L’UFAL a reçu une invitation à signer un « appel de la société civile pour la défense et la promotion de l’égalité des droits et des libertés », déjà rédigé par d’autres associations. Ce texte présente l’avantage de ne choquer personne, tant il est pétri de bonnes intentions et de morale. Qui ne serait contre « la haine », et pour « les valeurs de la République » ? Le Front National lui-même, tout à sa dédiabolisation, pourrait y souscrire, c’est dire !
Pourtant, c’est manifestement le Front National qui est visé derrière le mot « haine » ; et face à lui, un hypothétique « front républicain » (rêve de « la gauche » gouvernementale) qui se réclame de « liberté, égalité, fraternité » comme « clefs de l’avenir que nous voulons ». Ce face à face politicien, manichéen et simpliste, oublie un élément, essentiel pour qui se veut Républicain : le peuple – sans lequel tout n’est qu’incantations creuses.
Cet appel entretient ainsi la confusion politique, en détournant l’attention vers des questions sociétales, voire morales, pour éviter d’aborder les préoccupations réelles des citoyens et des familles : le chômage, la casse sociale, la pauvreté. Veut-on faire oublier que la majorité au pouvoir, lâchée par les catégories populaires, vient d’essuyer une cuisante défaite aux municipales, que le Président de la République bat des records d’impopularité, et que le Premier ministre actuel pratique la fuite en avant dans l’austérité commandée par Bruxelles ?
L’UFAL se bat pour les droits sociaux et la laïcité, pour l’égalité de toutes les formes de famille, mais elle reste d’abord indépendante de tout pouvoir, qu’il soit de droite ou « de gauche ». Elle ne participera donc pas à cette opération de brouillage politicien.
On ne peut à la fois s’en prendre aux « promesses abusives » du FN, et ignorer celles, non tenues, du Président de la République pour la défense de l’emploi. La carte des progrès de l’extrême-droite se superpose bien souvent à celle de la casse et de la désespérance sociales.
On ne peut à la fois se réclamer abstraitement de la « solidarité » et ne pas défendre son principal outil concret : la sécurité sociale, fondée sur la cotisation, dont le démantèlement est accéléré par le gouvernement actuel se réclamant de la « gauche ».
On ne peut à la fois dénoncer les « discours anti-Roms » et faire semblant d’ignorer que le ministre de l’Intérieur qui en a tenu certains est aujourd’hui Premier ministre.
Comment en vouloir aux travailleurs laissés pour compte, aux familles réduites à la misère – à qui M. Valls propose le gel du RSA ! — « d’avoir la haine », et, dans le meilleur des cas, de s’abstenir de voter, laissant ainsi le champ libre au FN ?
« Inquiets, nous le sommes », de voir un gouvernement socialiste démontrer qu’il est capable d’aller encore plus loin et plus vite que la droite dans la casse sociale, et apporter encore de l’eau au moulin du FN qui dénonce « l’UMPS », ces gouvernements « impuissants et indifférents » « depuis 30 ans », comme dit l’appel… sans en tirer les conséquences.
Enfin, « Toutes et tous pour un avenir solidaire » ne contient qu’une seule référence à la laïcité, curieusement réduite à la liberté de création, « d’Internet » (!), de pensée — mais ignorant la séparation des Pouvoirs publics et des religions ! La « lutte contre les « discriminations » » revendiquée est d’ailleurs le masque classique des « accommodements raisonnables » avec la prétention des cultes à imposer partout leur affichage : ce que certains des promoteurs de l’appel nomment la « laïcité ouverte », ou « inclusive »… Comment prétendre « faire société » sans rappeler que la laïcité en est la condition indispensable, parce qu’elle seule pose le cadre d’une véritable égalité dépassant les clivages communautaires ? Le mot d’ordre rebattu « vivre ensemble » ne doit pas signifier « vivre côte à côte dans une mosaïque de communautés » !
Ce n’est pas avec des prêches et de la bonne conscience que l’on fera reculer le FN, mais avec une véritable politique sociale et démocratique, osant s’affranchir des dictats de l’Europe libérale, sachant remettre le MEDEF à sa place, et remobilisant le peuple.
Faute de tenir compte de ces conditions concrètes, les « rencontres croisées » pour « l’égalité des droits » proposées par l’appel n’ont aucune chance de prospérer ni d’atteindre le public populaire. L’UFAL considère qu’il y a d’autres urgences pour les familles et les citoyens.