Nous reproduisons ci-dessous une tribune parue dans les colonnes du journal l’Humanité le 2 décembre et qui porte sur un sujet à la fois important et trop négligé.
Religion de l’élève, dates de son baptême, de sa communion, de sa profession de foi, de sa confirmation ; paroisse de sa famille, ou encore certificat de mariage hébraïque de ses parents : telles sont les informations que doivent communiquer les parents désireux d’inscrire leurs enfants dans certaines écoles, collèges et lycées privés parisiens… sous contrat d’association avec l’État ! Elles figurent en toutes lettres sur les formulaires de candidatures à ces établissements.
La liberté de l’enseignement est certes reconnue par la Constitution, et la République s’engage à respecter le « caractère propre » (souvent confessionnel) des établissements de l’enseignement privé. Elle accepte même – on peut s’en étonner – de financer une partie de leur fonctionnement, lorsqu’ils ont conclu un contrat d’association avec l’Etat. Mais il est tout à fait clair que ce contrat ne va pas sans contrepartie. Le code de l’éducation l’énonce avec fermeté : un établissement privé confessionnel sous contrat est soumis au contrôle de l’Etat, l’enseignement doit y être délivré « dans le respect total de la liberté de conscience », et « tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances, y ont accès » (article L442-1).
Dans ces conditions, à quoi riment toutes ces questions sur la religion de la famille qui souhaite placer son enfant dans un établissement privé ? Si l’accès y est garanti « sans distinction » de religion, pourquoi diable s’enquérir de la religion ? Un pénible soupçon vient à l’esprit : celui de la discrimination. Convenons qu’elle est, à tout le moins, rendue possible par ces questionnaires qui, dans n’importe quel autre service public, commerce ou entreprise, seraient radicalement illégaux.
Cette situation doit donc cesser. A Paris – académie où la ségrégation sociale du système scolaire atteint des sommets((B. Boutchenik, P. Givord et O. Monso, Insee Analyses, No 40, Sept. 2018)) – notre école n’a pas besoin d’ajouter la discrimination religieuse à tous les facteurs de fragmentation qui la minent. Nous appelons le ministre de l’Education nationale à agir, dans les meilleurs délais, pour rétablir le respect de la loi commune.
Premiers signataires :
- Jean-Noël Aqua, Conseiller de Paris, universitaire ;
- Pierre Laurent, Sénateur de Paris ;
- Nicolas Bonnet Oulaldj, conseiller de Paris, Président du groupe PCF au Conseil de Paris ;
- Gwénaële Calves, professeure de droit public ;
- Michel Leclerc, réalisateur, auteur de « La lutte des classes »