Une justice administrative à géographie variable.
Les élus locaux de droite et d’extrême droite comptent beaucoup sur l’affichage de crèches de la Nativité dans les locaux publics pour relancer la « France chrétienne » (le petit Jésus étant de race blanche…) à l’approche des élections régionales. D’où le prurit d’installation de crèches constaté en 2014 : Conseil général de Vendée, Mairie de Melun, Mairie de Béziers. Évidemment, en contradiction totale avec la loi de 1905, qui interdit l’apposition de tout « signe ou emblème religieux sur les monuments publics ».
La FNLP (fédération nationale de la libre pensée) dans les deux premiers cas, connue pour ses combats souvent décisifs contre le cléricalisme catholique, et la Ligue des Droits de l’Homme à Béziers, ont contesté ces initiatives devant le tribunal administratif. Premier juge, première surprise : à Melun et à Béziers, la crèche n’était plus un signe religieux, mais une décoration traditionnelle — et la Mairie à peine un bâtiment public. Donc, il n’y avait pas infraction à la loi de 1905. En revanche, le Conseil général de Vendée a dû retirer sa crèche, en application de la même loi.
Deuxième surprise : le second juge n’a pas fait mieux ! Suite aux appels de la FNLP pour Melun, du Conseil général pour la Vendée, les cours administratives d’appel de Paris et de Nantes ont annulé la décision du premier juge. Donc, situation identique, mais inversée : une crèche interdite à Melun, une autorisée en Vendée. Laïcité-bondieuserie : un partout, balle au centre ?
C’était compter sans l’Observatoire (gouvernemental) de la laïcité, qui, arbitre impartial, a sifflé une pénalité… contre la laïcité, en publiant le 13 octobre un « guide » soutenant qu’une crèche pouvait constituer une « simple exposition culturelle et traditionnelle », donc être autorisée. Peu lui importe apparemment que la CAA de Paris ait dit exactement l’inverse 5 jours plus tôt ! Ni que l’incontournable Robert Ménard (FN, Béziers) ait proclamé sa volonté de réitérer cette année la crèche en Mairie « pour rendre hommage à la naissance du Christ » !
Toutes nos félicitations à la FNLP pour sa ténacité à Melun, et nos sincères condoléances pour l’échec de Nantes, qui est celui de la laïcité et de la République.
Nous reviendrons plus en détail sur la portée de cette dérive supplémentaire. Mais d’ores et déjà, la divergence des deux CAA citées interpelle sur la capacité de la justice administrative à appliquer le principe de laïcité. Il y a lieu de craindre que le Conseil d’État, s’il était saisi en cassation, ne vienne confirmer que, contrairement au simple bon sens (et au respect que la République affirme pour « toutes les croyances »), une crèche de la Nativité n’a rien de religieux. Si l’on avait envie de rire, on protesterait contre cette « déchristianisation » forcée !