cadre de la république sociale, chère à Jean Jaurès. Pour cela, il est nécessaire de rajouter d’autres concepts au triptyque républicain classique. Les principes de laïcité, de démocratie, de solidarité, de sûreté, de souveraineté populaire, d’écologie. Aux trois marqueurs de l’État de droit(distinction des pouvoirs, circulation de la souveraineté par mandats électifs et par compétences, espace critique rendu possible par la multiplicité des libertés garanties) relevant de la rupture démocratique au totalitarisme et de la rupture avec le théologico-politique que représente l’avancée laïque par rapport au principe tolérance de Locke, il est nécessaire pour la république sociale de réaliser deux ruptures supplémentaires : la rupture sociale en œuvrant au dépassement du turbocapitalisme et la rupture écologique pour rompre avec le productivisme. Mais comme la devise actuelle de la république est séquentielle, les quatre ruptures le sont également. Ne pas respecter l’ordre d’énonciation des quatre ruptures, c’est rompre avec la pertinence et l’esthétique de la globalisation des combats.
Les peuples s’inscrivent de plus en plus dans la globalisation des combats.
Après le Portugal en 1974 pendant la révolution des œillets, la Suède en janvier 2000, la Bolivie en 2009, voilà le Bangladesh qui s’apprête à inscrire à nouveau dans la Constitution le principe de laïcité, qui avait été supprimé après le coup d’État militaire de 1975. Cette déclaration de Shafiq Ahmed, ministre de la Justice, intervient au moment où Sheikh Hasina, le chef du gouvernement du pays, tente de freiner les partis islamistes. « Nous n’avons maintenant plus aucun obstacle au retour des quatre principes – démocratie, nationalisme, laïcité et socialisme – proclamés dans le statut de l’État de 1972″, a déclaré le ministre. La Cour suprême a récemment confirmé une décision déclarant nul et non avenu le cinquième amendement qui avait supprimé la laïcité comme principe constitutionnel en 1975.
Suite au recul de la laïcité en France ces 100 dernières années, pays ou ce concept est né, conceptualisé pendant la Grande Révolution française et difficilement appliqué dans les 120 ans qui ont suivi, sûr que cette nouveauté semble en dehors de la préoccupation des bateleurs de foires !
Cela corrobore la carte du combat laïque dans le monde qu’a publié l’UFAL dans son dernier numéro de son trimestriel papier UFAL Info. Le combat laïque est planétaire et que ceux qui pensent que la laïcité est franco-française sont des nostalgiques passéistes ringards qui pensent comme on pensait dans la période improprement appelée des « Trente glorieuses ».
Le principe de laïcité ne se segmente pas !
Que penser de ceux qui s’offusquent que le NPA présente aux élections une « voilée » alors qu’ils ne disent rien quand d’autres partis font pire en acceptant que des « voilées » siègent dans les assemblées constitutives des autorités politiques locales françaises! Qu’ont-ils fait quand l’UFAL a dénoncé ce manquement à la laïcité à Échirolles (38) et ailleurs ? Laissons-les pratiquer l’écume des jours et disons-le tout net, pour nous un principe, c’est comme l’humanité cela ne se segmente pas !
Que penser de ceux qui, dans la Commission Gérin, ont réussi à réintroduire le sinistre rapport Machelon cher au révisionnisme communautarisme sarkozien ?
Que penser de ceux qui se gaussent de laïcité en acceptant le développement des écoles privées catholiques au détriment des écoles publiques ?
Que pensez de ceux qui utilisent le mot « laïcité » déconnecté de la « vraie vie » pour cacher leur propension au racisme, au colonialisme et à la xénophobie ?
Que pensez des élus qui souhaitent soit maintenir les statuts des églises et le statut scolaire d’Alsace-Moselle, de Guyane, de Mayotte, soit développer cette dérogation (voir les déclarations de la quasi-totalité des élus de droite et d’extrême droite et de certains élus socialistes, écologistes, NPA et Front de gauche) ?
On pourrait bien sûr en faire une liste à la Prévert.
Ne pas se tromper de priorité
La priorité reste donc celle du combat pour la globalisation des combats contre la confusion dans les esprits des citoyens, des militants, des élus et des intellectuels. C’est pour cela que la priorité des citoyens et militants conscients reste l’éducation populaire tournée vers l’action et le débat qu’elle provoque.